Test Blu-ray : Django

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1956

Django

Italie, Espagne : 1966
Réalisation : Sergio Corbucci
Scénario : Sergio Corbucci, Bruno Corbucci, José Gutiérrez Maesso, Franco Rossetti, Piero Vivarelli
Acteurs : Franco Nero, José Bódalo, Loredana Nusciak
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h32
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 9 novembre 1966
Date de sortie DVD/BR : 3 novembre 2021

À la frontière mexicaine, deux bandes rivales se disputent la suprématie du pays : celle du major Jackson, américain et fanatique raciste, et celle du général Rodriguez, mexicain et révolutionnaire. Un étranger, Django, traînant derrière lui un cercueil, arrive dans ce pays de désolation. Et avec lui, le vent de la violence…

Le film

[5/5]

Les amateurs de western spaghetti connaissent bien la « Sainte Trinité » des Sergio, que vénèrent depuis toujours les amoureux du genre : Sergio Leone, Sergio Sollima et Sergio Corbucci. A eux trois, ils parviendraient à atteindre la quintessence du genre, remodelant les codes du western, recréant l’Ouest américain dans les plaines d’Italie ou d’Espagne, le tout en disposant de budgets serrés et d’intrigues le plus souvent aussi simples que linéaires.

Django, réalisé en 1966 par Sergio Corbucci, est incontestablement un des westerns italiens les plus représentatifs de toutes les qualités dont raffolent les cinéphiles friands de spagh’. Le héros du film, charismatique, incarné par un Franco Nero d’une classe absolue, parviendra à s’imposer en l’espace de quelques séquences comme l’un de ces cowboys solitaires propres à entrer dans la légende. Les premières séquences de Django, qui présentent le personnage au visage sale et buriné par le soleil arrivant en ville en traînant derrière lui un cercueil maculé de boue, font partie de ces images inoubliables du western spaghetti. De celles qu’il est impossible d’oublier dans une vie de cinéphile, et rompant d’entrée de jeu avec les codes un peu trop proprets du western américain par leur côté morbide et baroque.

Comme l’indique assez clairement le titre du film, l’élément central de Django sera en fait ce personnage, autour duquel s’articulera une intrigue inspirée de Yojimbo – Le Garde du corps (Akira Kurosawa, 1961), et répondant donc à sa manière à celle de Pour une poignée de dollars, film fondateur du western spaghetti, réalisé deux années auparavant par Sergio Leone. Mais si Corbucci parvient à se démarquer de son confrère et ami, c’est en partie parce qu’il fait tourner toute sa narration autour du personnage incarné par Franco Nero, qui s’avère pour le moins insaisissable.

Froid, calculateur, déterminé, pétri de valeurs nobles (honneur, courage, justice), il pleure la mort de sa femme et semble n’avoir rien à perdre, mu par un ardent désir de vengeance à l’endroit du major Jackson (Eduardo Fajardo), même si on ignore pour quelle raison exacte. Pour autant, toutes les manipulations et petites bassesses semblent permises dès qu’il s’agit d’arriver à ses fins. Il semble dans un premier temps bien déterminé à faire avancer la cause des rebelles mexicains, mais dans le même temps, n’hésite pas non plus à leur dérober leur or, sans que l’on puisse réellement déterminer ce qui le motive. Son attitude vis-à-vis de Maria (Loredana Nusciak), qu’il a tiré des griffes à la fois des mexicains et des confédérés, est également plutôt ambivalente, alternant le chaud et le froid, sans se soucier de la morale. Bref, Django est une anguille, un anti-héros aux motivations troubles, à qui l’interprétation de Franco Nero confère une élégance hypnotique.

Mètre-étalon du western spaghetti, Django développe une intrigue simple mais captivante, rythmée par une poignée de surprises et par la mise en scène de Sergio Corbucci, qui nous plonge au cœur d’un Far West enseveli sous la boue, comme si la haine ambiante avait réduit le paysage à néant. Le cagnard et le sable de la grande tradition du western semblent bien éloignés du monde dépeint ici par le cinéaste. Et comme pour rester fidèle à ce monde « gris », Django se refuse à céder à la tentation de nous livrer une intrigue manichéenne. Le film ne propose en effet ni gentils ni méchants ; chaque personnage agit à l’aune de sa propre morale, ou selon ses propres intérêts. Bien sûr, le film n’en possède pas moins une portée philosophique certaine : Corbucci y dresse le triste constat selon lequel la violence engendre toujours la violence – l’intrigue développe ainsi une spirale infernale qui ne se brisera qu’au moment où il ne restera plus qu’un seul homme debout. Debout, mais bien mal en point – seul au milieu des cadavres.

Formellement, Django s’avère parfois assez surprenant, surtout lors de ses dérives vers une certaine cruauté – les scènes de tortures et de châtiments corporels s’enchaînent sur un bon rythme, et versent même parfois carrément sur les excès un peu « gore », qui n’évitent certes ni une certaine complaisance, ni une certaine théâtralité, mais qui accentuent encore l’aspect absolument unique de Django, film mythique et toujours aussi fascinant, presque soixante ans après sa sortie.

