Test Blu-ray : 36-15 code Père Noël

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36-15 code Père Noël

France : 1989
Titre original : –
Réalisation : René Manzor
Scénario : René Manzor
Acteurs : Alain Musy, Brigitte Fossey, Louis Ducreux
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h32
Genre : Thriller, Action
Date de sortie cinéma : 17 janvier 1990
Date de sortie DVD/BR : 12 décembre 2017

Il a 9 ans. Il s’appelle Thomas. Il croit au Père Noël. Il a 2 passions : l’informatique et les super-héros. Le 24 décembre, caché sous la table de la salle à manger, Thomas attend l’arrivée du Père Noël, bien décidé à le capturer. Mais, ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il est sur le point de vivre la nuit la plus terrifiante de toute sa vie. Un duel sans merci va l’opposer à un psychopathe…

Le film

[5/5]

Comme son titre l’indique clairement, 3615 code Père Noël est un film que bien des moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. En effet, le film de René Manzor s’impose d’entrée de jeu non seulement comme le pur produit de son époque, mais de plus comme un film français : pour les plus jeunes de nos lecteurs qui l’ignoreraient, le « 3615 » du titre est en effet une référence claire au minitel, technologie de communication française développée par le ministère des Postes et Télécommunications et utilisée dans les années 1980/1990, avant d’être supplantée par l’accès au tout-Internet. Si le minitel s’est exporté sous différentes variantes dans d’autres pays d’Europe dans les années 80, il demeure une technologie très française. Ainsi, si le film de René Manzor s’est également exporté à l’étranger, la référence au minitel incluse dans le titre français a disparue dans tous les pays où le film a été exploité : le film a donc été rebaptisé Game over aux Etats-Unis et en Espagne, Deadly games ou Tödliche Nacht (« Nuit mortelle ») en Allemagne, Un minuto a mezzanotte (« Une minute à minuit ») en Italie ou encore Las fantasías del pequeño Rambo (« Les fantasmes du petit Rambo ») au Pérou.

Plutôt bien considéré par la critique spécialisée au moment de sa sortie en salles (« Du cinéma de haute tenue, ambitieux, énergique, intelligent, sensible et cruel » pouvait-on lire dans les colonnes de Mad Movies lors de la présentation du film au festival d’Avoriaz 90), 3615 code Père Noël fut par la suite injustement boudé par son distributeur, et n’a bénéficié que d’une sortie technique, concentrée sur quelques salles parisiennes. Cela n’a pas empêché le film de devenir par la suite l’objet d’un culte ardent pour les rares amateurs de cinéma de genre l’ayant découvert lors de sa diffusion sur Canal+, ou à travers son exploitation sur support VHS et Laserdisc. Et probablement encore un peu plus particulièrement pour les jeunes spectateurs nés entre 1978 et 1981, qui devaient plus ou moins avoir pile l’âge de Tommy, le protagoniste principal du film, et pour qui l’identification avec le héros fonctionnait à 100% : ainsi, de nombreux jeunes gens auront été durablement marqués par cette virée cauchemardesque et cruelle au cœur d’un manoir labyrinthique, au point de régulièrement citer le film de René Manzor comme faisant partie des films ayant le plus marqué leur cinéphilie naissante.

Véritable OVNI dans le paysage du film de genre à la française, 3615 code Père Noël mélange les codes du film fantastique et ceux du film d’action dans une espèce de « home invasion » teinté d’humour noir. D’un point de vue formel, René Manzor reprend à son compte une esthétique héritée du conte, qu’il confronte dans la deuxième partie du métrage à des cadrages et des éclairages très léchés, presque « clippesques ». Par ailleurs, le rythme est excellent, la musique sert globalement le film, et le tout dégage une impressionnante rigueur et une volonté de tourner « à l’américaine », avec de nombreux ralentis et un découpage de l’espace et des lieux assez remarquable. La caméra est très mobile, avec de nombreux plans steadicamés collant aux basques de son jeune héros courant dans d’interminables couloirs, le tout développant une efficacité jamais démentie, qui parvient à compenser les quelques incohérences qui parsèment le récit.

Le film s’avère également ouvertement iconoclaste et convoque autant l’esprit « Amblin Entertainment » d’un Steven Spielberg  que ceux de grands classiques du cinéma de genre des années 80 : on notera bien sûr quelques références explicites à Rambo III (la préparation de Tommy en mode commando), Piège de cristal (pour le fait qu’il se balade pieds nus et se retrouve rapidement blessé) ou Aliens (pour les décors de chaufferie envahie par la fumée rappelant furieusement les décors de la planète Acheron dans le film de Cameron). Cependant, la redécouverte du film en Blu-ray presque trente ans après sa sortie nous permet également de trouver, disséminées au cœur des décors du film, quelques clins d’yeux qui nous avaient échappés jusqu’ici : René Manzor a en effet placé dans le décor de 3615 code Père Noël quelques photos de Massacre à la tronçonneuse 2, de Commando ou encore de Critters… Autant de films dont on retrouve un peu de l’esprit au cœur du film de René Manzor.

