Nouveaux membres de l’Académie : la promotion 2018

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L’initiative de l’ancienne présidente de l’Académie du cinéma américain Cheryl Boone Isaacs, de promouvoir la représentativité au sens large des membres de cette vénérable institution, a pour le moins été pérennisée par son successeur, le chef opérateur John Bailey. En effet, le nombre des nouveaux membres de l’Académie, dont la liste a été annoncée hier, a une fois de plus fait un bond spectaculaire, puisqu’il s’établit désormais à 928, c’est-à-dire 150 de plus qu’en l’année record 2017. 59 pays sont représentés parmi ce petit millier de nouveaux votants potentiels aux Oscars, qui font donc de cet ancien club aussi exclusif que centré sur la communauté hollywoodienne de plus en plus un pendant cinématographique des Nations Unies. Tandis que la parité homme / femme est pratiquement respectée au sein de la promotion 2018, les manquements du passé à ce sujet font que sur la globalité de l’Académie, la part des femmes ne s’établit désormais qu’à 31 %, tout de même une hausse de 6 % par rapport à 2015. Quant à la question raciale, elle se reflète à travers 38 % des nouveaux membres comptabilisés en tant que « personnes de couleur », ce qui permet à cette minorité relative de doubler sa part en trois ans !

D’un point de vue statistique, 92 professionnels du cinéma nommés à l’Oscar pourront désormais faire partie de l’Académie, dont 17 lauréats de la statuette la plus convoitée du monde du cinéma. Neuf des groupes professionnels qui forment ensemble l’institution, ont fait preuve de féminisme, en invitant plus de femmes que d’hommes, dont les acteurs, les monteurs, les producteurs, les maquilleurs et les réalisateurs de documentaires. Les décorateurs ont manifesté leur ouverture d’esprit, en invitant quelques recherchistes de lieux de tournage, le règlement de leur groupe leur permettant d’inclure qui bon leur semble. Après avoir exclu trois de ses illustres membres pour des faits de mœurs l’année dernière, le producteur Harvey Weinstein, le comique Bill Cosby et le réalisateur Roman Polanski, l’Académie a fait preuve d’une curieuse ironie en accueillant la femme de ce dernier, l’actrice Emmanuelle Seigner. Ce qui ne veut pas dire qu’il suffit d’un peu de prestige pour faire partie de l’Académie, puisque la candidature du légendaire joueur de basket Kobe Bryant, oscarisé cette année pour le court-métrage Dear Basketball, a été refusée. Enfin, aucun des invités n’est obligé d’accepter. Ceux qui le font seront solennellement accueilli lors d’une soirée à la rentrée.


L’embarras du choix

Face à l’impossibilité de citer tous les heureux élus, dont l’immense majorité reste de toute façon inconnue du grand public, nous essayerons de faire un tour à peu près pertinent de cette liste au nombre exponentiel, en commençant comme d’habitude par ceux et celles qui devront choisir dans quel groupe ils éliront leur domicile. En effet, cette année, dix professionnels du cinéma ont été plébiscités par deux branches de l’Académie, ce qui les obligera de faire un choix. Il s’agit essentiellement du doublon scénario / mise en scène, comme pour Sean Baker (The Florida Project), Ziad Doueiri (L’Insulte), Hong Sang-soo (La Caméra de Claire), Ruben Östlund (The Square), Béla Tarr (Le Cheval de Turin) et Chloé Zhao (The Rider). Mais on trouve aussi dans ce groupe à multiples casquettes l’acteur / scénariste Kumail Nanjiani (The Big Sick), la monteuse Lillian Benson (Maya Angelou and Still I Rise) invitée de même par les réalisateurs de documentaires, le monteur Harry Hitner (Ferdinand) qui a connu pareil honneur de la part des réalisateurs de films d’animation, ainsi que la vice-président de l’animation chez Sony Karen Rupert Toliver, invitée à la fois chez les réalisateurs de films d’animation et en tant qu’executive.