Après Django, Sergio Corbucci persisterait dans le western spaghetti, signant en l’espace de quelques années seulement une poignée de films quasi-parfaits : Le Grand Silence (1968), El Mercenario (1968), Le Spécialiste (1969), Compañeros (1970) et, bien sûr, le formidable Far West Story (1972), qui n’est certes ni son film le plus connu, ni le plus réputé, mais qui s’avère peut-être bien le meilleur spagh’ jamais tourné. On notera également que le succès international de Django valut au spectateur des années 60/70 une véritable « invasion de Djangos » – de nombreux personnages furent rebaptisés ainsi pour surfer sur le succès du film de Corbucci, et plusieurs titres de westerns furent également modifiés pour y ajouter un « Django » quelque-part, et ce même quand aucun personnage du film ne portait ce nom…

Le coffret Blu-ray

[5/5]

Éditeur indépendant faisant indéniablement partie des plus intéressants en France en termes de qualité et d’audace éditoriale, Carlotta Films a lancé au fil des années plusieurs collections au sein de son catalogue. Ainsi, parallèlement aux Éditions « Ultra Collector » consacrées à des films majeurs présentés dans des éditions luxueuses incluant le plus souvent un bouquin inédit, Carlotta a également développé la collection « Édition Prestige limitée », qui prend la forme de gros coffrets contenant les films ainsi qu’une sélection de Goodies propres à fasciner les collectionneurs.

Django vient donc d’intégrer la collection « Édition Prestige limitée » (n° 17), et s’impose de fait dans un gros coffret de type « luxe ». Proposé dans un tirage limité à 1000 exemplaires, le coffret contient donc non seulement le Blu-ray et le DVD du film mais également tout un tas de « goodies » réunis pour l’occasion : un jeu de 5 cartes postales, une planche de 8 autocollants, la lobby card italienne deux faces et l’affiche du film en 40×60. On a donc entre les mains un véritable et bel objet de collection, auquel l’éditeur ajoute, bien sûr, quelques suppléments sur le Blu-ray du film.

Et côté Blu-ray, une nouvelle fois, nous ne sommes pas déçus : Carlotta Films nous propose en effet pour Django un master Haute-Définition assez sublime. La restauration 4K effectuée par L’immagine Ritrovata à partir du négatif original 35mm nous offre donc un rendu respectueux de la granulation argentique d’origine, et propose un piqué d’une belle précision ainsi que des contrastes et couleurs au taquet malgré des séquences nocturnes ou très chargées en fumées, pas forcément évidentes à gérer à l’encodage. En deux mots, tout est parfait, c’est un travail tout simplement magnifique, et une véritable redécouverte pour les amoureux du film, qui désespéraient de le voir un jour débarquer sur support Blu-ray en France. Niveau son, l’éditeur se révèle également fidèle à ses habitudes, en ne nous offrant un mixage DTS-HD Master Audio 1.0 en version originale italienne très respectueux du rendu acoustique original. Le film est également proposé en version anglaise, ainsi qu’en version française, les deux étant également mixées en DTS-HD Master Audio 1.0. Le doublage de la VF est assuré, entre autres, par Jacques Deschamps, grande voix du western spaghetti puisque c’était également lui qui doublait Clint Eastwood dans les westerns de Sergio Leone ou encore Lee Van Cleef dans le Colorado de Sergio Sollima.

Du côté des suppléments présents sur le Blu-ray à proprement parler, Carlotta Films nous propose tout d’abord une présentation du film par Alex Cox (14 minutes), qui permettra au cinéaste de revenir sur sa découverte du film à sa sortie en France ainsi que sur ses nombreuses qualités. Pour le reste, l’éditeur recycle une partie des suppléments disponibles sur l’édition Arrow de 2018. Le gros morceau de cette interactivité consiste probablement dans un passionnant entretien avec Franco Nero (26 minutes), au cœur duquel l’acteur reviendra sur le film et sur l’impact qu’il a eu, à la fois sur sa carrière mais également sur la culture populaire. Il reviendra notamment sur son apparition dans le film Django Unchained de Quentin Tarantino, qui fait partie des adorateurs du film, ou encore sur la suite de Django qu’il a tournée en 1987, mais qui ne lui a pas réellement apporté satisfaction. On continuera ensuite avec un entretien avec Ruggero Deodato (26 minutes), futur spécialiste du film de cannibales, qui avait fait ses armes aux côtés de Sergio Corbucci en tant qu’assistant-réalisateur. Il se remémorera donc sa collaboration avec Corbucci, les conseils qu’il lui a prodigués, les autres acteurs envisagés pour le rôle de Django ou encore la genèse de l’idée du cercueil. Sans langue de bois, Deodato évoquera également le fait qu’il n’a pas été crédité sur le film ainsi que sa brouille avec Sergio Corbucci. Plus inattendu, un entretien avec Nori Corbucci (28 minutes) permettra à la veuve du cinéaste d’évoquer le souvenir de son mari, et de replacer quelques réalités méconnues concernant son travail, notamment en évoquant les films qu’il préférait au sein de sa filmographie. Elle se remémorera également ses relations avec les acteurs, ses scénarios, le choix de Franco Nero pour Django, ses relations avec Ruggero Deodato, la violence dans ses films, son intérêt pour la révolution mexicaine ainsi que son héritage dans la culture populaire. On terminera ensuite avec la traditionnelle bande-annonce du film.

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