Berlinale 2017 : Alberto Giacometti The Final portrait

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Alberto Giacometti The Final portrait

Royaume-Uni, 2016
Titre original : Final portrait
Réalisateur : Stanley Tucci
Scénario : Stanley Tucci
Acteurs : Geoffrey Rush, Armie Hammer, Clémence Poésy, Tony Shalhoub
Distribution : Bodega Films
Durée : 1h30
Genre : Biographie filmique
Date de sortie : 6 juin 2018

Note : 3/5

Le cinéma et la peinture ne font pas toujours bon ménage. Quelques éléments existent dans le processus de création de ces deux arts, qui rendent tout mélange sinon impossible, au moins problématique. Rares sont ainsi les réalisateurs qui ont sérieusement tenté de fixer les traits de pinceau des plus grands artistes sur l’écran filmique. Et encore plus rares ont été les chefs-d’œuvre à la hauteur de ce projet de symbiose, dont seul La Belle noiseuse de Jacques Rivette vient spontanément à l’esprit de votre correspondant de festival dévoué, qui commence à ressentir les heures de sommeil en moins. La plupart du temps, le travail appliqué des artistes est englobé dans un projet biographique beaucoup plus conventionnel, qui se complaît à colporter au moins autant de clichés sur l’activité professionnelle des Renoir, Lautrec et autres Van Gogh que sur leur vie privée forcément bohémienne. Le cinquième film réalisé par Stanley Tucci, présenté hors compétition au 67ème Festival de Berlin, ne cultive aucune ambition de révolutionner le sous-genre de ces évocations d’ateliers, habités par un génie artistique difficile à fixer sur la toile. Final portrait aborde néanmoins le dernier chapitre de la vie créative de Alberto Giacometti avec une certaine ironie, moins éclairante sur ses démons personnels que gentiment bienveillante à l’égard de ce vieil homme, qui doutait souvent et jurait encore plus.

Synopsis : En 1964, l’écrivain américain James Lord accepte de consacrer ses derniers jours à Paris au peintre Alberto Giacometti, avant de rentrer chez lui. Il devra poser quelques heures dans l’après-midi pour cet artiste de renommée internationale, plus préoccupé par sa nouvelle conquête, la prostituée Caroline, que par l’argent ou par sa place dans les manuels de l’Histoire de l’art. Alors que le modèle se prête d’abord avec enthousiasme à l’exercice, il se rend vite compte que Giacometti tâtonne plus qu’il ne cherche à accomplir le tableau en temps et en heure. Rapidement, Lord devra reporter ses projets de voyage et se mettre exclusivement au service du peintre jamais satisfait du travail qu’il avait accompli la veille.

Une paisible promenade

Final portrait n’est ni plus, ni moins qu’un film respectable. Tous les aspects y concordent pour ne surtout pas provoquer une réaction de rejet trop violente de la part du public, abreuvé depuis des décennies de ces portraits d’artistes qui respirent à chaque instant la soumission au consensus. Ainsi, notre porte d’accès à la ruelle où les frères Giacometti pratiquent leur art est bien entendu un personnage passablement ordinaire. James Lord est censé avoir un physique à mi-chemin entre le voyou et le dépravé, ce qui est tout de même un peu fort de café, même si vous restez indifférents au charme de Armie Hammer, un acteur béni du don de l’ubiquité pendant cette Berlinale. Son personnage est de surcroît homosexuel, un détail dont il n’est fait mention qu’au détour d’une brève réplique. Dans l’ensemble, le dispositif du repère d’identification aisé et inoffensif est toutefois respecté à la lettre, comme si le style de vie un peu extravagant du sculpteur avait à tout prix besoin d’être encadré par un agent par excellence de la normalité rassurante. Sa situation conjugale relève du même principe de la complexité factice, puisque ni son épouse, ni sa maîtresse, interprétées respectivement et sans éclat particulier par Sylvie Testud et Clémence Poésy, n’exercent un pouvoir suffisant pour faire infléchir l’intrigue dans quelque direction imprévisible que ce soit.

Le cercle vicieux de la perfection

Au sein de cette forme narrative moyennement poussiéreuse, le fond se démarque cependant par l’intelligence du propos. Une fois que l’agitation simplement anecdotique à la surface du récit s’est tassée, il reste encore un discours pas sans intérêt sur la subjectivité de l’art. Le pauvre Giacometti, constamment en proie au doute, s’improvise alors en apôtre de l’éternel recommencement. En anéantissant presque sans états d’âme le travail déjà accompli pour mieux repartir de zéro, chaque fois de nouveau en quête de l’œuvre parfaite, il élève la nature arbitraire de l’art en valeur suprême. L’interprétation de Geoffrey Rush, un acteur dont le parcours n’est guère exempt d’un goût pour le cabotinage, se montre plutôt à la hauteur de la conscience tourmentée de cet homme qui n’est plus sûr de rien. Il n’y va certes pas de main morte, lorsqu’il s’agit de s’énerver verbalement contre la toile qui lui renvoie l’effigie de sa propre incertitude existentielle ou de tomber dans une forme de veulerie tout aussi inconstante. Mais au moment des manifestations les plus sincères de la reconnaissance de son impuissance et de son ignorance, le personnage acquiert une noblesse désabusée que Rush transmet par le biais d’une mauvaise humeur pleine d’espièglerie.

Conclusion

Stanley Tucci est le genre d’acteur chevronné, dont l’activité annexe de réalisateur ne marquera pas l’Histoire du cinéma. Sa mise en scène malléable ne permet en fait jamais à Final portrait d’aspirer à être autre chose qu’un film d’artiste fort conventionnel, guère honteux, mais pas visionnaire non plus. Grâce à la solidité de l’interprétation et au message de fond, plus subtil que les étapes successives de l’agencement de l’intrigue auraient pu le laisser espérer, il demeure un divertissement convenable.

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