Test Blu-ray : Fumer fait tousser

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Fumer fait tousser

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Quentin Dupieux
Scénario : Quentin Dupieux
Acteurs : Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h17
Genre : Comédie, Fantastique
Date de sortie cinéma : 30 novembre 2022
Date de sortie DVD/BR : 5 avril 2023

Après un combat acharné contre une tortue démoniaque, cinq justiciers qu’on appelle les « Tabac Force », reçoivent l’ordre de partir en retraite pour renforcer la cohésion de leur groupe qui est en train de se dégrader. Le séjour se déroule à merveille jusqu’à ce que Lézardin, empereur du Mal, décide d’anéantir la planète Terre…

Le film

[3,5/5]

Cinéaste unique en son genre, Quentin Dupieux s’est créé en quelques films un univers étrange, au cœur duquel le spectateur peut difficilement se repérer. Un monde peuplé de personnages bizarres, et dans lequel le quotidien, la science-fiction et une bonne dose d’absurde se mélangent allégrement, créant un décalage doté d’une pointe d’humour à froid. Comme Michel Sardou et Stéphane de Groodt, Quentin Dupieux nous propose avec ses films de véritables « voyages en Absurdie », qui à la manière de Fumer fait tousser parviennent à créer en l’espace de quelques séquences un univers à la fois familier et totalement fantaisiste.

Au début de Fumer fait tousser, le dernier OVNI filmique signé Quentin Dupieux, le spectateur sera donc amené à faire la connaissance d’un petit groupe de super-héros costumés en mode Super Sentai combattant une tortue en latex rappelant évidemment les ennemis extraterrestres de Bioman. Cette équipe, c’est la « Tabac Force », et leurs noms de code correspondent aux produits chimiques cancérigènes avec lesquels ils combattent les monstres qui menacent la Terre : l’équipe est donc composée de Nicotine (Anaïs Demoustier), Ammoniaque (Oulaya Amamra), Benzène (Gilles Lellouche), Mercure (Jean-Pascal Zadi) et Méthanol (Vincent Lacoste).

La « Tabac Force » est dirigée par Didier (Alain Chabat), un rat mutant et visiblement coureur de jupons crachant constamment une espèce de liquide vert dégueulasse, qui fait de cette marionnette une espèce de cousin des Feebles de Peter Jackson, et rompt clairement avec l’aspect « mignon » du personnage de Flat Eric avec lequel Quentin Dupieux – alias Mr. Oizo – s’était fait connaitre à la fin des années 90. Craignant que la « cohésion de groupe » au sein de l’équipe ne s’étiole peu à peu, Didier décide de les envoyer en retraite tous ensemble, et c’est à ce moment que Fumer fait tousser dévoilera son jeu : au lieu de nous proposer un pastiche déjanté des shows japonais de Super Sentai, le film partira en effet dans une toute autre direction, au moment où nos héros regroupés autour d’un feu de camp commenceront à se raconter des histoires pour se faire peur les uns les autres.

Reprenant en partie les mécanismes du film à sketches, Fumer fait tousser joue la carte de la narration auto-interrompue, de la digression systématique, avec des histoires parfois volontairement incomplètes, ou amenées de la façon la plus absurde qui soit. D’une manière générale, ces films dans le film utilisent les codes de l’horreur ou de l’étrange, l’absurde propre au cinéma de Quentin Dupieux s’infiltrant peu à peu dans les histoires et les détournant à des fins comiques. Dans le premier sketch, deux couples en vacances dans une villa découvrent dans un placard à serviettes un énorme « casque à pensées » de 1930. Après avoir essayé le casque, la femme incarnée par Doria Tillier s’enfoncera de plus en plus dans un total détachement par rapport à la réalité matérielle, et finira par tuer tout le monde. Dans le deuxième sketch, la propriétaire d’une scierie (Blanche Gardin, extraordinaire) réduira accidentellement son neveu à une paire de lèvres douées de la parole et flottant dans un seau de sang.

Comme toujours avec les films de Quentin Dupieux, le tout nous est raconté avec un ton pince-sans-rire mélangeant allégrement le farfelu et l’anodin, l’absurde et l’humour noir, dans une seule et même atmosphère décalée. Bien entendu, en raison de sa narration déconstruite et de sa structure volontairement fragmentaire, Fumer fait tousser ne cherche pas réellement à développer ses personnages au-delà de quelques bribes de personnalité. De fait, le film pourra également nous réserver quelques surprises inattendues en révélant, au détour d’une séquence ou d’une autre, l’existence de rapports plus complexes qu’ils n’y paraissent entre les différents personnages au centre de l’intrigue principale. Et surtout, il semble qu’en jouant ainsi avec le spectateur et ses attentes, Fumer fait tousser s’amuse de l’addiction du public pour les légendes urbaines. Ainsi, la consommation vorace qu’il fait de cette multitude de récits annoncés comme « réels » – et s’articulant systématiquement autour de la mort – n’est-elle pas, finalement, aussi nocive que le fait de fumer ? Sortez les copies, vous avez deux heures.

Le Blu-ray

[4/5]

Le Blu-ray de Fumer fait tousser édité par Gaumont nous propose de découvrir le film dans les meilleures conditions qui soient. Le master du film est d’une remarquable précision, le piqué est pointu, les couleurs pètent de mille feux, et l’ensemble ne faiblit jamais, même durant les séquences les plus sombres. Seuls les contrastes auraient peut-être pu être un poil boostés, mais l’ensemble est absolument remarquable. Côté audio, l’éditeur nous propose de découvrir le film de Quentin Dupieux en DTS-HD Master Audio 5.1. Le mixage s’avère parfaitement enveloppant et immersif, avec une spatialisation efficace, notamment sur la scène de combat qui ouvre le film. On notera par ailleurs que Gaumont n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de système de barre de son ou de spatialisation sonore : l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 qui s’avérera probablement plus cohérent si vous visionnez Fumer fait tousser sur un simple téléviseur.

Niveau suppléments, on trouvera, en plus de la traditionnelle bande-annonce du film, une rencontre entre Quentin Dupieux et le public (33 minutes) enregistrée à l’occasion d’une avant-première de Fumer fait tousser. Ces échanges avec la salle seront l’occasion pour le cinéaste d’aborder son univers et ses méthodes de travail, tout en revenant brièvement sur la genèse et le tournage du film. On notera la présence de quelques têtes connues du côté des intervenants dans la salle, tels que l’acteur Omar Mebrouk (récemment vu dans les comédies Joyeuse Retraite et Maison de retraite), qui aimerait en savoir plus sur la fin du long-métrage, ou le journaliste Olivier Cachin, qui interroge le réalisateur sur la filiation entre la marionnette de Flat Eric et de Didier dans le film.

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