Test Blu-ray : Cherry 2000

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Cherry 2000

États-Unis : 1987
Titre original : –
Réalisation : Steve De Jarnatt
Scénario : Michael Almereyda, Lloyd Fonvielle
Acteurs : Melanie Griffith, David Andrews, Ben Johnson
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h33
Genre : Science-fiction
Date de sortie cinéma : 27 avril 1988
Date de sortie Blu-ray : 31 octobre 2023

L’an 2017 aux États-Unis, après une guerre atomique – Le monde a profondément changé. Dans les mégalopoles, les hommes vivent désormais avec des femmes androïdes, toujours belles et de bonne humeur. Lorsque Cherry 2000, la gynoïde de Sam Treadwell, tombe un jour en panne, il n’a d’autre solution que de se rendre dans les territoires extérieurs où il pourra trouver les pièces nécessaires pour la réparer. Mais le voyage s’annonce dangereux, des bandes de pillards semant le chaos dans le désert. Treadwell engage alors une femme mercenaire, Edith Johnson, pour l’accompagner dans ce périple…

Introduction

Le Chat qui fume et les films que vous ne verrez jamais sur Netflix – Vague 3

L’explosion de Netflix et de quelques autres services de SVOD en France a, en l’espace de quelques années seulement, considérablement affaibli le secteur de la vidéo physique en DVD et Blu-ray. Aujourd’hui, les éditeurs vidéo doivent avoir recours à différentes astuces afin de maintenir les consommateurs dans leur giron. Cela dit, grâce à une présence accrue sur les réseaux sociaux, à des éditions collector en pagaille et à de « beaux objets » prenant la forme de luxueux coffrets, Le Chat qui fume est peu à peu parvenu à faire son trou dans le cul cœur des cinéphiles français, et à devenir un des acteurs les plus incontournables de son secteur d’activités.

Cependant, ce n’est pas parce qu’on s’est imposé comme le leader incontesté qu’il faut se reposer sur ses lauriers, et quitte à prendre des risques, Le Chat qui fume a encore innové en 2022, en lançant une première série de cinq films au format Blu-ray. Peut-être considérés comme un peu plus « obscurs » que les autres films disponibles dans le catalogue de l’éditeur, ces bonnes grosses raretés des années 70/80/90 ne faisaient peut-être pas partie des plus connues et prestigieuses, mais avaient régalé les écumeurs de vidéoclubs à la grande époque de la VHS triomphante. Proposés à bas prix et dans des boîtiers standard, les cinq raretés proposées par Le Chat qui fume dans sa première vague étaient Draguse ou le Manoir infernal, L’Aube sauvage (Savage Dawn), Le Souffle maudit (Demon Wind), Mutronics (The Guyver) et Red Mob (Chtoby vyzhit). La deuxième vague était quant à elle composée de Special Effects, Breeders, Video Dead, Scarecrows et L’Abîme (The Rift).

Réjouissez-vous mes amis, car il n’aura pas fallu longtemps pour que l’éditeur remette le couvert avec une troisième vague, composée de :

Cherry 2000 – Steve De Jarnatt, 1987

The Gate II – Tibor Takács, 1990

L’Ange de la destruction (Eve of Destruction) – Duncan Gibbins, 1991

Si vous ne les avez peut-être pas tous loués dans les années 80/90, ces films, vous les connaissez tout de même, de nom ou de réputation – vous avez probablement lu des articles à leur sujet dans Mad Movies ou dans Impact, à la grande époque de Jean-Pierre Putters. On espère que ce galop d’essai trouvera son public, et saura attirer les amateurs de bandes déviantes vintage en France de la même façon qu’aux États-Unis. Cela fait un moment en effet que le marché a évolué dans cette direction aux États-Unis, pays où tous les nanars bénis de l’époque de la VHS, même les plus improbables ou les plus méconnus, voient le jour en Haute-Définition. Une bonne affaire pour des cinéastes tels que Fred Olen Ray, David DeCoteau, Jim Wynorski, Andy Sidaris, Rick Sloane, Kevin Tenney, Douglas Hickox ou Albert Band, hier méprisés, aujourd’hui largement remis sur le devant de la scène…

Si on est loin, très loin, d’en être au même point en France, Le Chat qui fume a tout de même fait le choix avec cette vague de se tourner vers le passé, quitte à exhumer de petits films que l’on n’aurait jamais cru voir débarquer en France il y a encore quelques années. Dans les 80’s, le crédo des éditions René Chateau était de nous donner à découvrir « les films que vous ne verrez jamais à la télévision ». Se posant dans la continuité de l’éditeur historique, Le Chat qui fume semble aujourd’hui bien déterminé à offrir au consommateur « les films que vous ne verrez jamais sur Netflix ».

