Test Blu-ray : Frankenstein créa la femme

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Frankenstein créa la femme

Royaume-Uni : 1967
Titre original : Frankenstein Created Woman
Réalisation : Terence Fisher
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Peter Cushing, Susan Denberg, Thorley Walters
Éditeur : Tamasa Diffusion
Durée : 1h31
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 8 novembre 1967
Date de sortie DVD/BR : 31 octobre 2023

Au cœur de leur laboratoire secret, le baron Frankenstein et le docteur Hertz travaillent sur une expérience secrète : capturer l’âme d’un mort pour le transférer dans un autre corps. Un jour, leur assistant, Hans, est accusé à tort d’un meurtre et finit exécuté sur la place publique, au grand regret de sa petite amie Christina, qui se suicide. Profitant de l’occasion, le baron va transférer l’âme d’Hans dans le corps de sa bien-aimée, loin de se douter qu’une fois revenu à la vie le jeune garçon sera avide de vengeance…

Le film

[5/5]

Il s’agit certes d’un lieu commun dès que l’on aborde Frankenstein, mais dans l’inconscient collectif, il y a souvent une méprise entre « Frankenstein » et sa « créature ». Frankenstein n’est ainsi pas le nom du monstre, mais bel et bien celui de son créateur : dans le roman de Mary Shelley comme dans la plupart des adaptations que l’on a pu en voir, la créature ne possède d’ailleurs pas de nom, à dessein. Ce n’est pas le cas dans Frankenstein créa la femme. Au contraire, au cours de la quête vengeresse qui occupe la deuxième moitié du film de Terence Fisher, la créature « améliorée » incarnée à l’écran par Susan Denberg ne cessera de scander à ses anciens bourreaux : « Do you know my name ? My name is Christina Kleve ! »

Là ne se situe pas l’unique originalité de Frankenstein créa la femme. Le scénario du film, signé Anthony Hinds, s’avère en effet rempli de surprises. Parmi celles-ci, on pourra citer le fait que le Docteur Frankenstein (Peter Cushing) n’y est pas présenté comme un fou dangereux : il s’agit certes d’un mégalomane n’ayant que peu de considération pour la vie de son prochain, mais ses travaux sur la nature de l’âme semblent aller dans le sens d’un certain « humanisme ». On pourrait d’ailleurs affirmer la même chose concernant sa créature, dans le sens où il offre à la jeune Christina ce qu’on appellerait aujourd’hui une chirurgie « réparatrice ». De fait, il sera quasiment relégué à l’état de simple figurant dans le deuxième acte du film, à partir du moment où la créature devient la principale attraction du métrage.

Autre originalité, la traditionnelle séquence de résurrection, amenée à grands renforts d’effets spéciaux, d’yeux exorbités et de cheveux ébouriffés (« It’s alive ! ») est curieusement complètement absente de Frankenstein créa la femme. Terence Fisher choisit en effet de traiter ce passage quasi-obligé par une intrigante ellipse, et ce même si beaucoup de photos d’exploitation du film – dont certaines sont reprises au cœur de cet article – laissaient à penser que ladite séquence serait bel et bien au cœur du film. En la refusant au spectateur, Terence Fisher joue avec ses attentes, comme s’il voulait lui montrer que la « chair » n’est pas le vrai sujet du film, mais qu’il s’agit au contraire de nous proposer ici une œuvre plus réfléchie, qui utilise un point de départ connu afin de réfléchir sur certaines dualités soulevées par l’œuvre de Mary Shelley, telles que la conscience de soi / la volonté, ou encore l’inné / acquis.

Ainsi, derrière son récit macabre de vengeance d’outre-tombe, Frankenstein créa la femme semble surtout avoir pour volonté de questionner les frontières de l’humain. C’est d’autant plus clair qu’en lieu et place de la traditionnelle scène de réanimation, Terence Fisher et Anthony Hinds nous proposent une autre scène « scientifique » à base de machines mystérieuses et occultes qui permettront finalement au spectateur de découvrir à l’écran une « âme », prenant la forme – très poétique – d’une sphère de lumière que le baron Frankenstein est parvenu à capturer. Alors bon, ne vous affolez pas pour autant : Frankenstein créa la femme n’en devient pas pour autant un pensum sur le sens de la vie et l’essence de l’humanité. Cependant, Fisher nous montre qu’en se substituant à Dieu, le personnage de Frankenstein a fait le choix de courir après l’intangible, et le film matérialisera sa quête à l’écran d’une façon assez inédite.

De cette idée découle un autre rebondissement original : la première partie du film nous présente Hans (Robert Morris) et Christina, deux personnages torturés que le destin a liés l’un à l’autre, et qui partagent un amour pur et sincère. A la mort des deux tourtereaux, Frankenstein capture donc l’âme de Hans et la place dans le corps de Christina. La seconde moitié de Frankenstein créa la femme est ainsi consacrée à la renaissance de Christina, dont le corps cohabite avec l’esprit de Hans. Ce dernier, ivre de vengeance, n’aura d’autre objectif que de retrouver les responsables de leur(s) mort(s), et les traquera façon Darkman / The Crow, etc. Et le fait est que grâce à une première partie riche en humiliations en tous genres, le spectateur ne pourra que se réjouir de la folie meurtrière de Christina, qui tuera l’un après l’autre les dandys responsables de tous leurs malheurs (Peter Blythe, Barry Warren et Derek Fowlds). L’expérience prend de fait un tournant plus viscéral et amusant dans son dernier acte.

