Test Blu-ray : Ça – Chapitre 2

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Ça – Chapitre 2

États-Unis, Canada : 2019
Titre original : It – Chapter 2
Réalisation : Andy Muschietti
Scénario : Gary Dauberman
Acteurs : Jessica Chastain, James McAvoy, Bill Hader
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 2h49
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 11 septembre 2019
Date de sortie DVD/BR : 15 janvier 2020

27 ans après la victoire du Club des Ratés sur Grippe-Sou, le sinistre Clown est de retour pour semer la terreur dans les rues de Derry. Désormais adultes, les membres du Club ont tous quitté la petite ville pour faire leur vie. Cependant, lorsqu’on signale de nouvelles disparitions d’enfants, Mike, le seul du groupe à être demeuré sur place, demande aux autres de le rejoindre. Traumatisés par leur expérience du passé, ils doivent maîtriser leurs peurs les plus enfouies pour anéantir Grippe-Sou une bonne fois pour toutes. Mais il leur faudra d’abord affronter le Clown, devenu plus dangereux que jamais…

Le film

[4/5]

Le débat fait rage depuis la sortie – à grand renfort de promo – du premier épisode de Ça, réalisé en 2017 par le jeune prodige Andy Muschietti sur un scénario de Gary Dauberman. Mettant littéralement à feu et à sang forums et réseaux sociaux, la question a même quitté la simple sphère des fantasticophiles pour s’imposer dans les timelines – et les lignes éditoriales – de cinéphiles s’intéressant habituellement peu au cinéma de « genre » : cette nouvelle adaptation de Ça, sortie un peu plus de vingt-cinq ans après un téléfilm-fleuve intitulé Ça – Il est revenu, est-elle la meilleure adaptation cinématographique du pavé littéraire signé par Stephen King dans les années 80 ? Les admirateurs les plus intégristes des univers créés par le binoclard du Maine vont répondront certainement que non, de même probablement que les amoureux du téléfilm de Tommy Lee Wallace, porté par la prestation de Tim Curry dans la peau du clown Pennywise. La sortie en Blu-ray / DVD de Ça – Chapitre 2 risque bien encore de rajouter deux sous à la musique et de remettre sur le tapis l’éternel débat sur la notion de « bonne adaptation », dans le sens où ce deuxième film prend à nouveau d’importantes libertés avec le matériau d’origine. Mais en ne se dirigeant pas tout à fait là où on les attendait, Muschietti et son Dauberman de scénariste n’ont-ils pas choisi le meilleur angle d’attaque pour rendre hommage au roman de Stephen King ?

On l’a déjà dit, ici et ailleurs sur le Net, mais par essence, toute adaptation est une « trahison » de l’œuvre qu’elle transpose. En premier lieu, cette nouvelle adaptation de Ça a choisi d’opérer un décalage temporel par rapport au livre. L’intrigue passera donc des années 50/80 aux années 80/2010, ce qui changera forcément un peu le « champs lexical » de l’œuvre, mais on admettra que cela apporte un nouveau souffle aux personnages ainsi qu’au film en général. Le choix a été fait également d’abandonner la construction du roman de King, qui passait d’une époque à une autre à chaque chapitre. Gary Dauberman a donc privilégié une approche chronologique plus linéaire, en restant dans les années 80 pour le premier film, puis en attaquant le côté contemporain du récit dans Ça – Chapitre 2. Bien sûr, cela ne va pas sans certains problèmes d’équilibre dans la narration, qui ont forcé les auteurs de ce deuxième chapitre à se lancer dans une vaste série de flashbacks absolument inévitables, qui sont d’ailleurs probablement les passages de ce deuxième film qui fonctionnent le mieux – c’est dire si la construction du roman de King était pensée dans ce sens, et n’aurait probablement pas du être modifiée.

