Test Blu-ray : Brigade des mœurs

0
523

Brigade des mœurs

France : 1985
Réalisation : Max Pécas
Scénario : Roger Le Taillanter, Marc Pécas, Max Pécas
Acteurs : Thierry de Carbonnières, Jean-Marc Maurel, Lillemour Jonsson
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h37
Genre : Policier, Action
Date de sortie cinéma : 9 janvier 1985
Date de sortie Blu-ray : 14 décembre 2023

Des travestis vendent leurs charmes dans le bois de Boulogne quand soudain surgissent des motards lourdement armés, qui abattent trois personnes parmi lesquelles Dolorès, un indic de Gérard Lattuada, inspecteur à la brigade des mœurs. Celui-ci hérite de l’enquête. Investiguant dans les bas-fonds des pornos clandestins, aidé en cela par ses connaissances dans les milieux de la prostitution, Lattuada apprend qu’un dangereux caïd surnommé le Grec a commandité le meurtre de Dolorès. Le policier et ses équipiers se verront bientôt entraînés dans un déchaînement de violence…

Introduction

Le Chat qui fume et les films que vous ne verrez jamais sur Netflix – Vague 4

L’explosion de Netflix et de quelques autres services de SVOD en France a, en l’espace de quelques années seulement, considérablement affaibli le secteur de la vidéo physique en DVD et Blu-ray. Aujourd’hui, les éditeurs vidéo doivent avoir recours à différentes astuces afin de maintenir les consommateurs dans leur giron. Cela dit, grâce à une présence accrue sur les réseaux sociaux, à des éditions collector en pagaille et à de « beaux objets » prenant la forme de luxueux coffrets, Le Chat qui fume est peu à peu parvenu à faire son trou dans le cul cœur des cinéphiles français, et à devenir un des acteurs les plus incontournables de son secteur d’activités.

Cependant, ce n’est pas parce qu’on s’est imposé comme le leader incontesté qu’il faut se reposer sur ses lauriers, et quitte à prendre des risques, Le Chat qui fume a encore innové en 2022, en lançant une première série de cinq films au format Blu-ray. Peut-être considérés comme un peu plus « obscurs » que les autres films disponibles dans le catalogue de l’éditeur, ces bonnes grosses raretés des années 70/80/90 ne faisaient peut-être pas partie des plus connues et prestigieuses, mais avaient régalé les écumeurs de vidéoclubs à la grande époque de la VHS triomphante. Proposés à bas prix et dans des boîtiers standard, les cinq raretés proposées par Le Chat qui fume dans sa première vague étaient Draguse ou le Manoir infernal, L’Aube sauvage (Savage Dawn), Le Souffle maudit (Demon Wind), Mutronics (The Guyver) et Red Mob (Chtoby vyzhit). La deuxième vague était composée de Special Effects, Breeders, Video Dead, Scarecrows et L’Abîme (The Rift), et la troisième vague de Cherry 2000, The Gate II et L’Ange de la destruction (Eve of Destruction).

Cela ressemble maintenant à une tradition : à chaque nouvelle livraison de titres « majeurs », Le Chat qui fume nous propose dorénavant une poignée de titres destinés à gonfler les rangs de cette collection nostalgique. Et la quatrième vague de ces petits plaisirs coupables 80’s est composée de :

Brigade des Mœurs – Max Pécas, 1984

Blastfighter – L’Exécuteur – Lamberto Bava, 1984

Si vous ne les avez peut-être pas tous loués dans les années 80/90, ces films, vous les connaissez tout de même, de nom ou de réputation – vous avez probablement lu des articles à leur sujet dans Mad Movies ou dans Impact, à la grande époque de Jean-Pierre Putters. On espère que ce galop d’essai trouvera son public, et saura attirer les amateurs de bandes déviantes vintage en France de la même façon qu’aux États-Unis. Cela fait un moment en effet que le marché a évolué dans cette direction aux États-Unis, pays où tous les nanars bénis de l’époque de la VHS, même les plus improbables ou les plus méconnus, voient le jour en Haute-Définition. Une bonne affaire pour des cinéastes tels que Fred Olen Ray, David DeCoteau, Jim Wynorski, Andy Sidaris, Rick Sloane, Kevin Tenney, Douglas Hickox ou Albert Band, hier méprisés, aujourd’hui largement remis sur le devant de la scène…

Si on est loin, très loin, d’en être au même point en France, Le Chat qui fume a tout de même fait le choix avec cette vague de se tourner vers le passé, quitte à exhumer de petits films que l’on n’aurait jamais cru voir débarquer en France il y a encore quelques années. Dans les 80’s, le crédo des éditions René Chateau était de nous donner à découvrir « les films que vous ne verrez jamais à la télévision ». Se posant dans la continuité de l’éditeur historique, Le Chat qui fume semble aujourd’hui bien déterminé à offrir au consommateur « les films que vous ne verrez jamais sur Netflix ».