Un autre élément n’aura échappé à personne : 36-15 code Père Noël préfigurait en partie l’intrigue du film Maman, j’ai raté l’avion, partageant avec ce dernier un goût immodéré pour un univers cartoonesque, puisqu’il met en scène une maison remplie de pièges à destination des intrus directement héritée de dessins animés comme Tom & Jerry ou Bip-Bip et Coyote. La différence évidemment se situe dans le traitement général de l’intrigue, le film de John Hughes visant largement le public familial, tandis que celui de René Manzor joue la carte de l’humour noir. Un humour noir féroce, taclant violemment les notions de propriété et de légitime défense si chères aux américains, et que l’on retrouverait également dans un passage mémorable de Phantasm III (Don Coscarelli, 1994) ou, bien plus tard, dans l’amusant diptyque The collector / The collection (Marcus Dunstan, 2009-2012), même si les influences de ces deux films vont probablement d’avantage chercher dans la vague de torture-porn initiée par la saga Saw que dans le film de René Manzor ou celui de John Hughes. Néanmoins, le fait que le personnage central soit dans les deux films un enfant d’une dizaine d’années ne peut quasiment que rapprocher les deux longs-métrages. Ainsi, le film de René Manzor étant encore de nos jours largement inconnu en France, les « initiés » le résumeront fréquemment à leurs connaissances intriguées comme un croisement aussi curieux qu’improbable de Douce nuit, sanglante nuit et de Maman, j’ai raté l’avion – ce qui, vous en conviendrez, situe parfaitement ce film aussi unique que vraiment inattendu dans le paysage cinématographique français.

Du côté du casting, si l’on sera globalement plutôt convaincu par les prestations du jeune Alain Musy, du vétéran Louis Ducreux ou de Brigitte Fossey, c’est surtout le personnage du père Noël psychopathe qui marquera la mémoire du spectateur. C’est Patrick Floersheim (surtout connu en réalité pour sa carrière de doubleur, notamment de Michael Douglas) qui prête ses traits à ce personnage de vagabond dérangé, et il réussit le tour de force de le rendre à la fois menaçant et profondément pathétique, en particulier lorsqu’en fin de métrage, on découvre qu’il n’est peut-être finalement qu’un gamin paumé dans le corps d’un adulte – une humanisation finalement assez déstabilisante pour le spectateur. Cet élément particulier du récit, couplé au fait que l’on découvre dans 36-15 code Père Noël un enfant de 10 ans tirant à bout portant sur un adulte, est une des particularités d’un film à la croisée des chemins entre un style ouvertement « américain » et une sensibilité plus « européenne » dans la façon de raconter les histoires ; un film unique en somme, que Le chat qui fume nous propose aujourd’hui de redécouvrir dans une édition Combo Blu-ray + DVD ultra-complète…

Le coffret : Combo Blu-ray + 2 DVD

[5/5]

Après des années et des années durant lesquelles le cinéphile français nostalgique de 36-15 code Père Noël désespérait littéralement de le voir débarquer sur support DVD, Le chat qui fume a créé l’événement courant 2017 en annonçant l’arrivée du petit chef d’œuvre de René Manzor dans une des riches éditions dont l’éditeur a le secret. Bel objet une nouvelle fois présenté dans un très classieux digipack 3 volets, doté d’une maquette du tonnerre, ce coffret prouve une nouvelle fois à quel point Le chat fume toute la concurrence et, surtout, à quel point il ne se fout pas de la gueule des consommateurs, en mettant le plus grand soin du monde à nous proposer des produits de collection immédiatement repérables comme tels, au design sublime et aux finitions parfaites.

En ce qui concerne le master du film à proprement parler, le film est bien entendu présenté en version intégrale, au format 1.85:1 respecté et dans un tout nouveau transfert HD. Restituant parfaitement l’ambiance visuelle hyper soignée du film, le transfert du Blu-ray de 36-15 code Père Noël est littéralement superbe. Précis, avec un beau piqué, malgré des couleurs très saturées et de multiples effets de fumée, le film s’impose comme une totale redécouverte. Côté son, la version française est mixée en DTS-HD Master Audio 2.0, et assurent une immersion parfaite au cœur du film, avec un bon petit dynamisme acoustique. Mais si l’événement que constituait à lui-seul la sortie en Blu-ray d’un film aussi attendu aurait incité le commun des mortels à se contenter d’une édition vierge de tout supplément, c’était mal connaître l’éditeur français, qui nous propose à nouveau une édition bourrée à craquer de bonus…