Ça – Chapitre 2 apporte également son lot de modifications au roman de Stephen King. Certains éléments sont ajoutés, et d’autres passent littéralement a la trappe : on pense par exemple aux personnages d’Audra, la femme de Bill, et surtout de Tom Rogan, le mari de Beverly, qui ne font ici que de la figuration, alors qu’ils avaient un rôle important dans la deuxième partie de l’histoire. Et surtout, on remarquera dans ce deuxième opus une véritable omniprésence de « Ça » sous la forme du clown Pennywise (interprété de façon incroyable par Bill Skarsgård), qui n’est en réalité que l’une de ses multiples apparences, et qui tend finalement ici à amoindrir l’impact de ses apparitions, un peu comme s’il devenait un classique « boogeyman » de film d’horreur plutôt qu’une créature multiformes s’adaptant aux peurs les plus profondes de celui à qui il s’attaque. Alors voilà, ce n’est plus tout à fait la même chose que le roman de Stephen King (qui d’ailleurs s’offre une apparition absolument réjouissante au cœur du film), et les puristes seront au mieux circonspects, au pire franchement mécontents. Mais trahison ou pas, l’honnêteté nous oblige de constater le fait que l’on est avec ce diptyque en présence de deux œuvres uniques, à l’identité forte, visuellement époustouflantes et remarquablement mises en scène : deux films qui auront le mérite de marquer durablement les mémoires, et de ne pas suivre les modes du moment en matière de films horrifiques. On notera d’ailleurs que Warner a pris le risque (payant au regard du box-office international des deux films) de sortir les deux longs-métrages avec la classification « Rated R », soit une interdiction aux mineurs non accompagnés d’un adulte. Une classification avec laquelle les grands studios ne sont plus très familiers depuis quelques années, pour la simple raison qu’elle est synonyme d’une rentabilité inférieure sur le territoire américain.

Oublions donc le « petit » (mais étrangement très apprécié) téléfilm de Tommy Lee Wallace : les deux films signés Andy Muschietti l’enterrent à tous les niveaux. Certains opposent le téléfilm et cette nouvelle adaptation en arguant que les effets spéciaux ne peuvent logiquement être comparés pour de simples raisons d’évolution technologiques. C’est tout à fait vrai : du maquillage et des effets old school sur le film de 1990, du 100% CGI ou presque sur celui de Muschietti. Mais le fait de ne pas utiliser d’effets animatroniques n’empêche en rien la viscéralité de l’ensemble. Et surtout, il ne faudrait pas limiter la comparaison aux seuls effets spéciaux. On invite donc les thuriféraires de Ça – Il est revenu à se pencher un peu plus objectivement sur Ça et Ça – Chapitre 2 : sur l’interprétation, sur la photo de Checco Varese (ou de Chung-hoon Chung sur le premier film), sur le production design éblouissant des deux films ou, tout simplement, sur leur réalisation. Un monde sépare littéralement les visions de Tommy Lee Wallace et Andy Muschietti.

Deux visions qui, paradoxalement, sont bel et bien issues d’un même roman. Et finalement, l’essentiel est bien que l’œuvre de King déchaîne les imaginations, non ? C’est le romancier / réalisateur britannique Clive Barker qui, à la sortie de Hellraiser II : Les écorchés, résumait le mieux l’esprit d’une bonne adaptation : « Voici un phénomène extraordinaire : dès que l’on crée une histoire ou une image qui trouve la faveur du public, on la perd. Elle vous quitte, la petite salope ; elle devient la propriété des fans. Ce sont eux qui élaborent leur propre mythologie autour d’elle ; eux qui conçoivent des suites et des prologues ; eux qui vous signalent les points faibles de votre récit. Il n’existe pas de plus beau compliment à mes yeux. (…) Après Hellraiser : Le pacte est venu Hellraiser II : Les écorchés, dans lequel le scénariste Peter Atkins et le réalisateur Tony Randel ont tissé leur propre suite à partir du premier épisode. Ce n’était pas le film que j’aurais tourné, mais il était extrêmement intéressant de voir comment d’autres esprits et d’autres talents traitaient ces idées ; comment ils exploraient des prolongements que je n’avais même pas envisagés lorsque j’avais pris la plume. (…) Mais j’en suis néanmoins très fier. Pas seulement parce que des créateurs aussi doués ont été suffisamment séduits par les concepts de Hellraiser pour prolonger son univers fictif avec leurs propres récits, mais parce que – voyez ! – ce salaud de petit film que j’ai tourné a désormais sa propre vie. »