Le film

[4/5]

En France, Max Pécas est principalement connu pour les comédies qu’il signa durant les dix dernières années de sa carrière de réalisateur. De 1977 à 1987, il signa en effet neuf comédies aux titres à rallonge souvent gentiment évocateurs, tels que On est venu là pour s’éclater, Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu, Les Branchés à Saint-Tropez, Deux enfoirés à Saint-Tropez ou encore On se calme et on boit frais à Saint-Tropez. Souvent considérés – à tort ou à raison, on ne rentrera pas dans ce débat houleux – comme de purs nanars, ces comédies ont malheureusement eu tendance à « vampiriser » totalement la filmographie de Max Pécas, voire même à décrédibiliser ses autres films, et ce même s’il avait auparavant signé une vingtaine de longs-métrages, tournés entre 1960 et 1976.

Tourné en plein milieu de sa période « comédies », Brigade des mœurs a clairement été tourné sous l’impulsion du succès de plusieurs polars urbains made in France, tels que Tir groupé (Jean-Claude Missiean, 1982) ou La Balance (Bob Swaim, 1982). Le public de l’époque était friand de ce type de polars brutaux, aux forts relents de ripoux, de dope, de putes et de caniveau, qui évoquaient fortement les des romans de gare signés Gérard de Villiers et ses équipes (SAS, Brigade mondaine). Max Pécas ne fut d’ailleurs pas le seul à s’engouffrer dans cette brèche du polar français hardcore : on pourra ainsi noter une poignée de films – aujourd’hui largement oubliés – tels que Brigade mondaine (Jacques Scandelari, 1978), Brigade mondaine : La Secte de Marrakech (Eddy Matalon, 1979), Brigade mondaine : Vaudou aux Caraïbes (Philippe Monnier, 1980), L’Exécutrice (Michel Caputo, 1986) ou Police des mœurs (Jean Rougeron, 1987), qui permirent un temps aux français de rivaliser avec le poliziottesco en termes d’outrances et d’excès en tous genres.

Brigade des mœurs est peut-être le film le plus violent de toute cette vague de polars d’exploitation. Il s’agit également d’une œuvre assez unique dans la carrière de Max Pécas. Ce dernier s’était certes déjà essayé au polar tout au long des années 60, mais ses films de l’époque s’inscrivaient dans une tradition de polar sexy, teinté de sensualité, et ne versaient jamais réellement dans l’atmosphère urbaine, violente et, avouons-le, ouvertement racoleuse qui est la marque de fabrique de Brigade des mœurs. L’influence qu’a pu avoir le néo-polar rital sur le film est indéniable – on ne pourra en effet s’empêcher de penser à certaines œuvres de Fernando Di Leo ou d’Umberto Lenzi, et en particulier à un film tel que La Rançon de la peur, mais pour autant, Max Pécas parvient à imposer au fil des séquences une tonalité extrêmement gauloise.

Sans mauvais jeu de mots, on pourrait même parler de tonalité « Gauloises », c’est-à-dire sans filtre : on est en effet en présence d’un film ouvertement (et génialement) putassier, à un point tel qu’un peu moins de quarante ans plus tard, il serait absolument impossible de tourner un tel film à l’identique sans risquer de se voir immédiatement cloué au pilori sur les réseaux sociaux. C’est peut-être (aussi) ce qui rend Brigade des mœurs si formidable : cette liberté de ton, certes volontiers poujadiste et outrancière au possible, mais ô combien savoureuse avec le recul nécessaire, qui tend presque à imposer d’entrée de jeu l’idée d’une réalité parallèle.

Parce qu’on rassure tout de même les plus jeunes parmi nos lecteurs : le film de Max Pécas est une œuvre de fiction, qui poussait volontairement tous les curseurs de la déliquescence sociale à leur maximum, de la même façon que le faisait Michael Winner sur un film tel que Le Justicier de New York (1985). Bien sûr, ce genre de scénarios étaient bel et bien le reflet de certaines préoccupations sociales de l’époque, surtout en termes de criminalité et de justice. Mais cette France à la Mad Max au cœur de laquelle on applaudissait des flics s’en allant nettoyer le ghetto en mode cow-boy ou Guerrier du Bronx n’a jamais existé que dans un certain imaginaire propre au polar, et forcément enclin à nous livrer des films énervés et extrêmement jouissifs. Et c’est pile là que se situe la vocation première de Brigade des mœurs : le film est un pur produit de son temps, qui développe une atmosphère proche de celles de certains films populaires de l’époque (Le Marginal avec Jean-Paul Belmondo par exemple), mais qui pousse volontairement – et pour notre plus grand bonheur – le bouchon un peu plus loin, notamment en ce qui concerne le politiquement incorrect (il est tout à la fois, raciste, homophobe, misogyne, transphobe, grossophobe…), les méthodes policières expéditives, les accointances entre la pègre et les flics, et bien entendu la violence graphique.