Avec les félicitations du jury

L’un des chemins les plus directs pour se joindre aux près de huit mille membres de l’Académie est d’être nommé aux Oscars, voire d’en gagner un. Cette méthode a beau ne pas être infaillible, comme on le verra plus bas, elle a néanmoins porté chance cette année-ci aux nommés acteurs Timothée Chalamet (Call me by your name) et Daniel Kaluuya (Get out), au chef costumier Luis Sequeira (La Forme de l’eau), à la décoratrice Alessandra Querzola (Blade Runner 2049), aux réalisateurs de documentaires Yance Ford (Strong Island) et Feras Fayyad (Last Men in Aleppo), aux monteurs Jonathan Amos (Baby Driver), Jon Gregory (3 Billboards Les Panneaux de la vengeance) et Sidney Wolinsky (La Forme de l’eau), aux maquilleurs Loulia Sheppard (Confident royal) et Arjen Tuiten (Wonder), au compositeur Sufjan Stevens (Call me by your name), aux producteurs Lisa Bruce (Les Heures sombres), Peter Czernin (3 Billboards Les Panneaux de la vengeance), Sean McKittrick (Get out) et Luca Guadagnino (Call me by your name), à l’ingénieur du son Tim Cavagin (Baby Driver), aux monteurs d’effets sonores Nelson Ferreira (La Forme de l’eau) et Julian Slater (Baby Driver), au créateur d’effets spéciaux Jonathan Fawkner (Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2), ainsi qu’aux scénaristes Emily V. Gordon (The Big Sick), Vanessa Taylor (La Forme de l’eau), Michael Green (Logan) et Virgil Williams (Mudbound). Les lauréats de la 90ème cérémonie des Oscars sont assez modestement représentés, puisqu’ils ne sont que cinq : le décorateur Paul Denham Austerberry (La Forme de l’eau), le maquilleur David Malinowski (Les Heures sombres), le producteur J. Miles Dale (La Forme de l’eau) et les créateurs d’effets spéciaux Paul Lambert et Gerd Nefzer (Blade Runner 2049).


On vous aime un peu, beaucoup, mais pas encore passionnément

Ils sont passés de justesse à côté d’une nomination à l’Oscar cette année, d’où ce drôle de lot de consolation, qui consiste en une invitation à l’Académie pour les actrices Hong Chau (Downsizing), Tiffany Haddish (Girls Trip), Diane Kruger (In the Fade) et Daniela Vega (Une femme fantastique), le réalisateur Craig Gillespie (Moi Tonya) et le scénariste Stephen Chbosky (Wonder). Et puisque Hollywood prend malgré tout soin de sa progéniture, ces valeurs montantes feront aussi partie de l’Académie : Emilia Clarke (Solo A Star Wars Story), Lily James (Les Heures sombres), Chloë Grace Moretz (Suspiria), Daisy Ridley (Star Wars Les Derniers Jedi), Amy Schumer (I feel pretty), Juno Temple (Wonder Wheel), Taron Egerton (Kingsman Le Cercle d’or) et Miles Teller (Thank you for your service).


Mieux vaut tard que jamais ou on a failli vous oublier

La politique récente de l’Académie est si peu restrictive que l’on pourrait s’étonner qu’il reste encore des valeurs sûres du cinéma américain plus ou moins ancien jamais invitées jusqu’à présent. Cette partie de la liste reste par conséquent la plus ambiguë, tant les noms qui y apparaissent ont dû patienter sagement avant de rencontrer enfin la bienveillance de la part de l’élite hollywoodienne. Y figurent les actrices nommées à l’Oscar Abigail Breslin (Little Miss Sunshine) et Quvenzhané Wallis (Les Bêtes du sud sauvage), sans doute trop jeunes au moment de leur nomination pour participer aux activités de leurs confrères adultes, la compositrice oscarisée Melissa Etheridge (Une vérité qui dérange), ainsi que les acteurs Gemma Arterton (The Last Girl Celle qui a tous les dons), Eileen Atkins (Magic in the Moonlight), Hank Azaria (Les Schtroumpfs), Christine Baranski (Bad moms 2), Andre Braugher (Les Passagers), Dave Chappelle (A Star is born), Taye Diggs (Equilibrium), Ann Dowd (Compliance), Omar Epps (Aniki mon frère), Eva Green (Casino Royale), Jennifer Grey (Dirty Dancing), Toby Jones (Jurassic World Fallen Kingdom), Harry Lennix (Titus), Adrian Lester (Primary Colors), Blake Lively (Instinct de survie), Derek Luke (Antwone Fisher), Kal Penn (Harold & Kumar s’évadent de Guantanamo), Joely Richardson (Red Sparrow), Kyra Sedgwick (Possédée), Jada Pinkett Smith (Girls Trip), Mark Strong (Kingsman Le Cercle d’or), Amber Tamblyn (127 heures), Liv Tyler (L’Incroyable Hulk), Blair Underwood (Deep impact), Damon Wayans (The Very Black Show), Ben Whishaw (Danish girl), Michael K. Williams (12 Years a Slave), Penelope Wilton (Le Cercle littéraire de Guernesey), Evan Rachel Wood (The Wrestler), le réalisateur canadien Guy Maddin (La Chambre interdite) et l’auteur à succès anglais J.K. Rowling (Harry Potter).


