Gran Turismo
États-Unis, Japon, 2023
Titre original : Gran Turismo
Réalisateur : Neill Blomkamp
Scénario : Jason Hall et Jack Baylin, d’après une histoire de Jason Hall et Alex Tse
Acteurs : David Harbour, Orlando Bloom, Archie Madekwe et Djimon Hounsou
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Genre : Drame sportif
Durée : 2h14
Date de sortie : 9 août 2023
3/5
Autrefois surveillée de près par les gardiens des normes et des valeurs culturelles, la distinction entre cinéma et jeux vidéo n’existe quasiment plus aujourd’hui. En termes financiers, les budgets investis dans la production de mondes virtuels et les recettes récoltées par eux ont depuis longtemps dépassé ceux du Septième art. D’un point de vue esthétique, la plupart des blockbusters hollywoodiens ressemblent désormais à des jeux devenus réalité filmique. Et encore récemment, un cinéaste aussi reconnu que l’Américain Harmony Korine a chanté les louanges de ce nouveau monde médiatique.
Bref, si l’on veut être de nos jours à l’avant-garde des goûts et des évolutions technologiques, peut-être vaut-il mieux être accro à sa console de jeu qu’à sa salle de cinéma la plus proche. Néanmoins, la symbiose directe entre ces deux mondes, c’est-à-dire l’adaptation pure et simple des jeux au cinéma, demeure une entreprise mercantile passablement hasardeuse et en fin de compte anecdotique.
Ainsi, le réalisateur sud-africain Neill Blomkamp prend grand soin dans Gran Turismo de garder les références au célèbre jeu de simulation de course automobile du même nom à un strict minimum. Nul besoin donc d’en être familier pour comprendre et apprécier son film pour ce qu’il est au fond : une énième variation sur le thème du jeune homme enthousiaste et doué, qui finira par remporter la victoire, malgré les innombrables obstacles se dressant sur son chemin. Dans ce cadre-là, cette épopée héroïque fait preuve d’une efficacité indéniable, en dépit de la progression hautement prévisible de son intrigue. Il appartient dès lors aux comédiens de remplir cette coquille édifiante avec un semblant de vie.
Archie Madekwe en jeune adulte passionné et de plus en plus sûr de lui-même, Orlando Bloom en promoteur pas entièrement dépourvu de scrupules et Djimon Hounsou en figure paternelle extrêmement noble y parviennent sans peine. Quant à David Harbour, son rôle de l’entraîneur réticent à croire en le potentiel de son poulain est malheureusement le maillon faible de cette course contre la montre sinon rondement menée.
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Synopsis : Le jeune Jann Mardenborough se sent bien seul à rêver d’une carrière de pilote de Formule 1. Un champion incontestable du jeu de simulation Gran Turismo, il peine à convaincre son père, ancien footballeur professionnel, de la viabilité de ses ambitions. Jusqu’au jour où il est convié à la Gran Turismo Academy, un centre d’entraînement duquel éclora le pilote que Nissan sponsorisera pour participer à une saison de Grands Prix. C’est l’idée du responsable de marketing Danny Moore, qui peine pourtant à recruter un directeur sportif pour ce projet insensé. Finalement, l’ancien pilote professionnel Jack Salter, dégradé au rang de mécanicien dans une écurie concurrente, devra faire l’affaire.
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Quelqu’un pas comme les autres
On en a déjà vu des dizaines, voire des centaines : ces hymnes cinématographiques à la suprématie de la volonté pour parvenir à ses fins héroïques. Le genre tout entier du drame sportif est construit d’une manière ou d’une autre autour de cette idée fixe, qui consiste à célébrer l’esprit d’abnégation et de détermination menant sans trop de détours à la victoire. Gran Turismo reste amplement fidèle à cette recette éprouvée, la particularité de la nature sédentaire du jeu vidéo n’y prenant finalement qu’une place secondaire. Tout ce qui y compte, c’est de passer du statut d’exclu ridicule à celui de valeur sûre, acclamée par ses opposants les plus féroces. Une illustration de l’esprit sportif et compétitif sous son angle le plus naïf, sponsorisé au demeurant à coups de millions par toutes sortes de grandes marques !
Au cœur de cette agitation autour de l’effort maintes fois renouvelé, Jann Mardenborough personnifie en quelque sorte l’idéal d’un jeune de son temps, attaché en parallèle aux valeurs ancestrales. En somme, il s’agit d’un bon gars, sans reproche, ni défauts, qui part de son foyer vaguement modeste pour conquérir le monde et prouver que, oui, même les férus de jeux vidéo peuvent triompher dans le monde réel. Or, à cet exploit planétaire se mêle une mise à l’épreuve sensiblement plus intimiste, puisque le jeune prodige entame avant tout ce parcours vertigineux pour rendre fier son père. Remporter la course finale et se réconcilier avec ses parents, quelle plus belle conclusion y a-t-il à imaginer pour un drame orchestré sur le ton du consensus ?
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Kenny G et la Marseillaise
Si le film de Neill Blomkamp ne cherche nullement à faire des vagues – à s’interroger sur le bien-fondé écologique de quelques déplacements en jet privé ou d’un aller-retour rapide à l’autre bout du monde, par exemple –, il sait s’affirmer avec conviction sur le terrain de l’efficacité narrative. A l’image des bolides à la puissance redoutable que Jann apprenti assemble sur la console de sa chambre, le récit progresse avec une vigueur des plus appréciables. Les courses s’enchaînent dès lors à un rythme soutenu, chacune affirmant la vocation du jeune héros à pouvoir jouer tôt ou tard dans la cour des grands. Aucune malice n’y est à l’œuvre, ni de manichéisme outrancier, juste l’éternelle rengaine de la passion dévorante qui finira par porter ses fruits.
Aussi réservée notre critique peut-elle sonner, nous avons tout de même passé un bon moment en regardant Gran Turismo. Parce qu’il s’inscrit directement dans la lignée des contes sur des héros improbables, le cinquième long-métrage de Neill Blomkamp remplit parfaitement son contrat du divertissement édifiant. A la limite, ce serait même son volet humain qui serait plus réussi, à travers la relation conflictuelle avec le père et des traumatismes de course à vaincre avant de pouvoir remonter derrière le volant, que la compétition en elle-même, filmée d’une façon raisonnablement spectaculaire. Trouver le bon équilibre entre ces deux impératifs dramatiques relève dès lors de l’aspect le plus satisfaisant du travail tout à fait respectable du réalisateur.
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Conclusion
Inutile d’être fan de jeux vidéo pour apprécier Gran Turismo ! Peu importe le contexte, le film de Neill Blomkamp célèbre en effet l’histoire vieille comme le monde du poisson hors de l’eau, qui devra faire ses preuves avant de pouvoir goûter à la victoire et par conséquent à l’inclusion. Le tout saupoudré de l’enthousiasme et de la ténacité de la part du jeune Archie Madekwe, particulièrement désarmants. Les prestations plus qu’honorables de Orlando Bloom en homme d’affaires roublard quoique toujours un peu idéaliste et de Djimon Hounsou dans l’emploi qu’il connaît si bien de la noblesse incarnée font le reste pour parfaire ce spectacle très solide.
