Critique Express : Banel & Adama

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Banel & Adama 

Sénégal, France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Ramata-Toulaye Sy
Scénario : Ramata-Toulaye Sy
Interprètes : Khady Mane, Mamadou Diallo, Binta Racine Sy
Distribution : Tandem
Durée : 1h27
Genre : Drame
Date de sortie : 30 août 2023

3.5/5

Synopsis : Banel et Adama s’aiment. Ils vivent dans un village éloigné au Nord du Sénégal. Du monde, ils ne connaissent que ça, en dehors, rien n’existe. Mais l’amour absolu qui les unit va se heurter aux conventions de la communauté. Car là où ils vivent, il n’y a pas de place pour les passions, et encore moins pour le chaos.

Seul premier long métrage de la compétition cannoise 2023, Banel & Adama a été réalisé par Ramata-Toulaye Sy, une jeune franco-sénégalaise de 37 ans, diplômée de la FEMIS, section scénarios. C’est donc tout naturellement par l’écriture de scénarios qu’elle a commencé sa carrière cinématographique. Le premier scénario sur lequel elle a collaboré a été Sibel, le très beau film de Guillaume Giovanetti et Çagla Zencirci. Ce n’est sûrement pas un hasard si on retrouve dans Banel & Adama un peu de l’esprit qui avait enchanté les spectateurs dans Sibel : dans Sibel, une jeune fille qui ne rentre pas dans le moule imposé par la communauté du village dans lequel elle habite ; dans Banel & Adama, c’est un jeune couple qui ne rentre pas dans le moule qu’on voudrait leur imposer. Banel et Adama, membres de la communauté peule, vivent dans un petit village du Fouta-Toro, dans le nord du Sénégal. Banel et Adama s’aiment depuis leur plus jeune âge, mais Banel a été l’objet d’un mariage forcé avec un autre homme. A la mort de celui-ci, elle a pu épouser Adama qui est, pour elle, le seul homme différent du village, le seul à vraiment prendre soin de son épouse. On pourrait penser que, dorénavant, tout va bien pour eux. Ce n’est pas le cas ! En effet, leur comportement s’oppose souvent à ce que le village attend d’eux. C’est ainsi que Banel n’accepte pas de faire systématiquement tout ce qu’on attend d’une femme dans la communauté : faire la lessive et aller travailler aux champs avec les autres femmes et, surtout, elle ne souhaite pas devenir mère. C’est ainsi qu’Adama refuse de devenir le chef du village, ce qui était pourtant pour lui une obligation, étant héritier de cette position. En fait, même si Adama doit passer de plus en plus de temps à s’occuper de son troupeau du fait de la sécheresse qui a envahi la région, Banel et Adama refusent de se plier à toutes les contraintes extérieures qui les obligeraient à passer moins de temps ensemble. Pour couronner le tout, Banel et Adama se sont mis en tête d’aller habiter à l’extérieur du village, dans un hameau dont les maisons sont envahies par le sable et ils dépensent beaucoup de temps et d’énergie à désensabler une des maisons afin d’en faire leur habitation. Ce travail qui semble sans fin est particulièrement mal vu par les autres habitants du village qui considèrent que ces maisons sont maléfiques.

Pour le village, les choses sont claires : toutes les calamités qui s’abattent sur le village, la sécheresse, la mort des animaux, puis celle d’habitants du village, sont dues au comportement de Banel et Adama, sont dues à leur amour éperdu. Une situation qui ne va pas contribuer à améliorer l’état psychologique de Banel qu’on sent glisser petit à petit vers une forme de folie, une situation qui va arriver à mettre de gros grains de sable (!) dans un amour qui semblait devoir être éternel.

Aimant beaucoup la peinture, souhaitant obtenir un effet subtil sur l’évolution des couleurs et des lumières, Ramata-Toulaye Sy a exigé et obtenu beaucoup de son Directeur de la photographie, l’expérimenté Amine Berrada, dont on avait déjà énormément apprécié le travail sur Le miracle du saint inconnu. Banel & Adama ne fait appel à aucun comédien professionnel. C’est le choix de l’interprète de Banel qui s’est révélé être le plus difficile. C’est en voyant dans le regard de Khady Mane « un mystère, une petite lueur de folie » que la réalisatrice a su qu’elle avait trouvé son interprète. Ne serait-ce qu’avec ses cheveux courts, Khady Mane donne un côté assez masculin à son personnage alors que Adama, interprété par Mamadou Diallo, détonne par rapport aux autres hommes du village par la tendresse dans son comportement avec Banel. Ramata-Toulaye Sy souhaitait réaliser un film au caractère universel tout en le plaçant résolument dans la région d’origine de ses parents, et souhaitait aussi montrer de façon détournée la catastrophe climatique qui s’abat sur le continent africain. Malgré un fin un peu trop sibylline, le contrat est rempli !

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