Derrière la caméra, Terence Fisher nous livre avec Frankenstein créa la femme un spectacle à la fois original et passionnant. Il peut par ailleurs toujours compter sur Peter Cushing, qui nous livre une prestation passionnée et remarquable, et ce même si le Baron Frankenstein apparait dans la deuxième moitié du film presque comme un second-rôle au cœur de son propre film. Repérée dans les pages centrales de Playboy (elle fut Miss Août en 1966), Susan Denberg fait également très bonne impression dans le rôle de Christina. Pour autant, sa carrière au cinéma fut de courte durée : après Frankenstein créa la femme, l’actrice quitta en effet Hollywood pour retourner en Autriche, son pays natal. Dans une interview publiée dans le magazine Midnight en 1968, Susan Denberg admit qu’à son retour en Autriche, elle avait sombré dans l’alcool et les drogues. Après la naissance de son fils en 1971, elle a commencé à travailler comme serveuse topless dans un cinéma pour adultes à Vienne, puis comme strip-teaseuse dans une boîte de nuit. Après la naissance de son deuxième enfant en 1976, elle a arrêté le strip-tease, et on perd toute trace de sa vie « d’après ». Elle vivrait actuellement en Pologne ; née en 1944, elle serait âgée de 79 ans.

Le Blu-ray

[4,5/5]

À ce jour, Frankenstein créa la femme est uniquement disponible en Blu-ray au sein du coffret Hammer 1966-1969 – l’Âge d’Or, disponible chez Tamasa Diffusion depuis le 31 octobre. Ce coffret est disponible en édition limitée et numérotée à 2000 exemplaires, et nous propose sept films produits par le studio Hammer dans les années 60, dans de superbes versions restaurées. Le coffret contient par ailleurs une poignée de goodies, telles que des cartes reproduisant les affiches originales des 7 films et un livret inédit de 52 pages avec documents, illustrations, photos et affiches. Si vous commandez le coffret sur le site de l’éditeur Tamasa Diffusion, vous pourrez peut-être également recevoir un décapsuleur aux couleurs de la Hammer ainsi qu’un jeu de 3 sous-bocks. Attention, quantités limitées !

Comme dans le cas du coffret Hammer 1970-1976 – Sex & Blood sorti en novembre 2020, on a choisi d’évoquer la sortie de ce coffret majeur en revenant sur chaque film de façon individuelle, dans une série d’articles qui paraîtront dans les jours à venir. Le coffret Hammer 1966-1969 – l’Âge d’Or contient donc sept films, qui étaient tous sortis en France au format DVD en 2005, chez Metropolitan Vidéo, dans la collection « Les Trésors de la Hammer ». Il s’agit des films suivants : Dracula prince des ténèbres (1966), Raspoutine le moine fou (1966), L’Invasion des morts-vivants (1966), La Femme reptile (1966), Dans les griffes de la momie (1967), Frankenstein créa la femme (1967) et Les Vierges de Satan (1968).

Côté Blu-ray, le travail éditorial fourni par Tamasa Diffusion sur les films composant le coffret Hammer 1966-1969 – l’Âge d’Or est d’une solidité à toute épreuve. Même si des taches et autres petits défauts apparaissent de façon occasionnelle, même si les scènes nocturnes et/ou à effets affichent de légères pertes de définition, le grain argentique a globalement été scrupuleusement préservé, la définition est accrue et les couleurs s’avèrent assez sublimes. Les films bénéficient donc indéniablement d’un joli upgrade Haute-Définition, surtout lorsqu’on les compare à leurs équivalents au format DVD. Bref, le résultat s’avère vraiment excellent. Côté son, chaque film du coffret est proposé en VOST uniquement et Dolby Digital 2.0 (mono d’origine). Le rendu acoustique s’avère, dans chaque cas, parfaitement clair, net et sans bavures. On pourra néanmoins regretter la disparition des versions françaises, qui étaient en revanche disponibles sur la plupart des galettes DVD de 2005.

Du côté des suppléments, chaque Blu-ray nous propose, en plus de la traditionnelle bande-annonce, une présentation du film par Nicolas Stanzick, qui s’avère incontestablement « LE » grand spécialiste français de la Hammer, puisqu’il est l’auteur de l’ouvrage de référence Dans les griffes de la Hammer (éditions Bord de l’Eau, 2010). Un deuxième module est présent sur tous les Blu-ray du coffret : il s’agit d’une analyse de séquence par Mélanie Boissonneau, docteure en études cinématographiques, spécialiste de la figure de la « pin-up » au cinéma. Enseignante à l’Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle et à L’École de la Cité, elle travaille également sur le cinéma d’horreur, le sport au cinéma et les super-héroïnes.

Sur le Blu-ray de Frankenstein créa la femme, on trouvera donc tout d’abord l’habituelle présentation du film par Nicolas Stanzick (« Et Terence réinventa Fisher », 44 minutes). Il y reviendra longuement sur la genèse du film et les diverses particularités du film, et notamment le mystère entourant son passage devant la censure britannique, qui s’opposait à plusieurs scènes qui se retrouvèrent finalement bel et bien au cœur du film. Il abordera également l’équipe technique ainsi que les multiples « innovations Fisheriennes » que nous propose Frankenstein créa la femme, notamment en ce qui concerne la beauté du monstre, la décadence des mythes ou encore la narration du métrage, qui se base sur un concept de répétition. On embrayera ensuite sur l’analyse de séquence signée Mélanie Boissonneau (« Qu’on leur coupe la tête », 14 minutes), qui choisit ici d’aborder la séquence de l’auberge mettant en scène Anton (Peter Blythe) et sa bande de dandys pré-Orange Mécanique. Elle abordera notamment la scène sous un angle politique.

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