Ainsi, le roman « Ça » de Stephen King traversera à coup sûr les années et, finalement, se suffit parfaitement à lui-même. Finalement, on ne pourra que saluer Andy Muschietti de ne pas en avoir livré un simple « décalque » cinématographique, qui n’aurait été qu’une pâle copie, fade et sans âme. Sa vision artistique est une valeur ajoutée, et il se permettra, avec l’aide de son fidèle scénariste Gary Dauberman, de clore Ça – Chapitre 2 sur une note assez différente du roman. Ce qui, encore une fois, risque de laisser sur le carreau ceux qui s’attendaient à découvrir sur grand écran le personnage du gardien Maturin, entité extraterrestre éternelle, Némésis de Ça, prenant la forme d’une tortue géante.

Pour terminer, on soulignera que contre toute attente, et malgré sa noirceur, Ça – Chapitre 2 s’avère un film assez drôle, nous proposant quelques répliques assez imparables de la part de Bill Hader, parfait en Richie adulte. Au rayon des éléments amusants, on notera que parallèlement à Stephen King, d’autres célébrités font également de petites apparitions remarquées au cœur du film : Peter Bogdanovich, le réalisateur-culte du Nouvel Hollywood, incarne le cinéaste mettant en scènes les adaptations des romans de Bill Denbrough. Le cinéaste Xavier Dolan incarnera quant à lui Adrian Mellon, victime d’un crime homophobe. Enfin, les plus observateurs reconnaîtront Brandon Crane, interprète de Ben enfant dans la version de 1990, dans le rôle d’un des collaborateurs de Ben (Jay Ryan).

Le Blu-ray

[4,5/5]

Après avoir réuni 1,5 million de spectateurs dans les salles françaises (ainsi que dans de nombreux autres pays d’Europe), c’est naturellement sous la bannière de Warner bros. que Ça – Chapitre 2 débarque aujourd’hui sur support Blu-ray. Côté image, c’est sans réelle surprise que l’on constatera que les équipes de Warner ont de nouveau livré un travail d’encodage tout simplement somptueux et irréprochable, rendant clairement et définitivement hommage à la sublime photo du film, signée Checco Varese, qui nous offre vraiment de très nombreux plans à tomber par terre, littéralement renversants de beauté. Piqué, contrastes et couleurs sont au taquet, c’est du grand Art, le rendu est tout simplement magnifique. Côté son, VF et VO s’offrent de puissants mixages en Dolby Atmos, qui seront décodées en l’absence de matériel adéquat en Dolby TrueHD 7.1 pour la VF et en Dolby Digital + pour la VO. Cela commence à devenir une (bonne) habitude sur les blockbusters sortant chez l’éditeur : depuis 2016, la branche française de Warner fait très régulièrement l’effort de privilégier le « gros son » pour les francophones. Ce n’est pas la première fois qu’on le remarque, et le moins que l’on puisse dire est que cela fait plaisir que les (incessantes) récriminations des HD-philes français soient écoutées. Niveau rendu acoustique, bien sûr, les deux pistes audio sont bien travaillées et proposent une immersion de dingue, avec des effets multicanaux constants, puissants, spatialisés avec une finesse incroyable et proposant plus que jamais un vrai rendu cinéma à la maison. Répartition et le placement des effets, basses grondantes et tonitruantes, effets d’ambiance… Tout est fait pour ajouter un sentiment inquiétant à plusieurs séquences-clés, tandis que les dialogues, la musiques et les effets sonores sont répartis intelligemment, avec une dynamique impressionnante. Du travail acoustique d’orfèvre.