Parlez-vous Oscar ?

Après la fournée 2017 relativement rachitique en termes d’invités français, l’Académie se rattrape largement cette fois-ci avec un groupe conséquent d’une trentaine de représentants tricolores, dont les oscarisés Michel Gondry (Meilleur scénario original en 2005 pour Eternal Sunshine of the Spotless Mind) et Pierre Uytterhoven (Meilleur scénario original en 1967 pour Un homme et une femme), ainsi que les acteurs Aurore Clément (Apoclaypse Now Redux), Tahar Rahim (Un prophète), Emmanuelle Seigner donc (La Vénus à la fourrure), Léa Seydoux (007 Spectre) et Saïd Taghmaoui (Wonder Woman), les réalisateurs Laurent Cantet (Entre les murs), Jean-Pierre Jeunet (Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain) et Rebecca Zlotowski (Planétarium), les producteurs Saïd Ben Saïd (Elle), Sylvie Pialat (Timbuktu), Carole Scotta (Coco avant Chanel), Hugues Charbonneau et Marie-Ange Luciani (120 battements par minute), les scénaristes Thomas Bidegain (Dheepan), Bertrand Bonello (Nocturama), Emmanuel Bourdieu (Un conte de Noël), Robin Campillo (120 battements par minute), Arnaud Desplechin (Trois souvenirs de ma jeunesse), Alain Guiraudie (L’Inconnu du lac) et Guillaume Laurant (L’Odeur de la mandarine), les monteurs Marion Monnier (Sils Maria) et Hervé Schneid (Mesrine), les chefs opérateurs Christophe Beaucarne (Barbara), Céline Bozon (Félicité), Irina Lubtchansky (Les Fantômes d’Ismaël), Claire Mathon (Rester vertical), la chef décoratrice Aline Bonetto (Un long dimanche de fiançailles), les costumiers Pierre-Jean Larroque (Marguerite), Virginie Montel (Un prophète), Isabelle Pannetier (120 battements par minute), Anaïs Romand (Saint Laurent) et le compositeur Eric Serra (Le Cinquième élément).


¿ Hola Oscar, que tal ?

La volonté d’ouverture au cinéma international de la part de l’Académie va en effet très loin cette année, puisque elle convie de même des légendes du cinéma asiatique, européen et latino-américain. Côté indien, c’est le mythe bollywoodien Shah Rukh Khan (Devdas) qui est enfin reconnu aux États-Unis, pendant que du même contient, les noms suivants anoblissent la liste : les acteurs Takeshi Kaneshiro (Le Secret des poignards volants), Kim Min-hee (Le Jour d’après) et Andy Lau (Infernal affairs), ainsi que les réalisateurs Lee Chang-dong (Burning), Sion Sono (The Land of Hope) et Lou Ye (Nuits d’ivresse printanière). De la part de nos voisins européens, notons l’inclusion des Italiens Marco Bellocchio (Fais de beaux rêves), Alice Rohrwacher (Heureux comme Lazzaro) et sa sœur actrice Alba Rohrwacher (Ma fille), du Norvégien Joachim Trier (Oslo 31 août), du Suédois Roy Andersson (Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence), de l’Allemand Christian Petzold (Transit), de même que de nombreux Espagnols : Pablo Berger (Abracadabra), Javier Camara (Parle avec elle), Rossy De Palma (Madame), Mateo Gil (Realive), Carmen Maura (Femmes au bord de la crise de nerfs), Angela Molina (Étreintes brisées), Eduardo Noriega (Vies brûlées) et Emma Suarez (Julieta). Sans oublier la frontière grande ouverte avec l’Amérique latine que sont invités de franchir la Brésilienne Alice Braga (La Cité de dieu), l’Argentin Ricardo Darin (Everybody knows) et la Chilienne Paulina Garcia (La Fiancée du désert).

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