Cannes 2019 : Le bilan de Jean-Jacques

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Les gros coups de cœur

Dans un Festival assez décevant, surtout concernant la sélection officielle, il y a eu, heureusement, la possibilité pour moi de ressentir quelques gros coups de cœur. Les deux plus importants ? Sans hésitation, For Sama , un documentaire bouleversant de Waad al-Kateab et Edward Watts, tourné à Alep pendant les bombardements et présenté en séance spéciale ; The Halt, un film de 4 h 39 du philippin Lav Diaz, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, un film en noir et blanc, entièrement tourné de nuit, à la fois très fort et très beau. Deux autres coups de cœur venaient du Maroc, Le miracle du saint inconnu de Alaa Eddine Aljem, présenté à la Semaine de la Critique, très proche du cinéma de Aki Kaurismäki, et Adam, de Maryam Touzani, présenté dans la sélection Un Certain Regard, plein d’une émotion parfaitement contenue. Gros coup de cœur également pour Perdrix, une comédie française de Erwan Le Duc, présentée à la Quinzaine des Réalisateurs, très drôle, très intelligente, avec Swann Arlaud et Maud Wyler au sommet de leur forme.

Deux films marocains et aucun film de la compétition parmi mes coups de cœur, cela peut vous paraitre bizarre. Pourtant, cela reflète parfaitement l’impression ressentie concernant cette sélection officielle : l’impression que, depuis 2014, chaque sélection est inférieure à la précédente. Au point que, cette année, sur 14 films visionnés sur les 21 en compétition, seuls 4 arrivent à remonter une moyenne globalement faible. Il s’agit de Sorry We missed You, un bon Ken Loach, de Frankie, le premier film européen du new-yorkais Ira Sachs, de Le traître,un bon Bellocchio et de Le jeune Ahmed, un retour en forme des frères Dardenne.

Un survol du palmarès

Première Palme d’or pour un film coréen : Parasite de Bong Joon-ho. Dommage, je ne l’ai pas vu. Par contre je n’ai entendu que des louanges de la part des gens qui l’avaient vu. Il va sortir mercredi 5 juin. Le Grand Prix du Jury attribué à Atlantique de Mati Diop : on peut s’étonner de constater que le jury de la Caméra d’or a préféré attribuer cette récompense  à Our Mothers, du guatémaltèque César Diaz, plutôt qu’à cet autre premier film, alors qu’un autre jury lui décerne la médaille d’argent du « plus grand festival du monde » ! Notre avis : un film aux sujets intéressants (l’émancipation de la femme, la jeunesse sénégalaise qui cherche à quitter le pays, les revendications des travailleurs face à des patrons qui ne les paient pas) mais une réalisation qui manque de maîtrise. Les deux Prix du jury : Les misérables, de Ladj Ly, un film français sur les banlieues difficiles, beaucoup de déjà vu, tous les clichés passés en revue, des situations poussées aux extrèmes, décevant ; Bacurau, un film brésilien de Kleber Mendoça Filho et Juliano Dornelles, une déception après Aquarius en 2016.

Le Prix de la mise en scène attribué à Le jeune Ahmed des frères Dardenne : le retour en forme des Dardenne récompensé par un prix, pourquoi pas, même si l’autre « double palmé » Ken Loach présentait, avec Sorry we missed you, un film sur l’ubérisation qui, à notre humble avis, lui était supérieur. Le Prix du scénario pour Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, on veut bien, même si, justement, le scénario s’essouffle au mitan du film. Le Prix d’interprétation féminine pour Emily Beecham dans Little Joe : pas vu. Le Prix d’interprétation masculine pour Antonio Banderas dans Douleur et gloire d’Almodovar : la prestation de Pierfrancesco Favino dans Le traitre de Marco Bellocchio lui est très largement supérieure !  La mention spéciale pour It must be heaven du palestinien  Elia Suleiman : pas vu, malheureusement !

Et sinon ?

Même si on se trouve en désaccord plus ou moins profond avec le palmarès, on doit lui reconnaître le mérite de ne pas avoir cédé à la facilité consistant à récompenser les grands noms (ou supposés tels !) : Jim Jarmush, Quentin Tarentino, Terrence Malick, Arnaud Desplechin, Pedro Almodovar, Xavier Dolan, Marco Bellocchio, même si Le traitre, le film de ce dernier, méritait, au minimum, un petit quelque chose. Par ailleurs, on ne peut que se féliciter que le très décevant Sibyl, de Justine Triet et le très médiocre Le lac des oies sauvages, du chinois Diao Yi’nan, ainsi que l’inutilement compliqué Les siffleurs du roumain Corneliu Porumboiu soient repartis bredouilles.

Dans les autres sélections, on retient surtout Rêves de jeunesse du français Alain Raoust, dans la sélection ACID, Litigante, du colombien Franco Lolli, Semaine de la critique, Bull, film américain de Annie Silverstein, Une grande fille, film russe de Kantemir Balagov et Viendra le feu de l’espagnol  Oliver Laxe chez Un Certain Regard, La cordillère des songes, un documentaire du chilien Patricio Guzman, scéance spéciale, The gangster, the cop, the devil du coréen Won-Tae Lee, scéance de minuit. Et on retient qu’il devient de plus en plus difficile de voir des films ne comprenant pas au moins une scène de boite de nuit ! Abdellatif Kechiche a fait pire dans Mektoub my love : Intermezzo : 3 h 32 où il n’y a pratiquement que de la boite de nuit. Heureusement pour moi, je ne l’ai pas vu !

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