Side by side

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Etats-Unis : 2012

Titre original : Side by side
Réalisateur : Christopher Kenneally
Scénario : Christopher Kenneally
Acteurs : Keanu Reeves, James Cameron, David Fincher
Distribution : –
Durée : 1h39
Genre : Documentaire
Date de sortie : –

Note : 5/5

Dans ce documentaire qui sera projeté en sa présence ce dimanche 15 juin au Champs Elysées Film Festival, Keanu Reeves nous plonge dans une enquête criminelle sur l’un des pires meurtres commis ces dernières années : celui du film ou, plus précisément, de la pellicule.

Synopsis : Le passage de la pellicule au numérique vu par les réalisateurs et chefs opérateurs majeurs de l’Histoire du cinéma.

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Keanu Reeves enquête sur la disparition de la pellicule

Le comédien de Matrix (1998) des frères Wachowski et A scanner darkly (2006) de Richard Linklater, deux films majeurs de cette transition qui semble définitive vers le tout numérique et dont les auteurs sont ici interrogés, en est le producteur et narrateur. Il s’implique ici en amoureux de son métier et livre un constat terrible : la pellicule chimique et bien tangible, est condamnée à plus ou moins brève échéance. Si ce matériau est reconnu comme le plus fiable pour la préservation des oeuvres cinématographiques, l’économie d’aujourd’hui privilégie strictement le numérique, moins coûteux, mais dont la pérennité sur le long terme, et même sur une période brève de 10 ans est loin d’être prouvée. Aucun recul sur la préservation des fichiers codés alors qu’il est encore possible de sauvegarder des films tournés en pellicule, comme la délicate restauration de la version couleurs du film de Georges Méliès, Le Voyage dans la Lune (1902), 110 ans après son tournage l’a prouvé aux yeux du monde. Et aujourd’hui, parmi les quelques 80 types de format de lecture différents apparus depuis (dvd, vidéo, beta, etc…), certaines variantes sont désormais obsolètes et certaines oeuvres ne sont plus visibles car les systèmes sont périmés alors que la pellicule ne le sera a priori jamais !

L’enquête menée par Keanu Reeves et Christopher Kenneally, réalisateur et auteur, est donc passionnante. Il a rencontré les plus grands réalisateurs en activité aujourd’hui ( George Lucas, Martin Scorsese, James Cameron, Robert Rodriguez, David Lynch qui semble avoir renoncé à travailler à nouveau, David Fincher, Steven Soderbergh, Christopher Nolan, Lars Von Trier, les Wachowski mais aussi la crème des chefs-opérateurs ainsi que des monteurs, avec aussi une réflexion passionnante sur le métier de coloristes, des techniciens de l’ombre dont le rôle devient emblématique. Ils disputent en effet la place et le talent du directeur de la photographie qui ne maîtrise plus aussi aisément l’image créée pour le long-métrage sur lequel ils travaillent. Une oeuvre didactique, complexe, posée, basée sur une analyse argumentée et de fait passionnante des divers systèmes, avec exemple de films tournés selon telle ou telle caméra. les films fondateurs de la montée du numérique comme Terminator 2 : le Jugement Dernier (1991), Abyss (1989), Jurassic Park (1993) ou même Babe Le cochon devenu berger (1996) sont évoqués dans leur aspect de pionniers de la technique.

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Pellicule ou fichier numérique : un questionnement d’hier, d’aujourd’hui et de demain

Le point de vue est complexe et ne plonge pas dans les évidences, les archaïsmes, les conservatismes. Les échanges sont passionnés et passionnants, et l’histoire du cinéma est couverte et l’on revient avec pertinence sur les principales étapes du transfert vers le numérique, et étrangement, les films du Dogme sont largement étudiés. La liberté de mouvement née avec Les Idiots (1997) de Lars Von Trier et Festen (1998) de Thomas Vinterberg a par exemple influé sur le travail de Danny Boyle qui a engagé le chef-opérateur de Lars Von Trier, Anthony Dod Mantle et dont l’association a culminé avec Slumdog Millionaire (2008), premier long intégralement filmé en numérique à être primé aux Oscars pour sa photo.

Side by side évoque avec pédagogie les métamorphoses des conditions de tournage, avec ceux qui s’y plongent avec la ferveur de la découverte d’un nouveau médium ( James Cameron ou George Lucas qui aiment triturer, modifier les règles, s’investir pour créer une nouvelle grammaire ), ceux qui aiment l’ancien sans refuser le moderne ou quelques irréductibles Gaulois qui résistent encore et toujours à l’envahisseur romain comme Christopher Nolan et son chef-op attitré Wally Pfister, qui n’est pas le moins opiniâtre dans son mépris absolu de la 3D, absent de leur trilogie du Chevalier Noir. Nolan explique d’ailleurs ‘ Je dois constamment me justifier de mon choix de ne tourner que sur pellicule, mais personne n’a à se justifier d’un tournage en numérique ‘.

Il ne sont pas les derniers à tourner avec ce matériau, comme le rappelle une sélection d’extraits de The Tree of Life (2010) de Terrence Malick, Mission : Impossible – Protocole fantôme (2011) de Brad Bird, Cheval de guerre (2011) de Steven Spielberg, le français The Artist (2011) de Michel Hazanavicius et même le blockbuster a priori impersonnel Hunger Games (2011) de Gary Ross. Mais cela semble être une option en voix de disparition, et même Wally Pfister envisage une reconversion obligée vers le numérique, dont il ne conteste d’ailleurs pas la qualité de projection. Car les techniciens et réalisateurs n’hésitent ni à s’opposer ni à adopter des opinions contraires. Lorsque Nolan regrette la disparition annoncée du temps de ‘ repos obligatoire ‘ sur le plateau obtenu grâce aux changements de bobines, ce qui est propice à la réflexion, son propos est complété par la complainte de Keanu Reeves sur cette possibilité de faire une pause, désormais évanouie – à moins d’en faire la demande – et l’on n’est alors pas loin de l’élevage de poulets en batterie.

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Résumé

Présenté au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg en 2012 et lors de la troisième édition du Champs-Elysées Film Festival en 2014, Side by side est un documentaire passionnant sur le cinéma, riche en commentaires pertinents et complexes des plus grands noms du cinéma international. Keanu Reeves se révèle ici comme un passeur éclairé d’un art pour lequel il affiche un attachement fort et réfléchi.

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