Test Blu-ray : Le Bar du téléphone

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Le Bar du téléphone

France : 1980
Titre original : –
Réalisation : Claude Barrois
Scénario : Claude Néron
Acteurs : Daniel Duval, François Périer, Christophe Lambert
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h33
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 27 août 1980
Date de sortie Blu-ray : 31 décembre 2022

À la suite d’un contentieux, Tony Véronèse, criminel notoire, fait sauter en guise de représailles les boîtes de nuit et hôtels de passe détenus par les frères Pérez. Ces attentats spectaculaires conduisent le commissaire Joinville à pactiser avec deux personnalités respectées dans le Milieu. Mais, alors que le policier espère un accord tacite entre les deux clans, les règlements de compte se poursuivent dans un bain de sang…

Le film

[3,5/5]

A l’occasion des sorties en Blu-ray de films tels que La Guerre des polices (Robin Davis, 1979) ou La Balance (Bob Swaim, 1982), on a déjà eu l’occasion d’évoquer le renouveau du polar français à la fin des années 70 et au début des années 80. Se débarrassant tout doucement de l’héritage de Jean-Pierre Melville, le film policier français dirigeait alors volontiers son regard vers nos voisins italiens, qui avaient révolutionné le genre avec le poliziottesco (également appelé polar bis italien ou néo-polar).

En partie centré sur le fossé qui séparait les truands de l’ancienne génération des chiens fous de la jeune garde, Le Bar du téléphone s’inscrit également dans cette mouvance du néo-polar à la française. Pour autant, le réalisateur du film Claude Barrois et son scénariste Claude Néron (Max et les Ferrailleurs) semblent encore assez ouvertement ancrés dans la tradition du policier français de la vieille école. Car au-delà du fait divers sordide qui donne son titre au film, Le Bar du téléphone demeure tout de même une histoire d’honneur aux accents tragiques, doublée d’une histoire d’amitié virile et de vengeance entre membres du milieu. Cette filiation se retrouvait jusque sur l’affiche du film, qui alignait les visages en noir et blanc des différents protagonistes du récit, et qui faisait référence à celle du Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville.

Le Bar du téléphone est donc, à la façon d’un film comme Le Choix des armes (Alain Corneau, 1981) par exemple, à la croisée des chemins entre le classicisme et la modernité. C’est peut-être d’ailleurs ce qui peut expliquer les scores modestes du film de Claude Barrois au box-office de 1980 : avec un peu plus de 435.000 entrées, Le Bar du téléphone était bien loin derrière les 1,8 millions d’entrées de La Guerre des polices, et très loin derrière les 4 millions de français qu’attirerait La Balance un peu moins de deux ans plus tard. Pour autant, le film de Claude Barrois mérite d’être redécouvert…

Au cœur du Bar du téléphone, il y a deux personnages, que tout oppose à priori. D’un côté, Toni Véronèse (Daniel Duval), qui dans une espèce d’ultime baroud d’honneur – tenant, on s’en compte au fur et à mesure que le film avance, de la pulsion de mort pure et simple – entre en guerre avec les frères Pérez, des cadors du crime organisé, pour une sombre histoire de dette impayée tenant du prétexte. Elégant et taciturne, Daniel Duval reprend ici typiquement le genre de rôle d’ange maudit que le jeune Alain Delon incarnait régulièrement chez Melville. Face à lui, il y a « Bébé » (Christophe Lambert), un jeune voyou à la tête d’une bande de racketteurs, de petites frappes sans envergure – on notera d’ailleurs au sein de la bande la présence de Richard Anconina dans le rôle de « Boum Boum ». Le personnage de Christophe Lambert s’étoffera peu à peu au fil du déroulement du Bar du téléphone jusqu’à devenir le contrepoint du protagoniste central. Bébé, c’est la misère et les taudis les plus pauvres de la banlieue parisienne. En dehors des rackets, il partage sa vie entre sa mère, sa sœur et le terrain vague d’à côté. Comme Renaud de la même époque, il est une bande de jeunes à lui tout-seul et noie son ennui et son désœuvrement dans le crime.

Entre les deux personnages, il y a la vieille garde, côté flics comme côté truands – autant de personnages qui semblent travailler main dans la main et dans un respect mutuel, pour tenter de calmer les ardeurs de Toni Véronèse et l’escalade de la violence qui l’oppose aux frères Pérez. Du côté de la police, on a le commissaire Joinville (François Perier), et pour les caïds du milieu, on sera ravi de retrouver Julien Guiomar et Georges Wilson, tous deux impeccables dans la peau de seigneurs de la pègre parisienne à qui tout le monde obéit. Même s’il n’est spécialement riche en action, le scénario du Bar du téléphone offre quelques opportunités à Claude Barrois afin de créer des scènes à suspense remarquablement efficace, à la façon du rendez-vous nocturne entre les frères Pérez et Toni, qui bien entendu tournera mal et se terminera par une fusillade avec deux policiers.