Le « gros morceau » de cet interactivité réside en un passionnant making of rétrospectif, prenant la forme d’un entretien avec René Manzor d’une durée de quasiment une heure trente. Le cinéaste y revient dans un premier temps sur la conception du script et les différents acteurs du film (son fils Alain bien sûr, mais également Louis Ducreux, au sujet de qui il raconte une anecdote fort amusante concernant sa visite médicale d’avant tournage). Dans la deuxième partie de l’entretien, il revient sur différents aspects techniques du tournage : les contraintes inattendues d’un studio un peu trop proche d’une voie ferrée, les galères pour trouver la bonne lumière et la « promotion » officieuse de Pal Gyulay au poste de directeur photo, et bien sûr le rôle de son frère Francis Lalanne à la production. Bien sûr, on pourra relativiser certains propos tenus par le cinéaste concernant l’absence absolue de cinéma de genre en France depuis la période d’après-guerre jusqu’au moment du tournage de 36-15 code Père Noël : c’est aller un peu vite en besogne. Le cinéma de genre en France a en effet toujours su « exister », même s’il est le plus souvent resté en marge du grand public. On pense par exemple au cinéma de Georges Franju, de Jean Rollin, de Jess Franco, de Roland Topor ou à quelques films de Fernando Arrabal ; on pense également, entre autres, à La rose écorchée (Claude Mulot, 1970), au Sadique aux dents rouges (Jean-Louis van Belle, 1971) ou aux Week-ends maléfiques du Comte Zaroff (Michel Lemoine, 1976). Le genre s’est d’ailleurs montré tout aussi vivace tout au long des années 80 : pour ne citer qu’une poignée d’exemples contemporains du film de Manzor, on pense aux deux longs-métrages de Raphaël Delpard La nuit de la mort (1980) et Clash (1984), à Kamikaze (Didier Grousset, 1986), à Terminus (Pierre-William Glenn, 1987), à Baxter (Jérôme Boivin, 1989) ou encore à Adrénaline et Baby blood (Alain Robak, 1990)…

René Manzor abordera à nouveau quelques-uns des aspects déjà passés en revue lors de cette longue interview dans un passionnant commentaire audio du film qui, s’il n’évite pas quelques redondances, lui permet de se remémorer quelques aspects précis d’un tournage éprouvant n’ayant pas été évoqués précédemment.

On continuera à visiter cette section bonus avec un entretien avec Alain Musy, de son vrai nom Alain Lalanne, fils de René Manzor, qui évoque le côté exceptionnel de son expérience en tant qu’acteur, qui ne tenait absolument pas de la vocation mais était essentiellement liée à une idée de jeu et de « continuité » entre Le passage et 36-15 code Père Noël. Il revient également sur ses souvenirs du tournage, de sa coupe de cheveux improbable aux acteurs du film. Du côté des anecdotes, il évoque en particulier sa relation avec Patrick Floersheim : lors de la préparation du film René Manzor et Francis Lalanne avaient eu l’idée cruelle de décrire l’acteur comme un type talentueux mais « fou », avec qui il ne devait en aucun cas rester seul en dehors du tournage des scènes du film – une idée pour le moins curieuse, mais destinée à entretenir une notion de « danger » que l’on ressent forcément à l’écran en tant que spectateur (une approche qu’aborde d’ailleurs également René Manzor dans l’entretien fleuve évoqué un peu plus haut). Les propos de l’acteur quant à la notion de « jeu » sur le plateau seront confirmés par une dizaine de minutes d’images du tournage, réunies sous le titre « Jacquadit : Moteur », qui donnent à voir le petit garçon au « travail », et son entrecoupées de nombreux entretiens avec l’équipe du film.

On poursuivra avec une comparaison entre les storyboards et le film sur une série de scènes emblématiques de « pièges » tendus par le petit Tommy – un excellent moyen de se rendre compte à quel point la mise en scène de René Manzor était réfléchie et éminemment visuelle.

Dans 36-15 code Manzor, Alain Schlockoff (L’écran fantastique) et Jérôme Pham Van Bouvier (Podsac) reviennent sur l’exception que constitue le film dans l’histoire du cinéma fantastique en France ; ils abordent également les liens avec Maman, j’ai raté l’avion évoqués un peu plus haut sur cette page, ainsi que le mystère de la distribution française du film, n’ayant bénéficié que d’une sortie « technique » sur 17 salles au début de l’année 1990.

On sera ensuite très heureux de découvrir le premier film de René Manzor, Synapses (1981), court-métrage d’animation extrêmement poétique visiblement très influencé par le cinéma de Roland Topor.

Mais ce n’est pas terminé : on trouvera également au cœur de cette riche interactivité le clip de « Merry christmas », la chanson de Bonnie Tyler que l’on entend dans le film, ainsi que différentes bandes-annonces et teasers du film – René Manzor reviendra également dans une courte featurette sur les trucages nécessaires au tournage du teaser du film. Une galerie de photos commentée par le réalisateur est également de la partie.

Enfin, on terminera avec une poignée de bandes-annonces de films édités par Le chat qui fume : Le retour des morts-vivants (sorti fin 2017, lire notre test), L’assassin a réservé neuf fauteuils, Le maître des illusions et San Babila : Un crime inutile (qui devraient tous trois sortir courant 2018). Est-il encore nécessaire de préciser qu’il s’agit là d’une édition indispensable ?

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