Festival de Cannes 2015 : France 3 – Italie 0

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Emmanuelle Bercot, Jacques Audiard et Vincent Lindon lors de la cérémonie de clôture (© AFP / Valery Hache)

Après de longues années de diète, le cinéma français retrouve la forme avec une troisième Palme d’or en huit éditions pour Jacques Audiard avec Dheepan, après celles remportées par Laurent Cantet en 2008 avec Entre les murs sous la présidence de Sean Penn et Abdellatif Kechiche voici seulement deux ans avec La Vie d’Adèle. Si l’on ajoute la Palme d’or de l’autrichien Michael Haneke pour Amour, film majoritairement français, la moisson est l’une des plus importantes de la France depuis les années 60.

Kalieaswari Srinivasan, Jacques Audiard et Jesuthasan Antonythasa  avec la Palme d'or (© AFP / Valery Hache)
Kalieaswari Srinivasan, Jacques Audiard et Jesuthasan Antonythasa
avec la Palme d’or (© AFP / Valery Hache)

 

Jusqu’à la Palme d’or remportée par Claude Lelouch en 1966 pour Un homme et une femme (la dernière avant celle de Maurice Pialat pour Sous le soleil de Satan en 1987 à qui succédera 21 ans plus tard encore Cantet) il était arrivé plusieurs fois que deux cinéastes français se succèdent ou reçoivent une Palme à deux ans d’écart. Ainsi en 1964, Jacques Demy remportait sa Palme d’or pour Les Parapluies de Cherbourg. Passons sur les premières années, où le trophée n’existait pas en tant que tel et plusieurs films pouvaient être considérés comme les meilleurs de l’année. Ont ainsi été récompensés en 1946 La Symphonie pastorale Jean Delannoy puis en 1947 Les Maudits de René Clément et Antoine et Antoinette de Jacques Becker. En 1953 Le Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot est désigné comme le meilleur film de cette édition avant de remporter le Lion d’or à Venise, un cas de doublon unique dans l’histoire. Avant Demy puis Lelouch sont encore récompensés Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle pour le documentaire Le Monde du silence en 1956, Marcel Camus pour Orfeu Negro en 1959 puis Henri Colpi en 1961 pour Une aussi longue absence. La Palme d’or pour la France est donc officiellement la septième à laquelle on peut rajouter six Grands Prix à l’époque où il s’agissait du plus haut trophée de la manifestation.

Emmanuelle Bercot, Jacques Audiard et Vincent Lindon  lors de la cérémonie de clôture (© AFP / Valery Hache)
Emmanuelle Bercot, Jacques Audiard et Vincent Lindon
lors de la cérémonie de clôture (© AFP / Valery Hache)

 

Deux films français reçoivent des prix d’interprétation. Ce n’est que la troisième fois qu’une actrice et un acteur français sont primés la même année après 1980 (Le Saut dans le vide) et 2001 (La Pianiste). Mais il s’agit d’un geste historique, car c’est la première que deux films différents sont ainsi honorés. Vincent Lindon est primé pour La Loi du marché et succède à ses compatriotes Charles Vanel (Le Salaire de la peur, 1953), Jean-Louis Trintignant (Z, 1969), Jean Yanne (Nous ne vieillirons pas ensemble, 1972), Michel Piccoli (Le Saut dans le vide, 1980), Michel Blanc (Tenue de soirée, 1986), Gérard Depardieu (Cyrano de Bergerac, 1990), Daniel Auteuil (Le Huitième Jour, 1996), Emmanuel Schotté (L’humanité, 1999), Benoît Magimel (La Pianiste, 2001), Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan (Indigènes, 2006) et Jean Dujardin (The Artist, 2011). Emmanuelle Bercot pour Mon Roi partage cet honneur avec le comédien et succède elle à des comédiennes souvent primées pour des films étrangers ou réalisés par des personnalités internationales : Michèle Morgan (La Symphonie pastorale, 1946), Simone Signoret (Les Chemins de la haute ville, 1959), Jeanne Moreau (Moderato cantabile, 1960), Marina Vlady (Le Lit conjugal, 1963), Marie-José Nat (Les Violons du bal, 1974), Dominique Sanda (L’Héritage, 1976), Isabelle Huppert (Violette Nozière en 1978 et La Pianiste en 2001), Anouk Aimée (Le Saut dans le vide, 1980), Isabelle Adjani (Quartet et Possession en 1981), Irène Jacob (La Double Vie de Véronique, 1991), Élodie Bouchez (La Vie rêvée des anges, 1998), Charlotte Gainsbourg (Antichrist, 2009), Juliette Binoche (Copie conforme, 2010) puis Bérénice Bejo (Le Passé, 2013) sans oublier Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux associées par Steven Spielberg à la Palme d’or de La Vie d’Adèle.