Cela dit, pour les spectateurs français de l’époque, Le Bar du téléphone était une référence claire à un fait divers sanglant s’étant déroulé à Marseille en 1978, et le film prend son temps avant d’arriver au climax tant attendu. Si tout le monde s’accorde cependant pour reconnaître que les « vrais » tueurs ayant sévi dans le bar marseillais ont été aussi froids que méthodiques, dans le film, Claude Barrois et son scénariste Claude Néron transforment ce massacre en un accident absolument chaotique, présentant le gang de jeunes gens comme des amateurs maladroits complètement dépassés par les événements. Leur jeunesse est bien sûr encore accentuée par les masques de Dark Vador qu’ils portent en guise de déguisements, ce qui renforce encore chez le spectateur le sentiment qu’ils ne se rendent absolument pas compte de la gravité des événements. Leur fuite est tout aussi désorganisée que leur coup d’éclat, et ils continuent à s’engueuler en quittant l’hôtel, trop occupés à se battre dans la voiture pour remarquer que Toni les suit.

En termes de narration, Le Bar du téléphone décide d’abandonner le gang de jeunes gens une fois passée la séquence du massacre, concentrant alors toute son attention sur le face-à-face entre Toni et Bébé, qui commence par une bonne vieille bagarre dans un terrain vague à base de high-kicks et de pneus de bagnoles jetés à la tête de son adversaire. Mais la bagarre a pour bienfait de calmer les hommes, et les deux hommes finiront par pactiser le long d’une voie de chemin de fer désaffectée – on ne saura jamais précisément si ce rapprochement a lieu parce que Toni voit quelque chose de lui-même dans la fougue et la jeunesse de Bébé ou s’il le manipule pour se rapprocher de ses rivaux. La performance de Christophe Lambert est aussi minimaliste qu’intéressante, et a probablement contribué à lui donner la visibilité nécessaire pour gravir les échelons du star-system jusqu’à Greystoke, la légende de Tarzan en 1984 et, bien sûr, Highlander en 1986.

En deux mots comme en cent, Le Bar du téléphone est donc un petit polar français plutôt réussi, ce qui est d’autant plus appréciable / remarquable que le genre s’éteindrait presque totalement aux alentours de 1984. Ce long blackout prendrait cependant fin en 1997 avec le sublime J’irai au paradis car l’enfer est ici, de Xavier Durringer, avec le même Daniel Duval…

Le Blu-ray

[5/5]

Si Le Chat qui fume s’est imposé ces dernières années comme le plus grand défenseur français du cinéma « Bis », l’éditeur a aussi contribué à remettre sur le devant de la scène de nombreuses pépites du cinéma de genre français : on pense, entre autres, à des films tels que 36-15 Code Père Noël, La Balance, La Saignée, Haine, La Traque, Clash, Les Loulous, Les Fauves… Fin décembre 2022, l’éditeur a à nouveau fait très fort en nous proposant de redécouvrir, et en Haute-Définition, deux polars français un peu oubliés : À coups de crosse et Le Bar du téléphone.

Comme d’habitude avec Le Chat qui fume, Le Bar du téléphone s’affiche donc aujourd’hui dans une superbe édition Blu-ray « Collector » au design soigné et à la finition maniaque, prenant la forme d’un digipack trois volets surmonté d’un fourreau très classe, reprenant la présentation des précédents films de la collection, et dont la conception graphique est toujours signée par l’excellent Frédéric Domont, collaborateur de longue date de l’éditeur français. Mais place au Blu-ray à proprement parler : côté image, Le Chat qui fume nous propose une copie de toute beauté, respectueuse du grain d’origine, avec un beau piqué et des couleurs fidèles à la photo du film, signée Bernard Lutic. La restauration a fait place nette des poussières et autres points blancs, et le résultat s’avère même au-delà de nos espérances les plus folles. Côté son, le film nous est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), parfaitement clair, net et sans bavures. Du très beau travail technique donc !

Du côté des suppléments, on commencera tout d’abord par un entretien avec Fabienne Vette (29 minutes). Si elle exerce le métier d’actrice, l’intervenante n’a pas joué dans Le Bar du téléphone, et intervient ici en tant que dernière compagne de Daniel Duval. Leur idylle a duré trois ans et demi, entre 2009 et 2013, ce qui a permis à Fabienne Vette de bien connaître l’acteur et de replacer le film de Claude Barrois – et son importance – au cœur de la carrière de l’acteur. On continuera ensuite avec quelques images issues d’archives TV, toujours intéressantes. On découvrira donc un court entretien avec Daniel Duval (3 minutes), qui permettra à l’acteur de dresser, dans les grandes lignes, un portrait de son personnage, quelques images du tournage (2 minutes) ainsi qu’un sujet revenant sur la sortie mouvementée du film dans les salles marseillaises (2 minutes). Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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