Le film

[3,5/5]

Pur produit des années 80, le premier film de Steve De Jarnatt Cherry 2000 faisait le choix d’emmener le spectateur dans un monde post-apocalyptique loufoque, mélangeant allègrement une histoire déjantée et des visuels barrés et spectaculaires. Le résultat à l’écran est certes foutraque et très daté, mais ô combien réjouissant, et pourra plonger l’amateur de bandes déviantes made in 80’s dans une pure vague de nostalgie. C’est d’autant plus clair que le film n’est pas sans rappeler d’autres classiques de la SF produits et découverts par les cinéphiles durant l’ère du vidéoclub triomphant : on pense à des films tels que Les Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e dimension (W.D. Richter, 1984), La Nuit de la comète (Thom Eberhardt, 1984), et bien sûr aux premiers films d’Albert Pyun Le Dernier Missile (1985) et Pleasure Planet (1986).

Redécouvrir Cherry 2000 un peu plus de trente ans après sa sortie permettra au spectateur de se rendre compte avec quelle acuité le scénario du film signé Michael Almereyda et Lloyd Fonvielle avait réussi à prévoir l’évolution des relations hommes / femmes qui se dessinerait dans les années qui suivraient sa sortie. Cherry 2000 nous dépeint un univers où les jeux de séduction n’existent plus, et où toute spontanéité est proscrite au sein des relations de couple. Comme nous le démontre parfaitement la séquence du bar (qui nous réserve par ailleurs une courte apparition de Larry Fishburne), hommes et femmes organisent leurs rendez-vous à l’avance par contrat, détaillant même la nature des rapports sexuels à venir quand ils s’engagent dans une relation. Il n’y a plus de place pour l’improvisation, tout est rigoureusement cadré. Si ce point de départ pouvait paraitre absurde en 1987, il est parfaitement dans l’air du temps en 2023. Ainsi, si des contrats de ce genre avaient été signés avant qu’ils ne s’engagent dans une relation intime, de nombreuses célébrités auraient évité bien des turpitudes médiatisées ces dernières années.

Les relations hommes / femmes étant devenues trop compliquées, les hommes pressés de l’univers de Cherry 2000 optent pour des relations avec des femmes-robots, qui leur simplifient la vie en faisant tout ce que les hommes attendent d’une femme lorsqu’ils sont en couple avec elle. A nouveau, si cette idée pouvait paraitre absurde il y a un peu plus de trente ans, on ne peut aujourd’hui que saluer le caractère « prophétique » de l’intrigue du film. Ainsi, l’évolution de l’intelligence artificielle permettra sans aucun doute de donner une pseudo-personnalité aux « human dolls » déjà très en vogue de nos jours, et ce dans un avenir probablement plus proche qu’on ne le croit. Sam (David Andrews) coule donc des jours heureux avec sa femme modèle Cherry 2000 (Pamela Gidley), jusqu’à ce que cette dernière tombe en panne. Seulement voilà : pour des raisons d’obsolescence programmée, son modèle n’est plus commercialisé, mais Sam se refuse à opter pour un nouveau modèle. Ayant sauvegardé les données de leur relation sur une puce – genre micro-SD avant l’heure – Sam va tenter de récupérer une Cherry 2000 d’occasion dans une immense casse située dans la Zone 7, réputée très dangereuse. Il engage alors une traqueuse nommée Johnson (Melanie Griffith) pour le mener à la Zone 7 et l’aider à en sortir vivant…