Pour autant, Brigade des mœurs n’est pas non plus un film d’exploitation pur et dur. Il jongle en effet avec des thématiques parfois plus complexes qu’elles n’en ont l’air, et nous donne à voir au détour de quelques changements brutaux de tonalité des images plus dérangeantes que véritablement jouissives. S’il n’est pas forcément maîtrisé à 100% par Max Pécas, ce jeu d’équilibriste permet au film de développer une ébauche réflexion sur l’idée de vengeance qui domine la narration du film, notamment en ce qui concerne l’escalade dans la violence que ladite vengeance implique. Ainsi, on pourrait presque dresser une poignée de passerelles mentales entre le film de Pécas et L’Ange de la vengeance, réalisé quelques années plus tôt par Abel Ferrara.

Techniquement, Brigade des mœurs est solidement torché, et bénéficie de l’expérience à la photo de Jean-Claude Couty (La Nuit des traquées), avec qui Max Pécas travaillerait régulièrement tout au long des années 80. Du côté du casting, Thierry de Carbonnières fait le taf dans la peau du héros. Dans le rôle du méchant, homosexuel et sadique, on reconnaîtra Jean-Marc Maurel, visage connu des amateurs de polars français 80’s puisqu’il jouait également dans Spécial Police (1985) et dans Justice de flic (1986). Du côté des seconds-rôles, on notera la présence de Lillemour Jonsson, Bernard Rosselli, Denis Karvil et Olivia Dutron, qui retourneraient par la suite avec Max Pécas dans ses comédies « tropéziennes ». On pourra également apercevoir Ticky Holgado et Brigitte Lahaie dans de petits rôles, ainsi que Muriel Montossé (connue sous le nom Muriel Montossey), qui deviendrait une des sociétaires de l’émission La Classe sur FR3 quelques années plus tard, et Pascale Roberts, dont la popularité exploserait sur le tard grâce à son rôle de Wanda dans la série Plus belle la vie.

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est donc grâce aux efforts du Chat qui fume que nous avons aujourd’hui le plaisir de redécouvrir Brigade des mœurs sur support Blu-ray. Le film a bénéficié d’un transfert au format Blu-ray 4K Ultra HD, mais dans un tirage limité aujourd’hui épuisé. Qu’à cela ne tienne : vous pouvez néanmoins encore le découvrir en Haute-Définition et, remasterisation 4K oblige, le rendu visuel s’avère tout simplement excellent. L’image est propre et stable, le grain argentique a été soigneusement préservé ; le piqué est précis, les couleurs équilibrées, avec des teintes naturelles, des rouges qui tranchent carrément dans le vif et des noirs profonds sans être bouchés. L’encodage est sans souci, les gros plans sont vraiment de toute beauté, et on ne trouvera aucune trace visible d’un passage de l’image au DNR ou réducteur de bruit. Bien sûr, on notera que les plans à effets sont plus doux que les autres, mais cela est tout à fait normal – parallèlement à cela, le piqué, les couleurs et les contrastes retrouvent véritablement une nouvelle jeunesse. Côté son, le film nous est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, et l’ensemble est très satisfaisant. Du très beau travail.

Dans la section suppléments, nous trouverons tout d’abord un entretien avec Thierry de Carbonnières (34 minutes), qui incarnait le héros du film Gérard Lattuada. L’acteur, qui visiblement, aimait et aime encore beaucoup Brigade des mœurs, reviendra sur sa rencontre avec Max Pécas, sur ses souvenirs du tournage, des cascades, sur les différentes facettes de son personnage ainsi que sur la suite de sa carrière et les conséquences qu’a pu avoir, dans le petit monde du cinéma, son choix de jouer dans un film de Max Pécas. On retrouvera le même genre de propos dans l’entretien avec Olivia Dutron (22 minutes), qui s’est vu fermer toutes les portes du cinéma en raison de ses collaborations régulières avec Max Pécas tout au long des années 80, et a du se recycler chez Collaro. Pour autant, l’actrice ne crache pas dans la soupe et semble encore garder dans son cœur une certaine tendresse pour sa rencontre avec Max Pécas et les années passées à St-Tropez à enchaîner les comédies légères aux côtés du maestro du genre, qui s’était créé au fil des films une véritable « famille » sur le plateau. On continuera avec un entretien avec Jean-Claude Couty (24 minutes), directeur photo du film, qui fut également un collaborateur régulier de Max Pécas pendant les années 80. Il reviendra sur son travail aux côtés du réalisateur, et évoquera également le reste de sa carrière, qui contient notamment des documentaires pour Arte ou pour Cousteau. On terminera enfin avec le supplément le plus amusant du lot : une présentation du film par Christophe Lemaire (25 minutes). Amateur éclairé du genre « nanar », il évoquera également la carrière de Max Pécas, en soulignant d’ailleurs qu’une scène d’On est venu là pour s’éclater préfigurait avec plusieurs années d’avance un gag de Dumb & Dumber. Il se remémorera ensuite sa découverte du film à l’époque de Starfix, et terminera en faisant un parallèle entre Quentin Dupieux et Max Pécas. Pour vous procurer cette édition Blu-ray de Brigade des mœurs, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici