À voir sur Netflix : Bronx / Retour au polar pour Olivier Marchal

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Bronx

France : 2020
Titre original : –
Réalisation : Olivier Marchal
Scénario : Olivier Marchal
Acteurs : Lannick Gautry, Stanislas Merhar, Kaaris
Distributeur : Netflix France
Durée : 1h56
Genre : Thriller, Policier
Date de sortie : 30 octobre 2020

Note : 3,5/5

Dans les quartiers Nord de Marseille, une tuerie orchestrée par le clan Bastiani a lieu. Deux rivaux sont en charge de l’enquête, Vronski, un flic de la brigade antigang et Costa, un chef de groupe de la BRB aux pratiques douteuses. La situation dégénère lorsqu’un témoin-clé est assassiné durant sa garde à vue. En pleine guerre des gangs, Vronski et ses hommes, pour sauver leur peau, seront obligés de faire des choix lourds de conséquences…

Le bar du téléphone

Huit ans après Les lyonnais, Olivier Marchal revient au polar « noir c’est noir il n’y a plus d’espoir » : on entend par là bien sûr au polar made in France, made in Marseille plus précisément, puisque Bronx s’inspire librement des événements dits de la « tuerie du bar du téléphone » (1978), qui avaient déjà inspirés Claude Barrois en 1980 pour Le bar du téléphone.

Bien entendu, si la référence au massacre de la Saint-Gérard ne saurait passer inaperçue, le récit de ce film action netflix imaginé pour Bronx par Olivier Marchal s’en éloigne sciemment dès les premières minutes, qui imposent une histoire originale, profondément contemporaine, même si par bien des aspects elle dénote encore des obsessions du cinéaste, profondément liées à une vision du genre un peu bloquée dans le passé.

Du Olivier Marchal pur jus

On retrouvera donc au cœur de Bronx les personnages typiques du cinéma de Marchal, barbe de trois jours, blousons de cuir, lunettes noires, chaines en or tombant sur une pilosité abondante, enchainant clopes, whisky et conquêtes d’un soir… Le modèle du super-flic en mode Luc Merenda / Jean-Paul Belmondo époque Le professionnel / Le marginal. Tellement too much qu’il y a même franchement de quoi sourire, surtout à la découverte de la dégaine du personnage incarné par Stanislas Merhar, sosie officiel de Jacques Dutronc.

Cependant, on ne saurait en tenir rigueur à Olivier Marchal : cette tendance à ériger ce modèle de virilité affichée comme une métaphore de l’honneur et du courage a toujours fait partie de sa « patte » de cinéaste, même si elle tend à s’intégrer de plus en plus maladroitement à la société contemporaine. Néanmoins, elle s’affiche à elle seule comme une façon de s’attacher à une vision old school non seulement du polar, mais plus largement de la société.

Un regard anachronique

Si cette vision est trop souvent caricaturée et s’apparente bien souvent pour les nouvelles générations à de la « beaufitude », elle communique néanmoins d’entrée de jeu le sentiment du cinéaste. En utilisant ces clichés visuels, il affirme clairement que c’était mieux avant, quand on pouvait s’exprimer librement, et que l’homme pouvait affirmer posséder une paire de balloches sans craindre d’être traité d’homophobe. Idem pour les rapports hommes / femmes ou pour la notion de « respect », très présente entre flics et truands dans son cinéma. Cela n’a plus rien à voir avec la réalité, mais ça l’a été à une époque.

Pourtant, on sent que Marchal essaie de s’ouvrir, de se corriger parfois, en intégrant des éléments plus contemporains au cœur de son récit : ainsi, malgré son look d’un autre âge, Stanislas Merhar écoute du rap et circule dans un bolide de tuning, et le personnage incarné par Kaaris nous livre quelques jolies saillies verbales en mode « urbain ». Mais chassez le naturel… L’intrigue de Bronx écartera au final de façon assez nette cette culture de la rue pour se concentrer sur une intrigue de guerre des gangs à l’ancienne, avec une « famille » corse dirigée d’une main de fer par une « mamma » impitoyable, et interprétée par Claudia Cardinale. Un anachronisme qui nuit un peu au réalisme d’un film qui aurait sans doute été plus efficace si le cinéaste l’avait situé dans les années 70 ou 80.

Polar tragique

On sent aussi qu’Olivier Marchal, conscient des reproches qui lui sont souvent faits, tente de lever le pied sur le lyrisme, sur les états d’âme de ses personnages, sur les grandes séquences tournées au ralenti sur fond de musique classique… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y parvient par moments, en nous offrant de très belles séquences – on pense notamment au formidable épilogue du film, qui déroule ses images sur fond d’Alain Bashung et de sa chanson « Immortels ». Néanmoins, cet attachement au lyrisme fait également partie de son style, qui en sort ici un peu amoindri.

Mais malgré tout cela, Bronx s’impose plutôt comme une jolie réussite dans le genre un peu désuet du « polar tragique ». Bien entendu, cette histoire de flics sur la corde raide entre le bien et le mal enfile les clichés et les séquences attendues sans jamais ou presque réserver la moindre surprise au spectateur, mais le tout est parfaitement exécuté. Le style est là, de même que tous les passages obligés du genre, mais ce n’est pas comme si on ne savait pas à quoi s’attendre avec Olivier Marchal. C’est juste qu’en l’espace de huit ans, une nouvelle génération de cinéastes a réussi à reprendre le flambeau du genre en le renouvelant d’avantage (Julien Leclercq, Éric Valette, Benjamin Rocher…), et qu’aujourd’hui, le style Marchal semble avoir pris un petit coup de vieux.

Tronches de cinéma

Reste donc à se détendre et à profiter du casting prestigieux du film, porté par Lannick Gautry, mais également avec Stanislas Merhar, Kaaris, David Belle, Claudia Cardinale, Jean Reno, Gérard Lanvin, Alain Figlarz, l’extraordinaire Francis Renaud, Patrick Catalifo, Moussa Maaskri, Vrigile Bramly ou encore Eriq Ebouaney. Autant de « tronches » de cinéma qui s’avèrent tous excellents et contribuent à faire de Bronx un divertissement haut de gamme, malgré ses défauts.

On notera par ailleurs que Bronx est produit par Gaumont, mais s’est retrouvé distribué par Netflix en réaction à la crise sanitaire du Covid-19. Si Gaumont a concédé l’exclusivité de la distribution du film au géant de la SVOD, on suppose néanmoins que le film devrait voir le jour en Blu-ray et DVD au terme de la période d’exclusivité négociée avec Netflix. On suppose – sans être dans le secret des Dieux – que cette dernière a probablement été fixée à un an.

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