Dans la section suppléments, outre un commentaire audio du réalisateur Andy Muschietti malheureusement proposé en VO non sous-titrée, la galette proposera les habituelles featurettes made in Warner, développant comme toujours un ton promotionnel mais toujours informatif et intéressant. On commencera donc avec un documentaire en deux parties intitulé « Les étés de ÇA ». Le premier chapitre, intitulé « Tu flotteras aussi » (36 minutes), se concentrera sur le tournage du premier film, en 2017. Après avoir évoqué le processus de pré-production, le doc nous présentera Andy et Barbara Muschietti, respectivement réalisateur et productrice, et tellement inséparables que j’ai failli remplacé toutes mes mentions au réalisateur Andy Muschietti dans l’article ci-dessus par « Andy et Barbara Muschietti ». L’accent sera ensuite mis sur la création du clown et des décors, mais aussi et surtout sur la bande de jeunes acteurs incarnant le « Club des Ratés ». Entre les auditions, les interviews et les coulisses du métrage, le plus touchant sera donc probablement de voir, à travers une série d’images volées sur le plateau et dans les loges, une série de jeunes gens apprenant à se connaître sur un tournage de cinéma.

Le deuxième chapitre s’intitulera « ÇA se termine » (39 minutes), et comme vous l’aurez deviné, sera consacré au tournage du deuxième film. Cela sera bien sûr l’occasion de retrouver les jeunes acteurs deux ans après le tournage du premier film, et de confirmer la vitesse à laquelle les adolescents peuvent changer d’un point de vue physique. L’essentiel du documentaire sera centré autour des deux « versions » des personnages et des relations entre les acteurs, enfants et adultes, qui les incarnent à l’écran. Bien sûr le tournage n’est pas pour autant mis de côté, avec un retour sur une poignée de séquences à effets spéciaux, ou encore sur le cameo de Stephen King sur le film – celui-ci s’offre d’ailleurs la meilleure blague du documentaire, prouvant à quel point il peu être pince sans rire. Et à nouveau, la relation fusionnelle entre Andy et Barbara Muschietti pourra être soulevée : Jessica Chastain n’évoque par exemple jamais l’un(e) sans citer l’autre… Une place particulière est également laissée au « martini shot », dernier plan du film, après 86 jours de tournage.

On continuera ensuite avec une featurette consacrée à Bill Skarsgård et à sa relation avec le personnage de Pennywise (« Grippe-Sou revit », 10 minutes), qui nous donnera également à voir beaucoup d’images du tournage des deux films, et évoquera son évolution entre les deux films. La featurette suivante (« Cette réunion du Club des Ratés est officiellement ouverte », 8 minutes) est consacrée aux acteurs « Club des Ratés ». Enfin, la featurette intitulée « Trouver les lumières mortes » (6 minutes), Stephen King lui-même reviendra sur certaines de ses inspirations (notamment concernant le personnage de Bill Denbrough), ainsi que sur son apparition au cœur de Ça – Chapitre 2. On notera forcément quelques redondances entre le making of et les featurettes. Quant à l’absence de scènes coupées, elle s’explique probablement par la volonté d’Andy Muschietti de proposer un « super montage » de Ça, en y intégrant non seulement les scènes qu’il a du couper au montage mais également quelques séquences supplémentaires, qui n’ont pas été tournées. Reste à savoir maintenant si Warner se laissera convaincre : il y a fort à parier que la condition Sine qua non afin d’obtenir cette faveur sera son engagement à tourner un troisième opus. Ce qui n’est ni du goût de Stephen King, ni des fans du roman à travers le monde…

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