(© AFP / Anne-Christine Poujoulat)
(© AFP / Anne-Christine Poujoulat)

 

Sur le site slate.fr, Jean-Michel Frodon se plaignait du trop grand pourcentage de films français sur l’ensemble des sélections et craignait que cette accumulation de cinéma «franco-français», c’est à dire de films «signés de réalisateurs français et qui apparaissent comme des films français aux yeux de leurs spectateurs» risquait de nuire au niveau d’influence du Festival de Cannes sur la scène internationale. Le palmarès prouve le contraire, d’autant que les jurés étant tous étrangers, à l’exception de Sophie Marceau seule artiste française du groupe. Il en faudrait beaucoup plus pour que Cannes perde son statut de festival de cinéma le plus influent, ses «rivaux» Berlin et Venise comptant toujours beaucoup mais restant bien moins exposés.

Matteo Garrone avec ses acteurs Salma Hayek et Vincent Cassel pour Tale of Tales (© FDC / Mathilde Petit)
Matteo Garrone avec ses acteurs Salma Hayek et Vincent Cassel pour Tale of Tales (© FDC / Mathilde Petit)

 

Moins de chances pour le cinéma venu d’Italie qui a déjà reçu 5 Palmes d’or et 6 Grands Prix qui avait pourtant des chances de se retrouver au palmarès avec trois longs-métrages dans l’ensemble bien reçus, The Tale of Tales de Matteo Garrone, Mia Madre de Nanni Moretti et Youth de Paolo Sorrentino, ces deux derniers étant même considérés de beaucoup comme des favoris pour la Palme. Au final, étrangement aucun trophée. Dernier italien palmé avec La Chambre du fils en 2001, Nanni Moretti succédait à L’Arbre aux sabots d’Ermanno Olmi en 1978 après 23 ans d’absence. La moisson est donc plus éparse pour l’Italie que la France.

John Turturro, Margherita Buy et Nanni Moretti pour Mia Madre (© FDC / Cyril Duchene)
John Turturro, Margherita Buy et Nanni Moretti pour Mia Madre (© FDC / Cyril Duchene)

 

Pourtant l’Italie a marqué l’histoire de la Croisette et de ses plus haut prix avec Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini (1946), Miracle à Milan de Vittorio De Sica (1951), Deux sous d’espoir de Renato Castellani (1952), La Dolce Vita de Federico Fellini (1960), Le Guépard de Luchino Visconti (1963), Ces messieurs dames de Pietro Germi (1966), Blow-Up de Michelangelo Antonioni (1967), Padre padrone de Paolo et Vittorio Taviani (1977) et surtout cet unique doublé avec deux Palmes en une seule année pour La classe ouvrière va au paradis d’Elio Petri et L’Affaire Mattei de Francesco Rosi en 1972. Ainsi peu de grands noms du cinéma transalpin ont été oubliés à ce niveau de la compétition, Mario Monicelli, Ettore Scola, Dino Risi et Pier Paolo Pasolini ont manqué de chances mais l’on peut imaginer qu’il n’en sera pas de même à l’avenir pour deux des malheureux de cette année, Garrone ayant déjà deux Grands Prix à son cv et Sorrentino un Prix du jury (seulement). Ils auront certainement d’autres chances de rejoindre leurs prestigieux aînés même si tout cela n’est au fond pas si grave, l’absence de Palme n’empêchant pas d’avoir du talent… En recevoir une n’est pas synonyme de grand film non plus. Dheepan quoi…

Paolo Sorrentini (5ème à gauche) et l'équipe de Youth (© FDC / Thomas Leibreich)
Paolo Sorrentini (5ème à gauche) et l’équipe de Youth (© FDC / Thomas Leibreich)

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