Si on retrouve bien sûr l’influence de Mad Max 2 sur le film de Steve De Jarnatt, Cherry 2000 n’en trouvera pas moins rapidement sa propre personnalité, décalée et souvent humoristique. La photo de Jacques Haitkin est très belle, et tend à mettre en valeur l’imagination du production design : en dépit d’un budget restreint, les décors et les matte-paintings développent un charme indéniable, surtout en ce qui concerne la fameuse « Zone 7 ». Le film est par ailleurs bien rythmé, avec un goût certain pour les cascades surréalistes, les poursuites, les fusillades et les explosions, même s’il ne s’agit pas là de l’aspect le plus intéressant de Cherry 2000. Derrière la caméra, Steve De Jarnatt parvient à conserver une vraie vision d’ensemble qui lui permet de maintenir l’intérêt du spectateur constamment en éveil, et ce même si l’histoire manque parfois de cohérence, et que certains gags tombent complètement à plat. Le récit slalome, bifurque d’un genre à un autre, de la pure SF post-nuke à la comédie avec un petit détour par le western. Malin dans sa façon d’aborder les relations homme/femme, le script inverse dès le début du film le postulat habituel de ce genre de film, conférant le rôle du pistolero badass à une femme et celui de la demoiselle en détresse à un homme.

Pour autant, et en dépit d’un humour omniprésent, Cherry 2000 ne tombe jamais dans les travers de la parodie : Steve De Jarnatt traite son intrigue de la façon la plus sérieuse qui soit, ce qui lui permet de conserver un sentiment de danger et d’urgence tout au long du film, en gardant le spectateur impliqué dans ce qui se déroule sous ses yeux. Un très bon moment !

Le Blu-ray

[4,5/5]

Disponible depuis quelques années en DVD mais toujours inédit en Haute-Définition, Cherry 2000 débarque aujourd’hui en Blu-ray sous les couleurs du Chat qui fume. Comme les autres films de la collection, Cherry 2000 est présenté dans un boîtier plastique, qui lui assure un tarif imbattable et contribue à renforcer l’aspect « collection » autour de ces titres méconnus. Cependant, le packaging a comme toujours bénéficié du talent de graphiste de Frédéric Domont : la jaquette fait la part belle à l’affiche du film signée Renato Casaro (Conan le Barbare), avec une Melanie Griffith en mode Rambo.

Côté master, Cherry 2000 a bénéficié d’un joli ravalement de façade, bien plus réussi que celui de Melanie Griffith me souffle-t-on à l’oreille. De fait, le film de Steve De Jarnatt s’impose aujourd’hui dans un master tout à fait convaincant : on est en présence d’une copie solide, lumineuse et propre, aux contrastes soignés et à la colorimétrie impeccable. Le niveau de détail est d’une belle précision et le grain argentique a été préservé de façon maniaque – seuls une petite poignée de plans en basse lumière accuse d’une granulation sans doute un peu excessive, mais l’ensemble est vraiment très beau : de quoi rendre un bel hommage à la photo du film signée Jacques Haitkin. Côté son, la version originale ainsi que la VF d’origine sont toutes deux disponibles en DTS-HD Master Audio 2.0. Dans les deux cas, le rendu acoustique est optimal, et même étonnant dans sa stabilité et son équilibre : du beau travail.

Dans la section suppléments, on ne trouvera pas ici la traditionnelle présentation du film par Damien Granger, mais une très intéressante présentation du film par Fathi Beddiar (56 minutes). Scénariste de talent (cinéma, bande dessinée), critique à l’époque du « vrai » Mad Movies (comme il se plait lui-même à l’appeler), historien du cinéma à ses heures, Fathi Beddiar semble avoir vécu mille vies. Le peu d’informations sur son CV disponibles sur le Net ne permettent pas réellement de retracer son parcours de façon claire : on espère qu’il gratifiera les amateurs d’une autobiographie un de ces jours, histoire de replacer un minimum les événements dont il nous parle ici dans leur contexte. Car Fathi Beddiar nous expliquera avoir côtoyé de près Steve De Jarnatt, qui faisait partie d’une petite « bande » d’excellents scénaristes révélés dans les années 80 avec qui il a collaboré il y a quelques années. De fait, il n’évoquera finalement que très en surface Cherry 2000, mais nous dressera un portrait assez fascinant de Steve De Jarnatt, de sa personnalité ainsi que de ses méthodes de travail. Passionnant ! On terminera enfin le tour des bonus par un making of d’époque (6 minutes), anecdotique mais nous donnant à voir quelques images volées sur le plateau, ainsi qu’avec l’habituelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition Blu-ray de Cherry 2000, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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