Critique : Mother !

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Mother !

États-Unis, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Darren Aronofsky
Scénario : Darren Aronofsky
Acteurs : Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer
Distribution : Paramount Pictures France
Durée : 2h02
Genre : Thriller
Date de sortie : 13 septembre 2017

Note : 3,5/5

Voilà enfin arrivé ce tant attendu retour de Darren Aronofsky aux affaires, trois ans après sa décriée version de Noé . Entre les intégristes criant au scandale devant les libertés prises par le cinéaste et les fans de son cinéma qui craignaient qu’il ait capitulé devant les exigences des studios, pas grand monde n’avait pris la défense de ce film certes un peu limite sur certains aspects, mais qui avait le mérite d’oser de pures visions d’Apocalypse, formellement étourdissantes, ne faisant absolument pas tâche dans sa filmographie si singulière. Quoi qu’il en soit, il était impensable qu’un franc tireur aussi radical que lui puisse se laisser enfermé si facilement dans un cinéma mainstream, et l’on attendait donc avec impatience son retour à un cinéma plus barré, celui qui l’a mis sur le devant de la scène avec des films aussi clivants et extrêmes que Pi ou Requiem for a dream. Ces considérations posées, il faut admettre qu’il n’a pas fait les choses à moitié, et qu’il a mis en œuvre une entreprise de démolition de son cinéma, comme s’il voulait à tout prix montrer ce qu’il avait encore dans le ventre, et que le résultat aura de quoi déconcerter jusqu’à ses fans les plus transis ou ceux d’un cinéma sortant des sentiers battus, plus généralement. Il faut dire que, pour une fois, la promotion avait bien soigneusement évité de dévoiler tout élément pouvant donner un aperçu trop large de ce qu’était le film, et que le spectateur retrouve donc ce plaisir devenu si rare d’entrer dans une salle de cinéma sans savoir à quoi s’attendre, ce qui, dans le cas présent, n’est pas sans installer un climat pour le moins inconfortable. Et c’est un doux euphémisme …

Synopsis : Un couple voit sa relation remise en question par l’arrivée d’invités imprévus, perturbant leur tranquillité.

Un imaginaire sans cesse stimulé

Nous nous garderons donc bien de dévoiler plus en avant au-delà de ce que le studio a bien voulu nous montrer à travers son matériel promotionnel. Un couple installé dans une grande et belle maison voit sa tranquillité troublée par l’arrivée d’un couple particulièrement étrange, interprété par les excellents Ed Harris et Michelle Pfeiffer (assez terrifiante il faut le dire), jetant très rapidement un voile de malaise, surtout sur la jeune femme campée avec classe par la téméraire Jennifer Lawrence. A partir de là, tous les dérapages sont permis, et tout ce que l’on peut dire, c’est que cet aspect de l’intrigue ne prend que une heure de métrage, la seconde heure ayant été totalement occultée par la bande annonce. Et on comprend très rapidement pourquoi en voyant le résultat. Car quel studio normalement constitué peut ouvertement dire aux gens, « vous allez souffrir, soyez prêts » sans craindre un échec au box office ? Evidemment, rien qu’en disant ça, certaines personnes peuvent prendre leurs jambes à leur cou, mais ce serait évidemment bien dommage. Car Aronofsky, en bon petit manipulateur maîtrisant parfaitement ses effets, sait comment perdre le spectateur, en semant des symboles certes pas toujours très finauds, mais ayant le mérite de sans cesse stimuler l’imagination du spectateur, sans cesse en alerte sur la direction que pourrait prendre le récit.

Assumer l’outrance et la grandiloquence

Mais comme on ne peut pas attendre du cinéaste qu’il nous prenne par la main en nous livrant toutes les clés de son intrigue sur un plateau, il faut s’attendre à être dérouté, pour ne pas dire franchement mal à l’aise. Comme depuis toujours dans son cinéma, il se sert de sa mise en scène pour agresser le spectateur à l’aide d’un filmage oppressant, nous mettant dans la peau de son personnage principal, interprété, il faut bien le répéter, par une Jennifer Lawrence totalement hallucinante, habitée au-delà des mots, jusqu’à nous faire nous inquiéter pour sa santé mentale. Car comment sortir intacte d’un rôle à ce point exigeant émotionnellement, nécessitant d’être sans cesse dans un état d’angoisse intense, angoisse finissant par se transmettre de façon épidermique sur le spectateur, qui a l’impression troublante de ressentir une longue crise d’angoisse de deux heures, véritable cauchemar éveillé donnant l’impression de ne jamais arriver à terme. Dit comme ça, on peut comprendre que certains y réfléchissent à deux fois avant de tenter l’expérience, et on ne leur en tiendra bien évidemment pas rigueur, tant celle-ci nécessite un esprit ouvert et blindé, pour supporter l’hystérie collective dans laquelle ne tarder pas à tomber le récit. Comme toujours, donc, il faudra ne pas être sensible à cette agression des sens continue, entre l’ambiance sonore assourdissante, et les comportements extrêmes des personnages, laissant totalement décontenancé, sans jamais que l’on sache à quel point ce que l’on voit est réel. Le metteur en scène épouse totalement le point de vue subjectif de son personnage, et pourtant, il ne faut pas cherche midi à quatorze heures, tous les indices semés tout au long du métrage étant à prendre de façon beaucoup plus littérale que ce que l’on pense de prime abord. Mais je vais m’arrêter ici, sans quoi je risquerais de révéler bien plus qu’il ne faut.

Nous sommes ici dans cette catégorie pas si fréquente de films n’ayant pas peur de l’outrance et de la grandiloquence, au risque de perdre une partie des spectateurs. C’est le risque que prend le cinéaste à vouloir à tout prix faire le contraire de ce que l’on peut attendre de lui, et cela prend des proportions particulièrement extrêmes dans le cas présent. Il est donc difficile, en sortant de la séance, d’émettre un avis constructif et réfléchi sur une œuvre totale, dans ce que le terme a de plus absolu, à savoir le fruit du travail d’un véritable artiste paniqué à l’idée de tomber dans le consensuel, et n’hésitant pas, pour arriver à ses fins, à malmener son public, quitte à déraper par instants dans le sordide le plus total, à travers une scène en particulier, qui fera grincer pas mal de dents,  et devrait au passage faire claquer quelques sièges.

 

Conclusion

On évitera donc, du moins dans l’immédiat, de crier au chef d’œuvre, le film ayant besoin de faire son chemin dans l’esprit du spectateur, avant peut-être, d’en venir à la conclusion qu’il s’agit d’un film majeur. Tout ce que l’on peut affirmer sans avoir peur de se tromper, c’est qu’il y a peu de chances de voir plus fou cette année, voir dans les années qui viennent. Et ça, pour les fans de Darren Aronofsky, c’est déjà en soi une très bonne nouvelle.

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