Critique Express : Adieu Paris

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Adieu Paris

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Edouard Baer
Scénario : Edouard Baer, Marcia Romano
Interprètes : Pierre Arditi, Jackie Berroyer, François Damiens, etc.
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h36
Genre : Comédie
Date de sortie : 26 janvier 2022

3.5/5

Synopsis : Un vieux bistro parisien au charme éternel. Huit messieurs à table, huit grandes figures. Ils étaient les « rois de Paris »… Des trésors nationaux, des chefs-d’œuvre en péril. Un rituel bien rodé… Un sens de l’humour et de l’autodérision intacts. De la tendresse et de la cruauté. Huit vieux amis qui se détestent et qui s’aiment. Et soudain un intrus… ?

Les affres du vieillissement

Pensez vous qu’il soit possible de réaliser un film qui peut donner l’impression sur le moment d’être totalement vain tout en réjouissant l’esprit par son ironie et sa tendresse et qui, après réflexion, apparait comme étant beaucoup plus profond que ce que laissait penser la première impression ? La réponse est donnée par Edouard Baer dans Adieu Paris, son 4ème long métrage en tant que réalisateur. Alors que Ouvert la nuit, son film précédent, s’était avéré particulièrement décevant, on retrouve dans Adieu Paris ce mélange de loufoquerie et de mélancolie allant parfois jusqu’à la noirceur qu’on aime tant chez ce touche-à-tout très parisien mais dont l’humour et le sens de l’autodérision le rapprochent de l’Angleterre. Partant de l’envie de réaliser un semi-documentaire sur des gens qu’il admire, Edouard Baer a bifurqué vers une fiction mettant en scène des figures du théâtre et du cinéma de la génération qui l’a précédé et deux comédiens belges de sa génération.

Le prétexte ? Un repas partagé à la Closerie des Lilas qui, depuis maintenant bien longtemps, réunit chaque année une bande d’amis ou supposés tel, des personnalités du monde artistique considérés comme étant des « rois de la vie nocturne de Paris ». Il y a là Louki, un sculpteur (François Damien), Jacques, un écrivain (Pierre Arditi), Alain, un philosophe (Jackie Berroyer), Enzo, un directeur de théâtre (Bernard Murat), Pierre-Henry, un chanteur qui n’a connu qu’un seul grand succès (Bernard Le Coq) et Bertrand, l’électron libre (Daniel Prévost). Il devrait y avoir Michael (Gérard Depardieu) mais il n’a pas voulu venir trop tôt et, après, c’était trop tard. Et puis il y a Benoit, un acteur de comédie (Benoit Poelvoorde) à qui Louki a eu le malheur de donner la date et l’adresse de cette réunion/repas et qui cherche vainement à s’incruster alors que, d’après Jacques, il avait été décidé l’année d’avant de ne plus accepter sa présence. Pour quel motif ? On ne le saura jamais ! C’est comme cela, c’est tout. Tout ce petit monde est accueilli dans le restaurant par son patron, Jeff (Jean-François Stévenin, dans un de ses derniers rôles). 

Toute la soirée, ce sera à qui sera le plus vachard, à qui se montrera le plus aigri, la « victoire » revenant haut la main à Jacques, un être odieux, râleur, intolérant et particulièrement près de ses sous. Un rôle en or pour Pierre Arditi ! Le fric est d’ailleurs un élément important du film et, en même temps, il en est quasiment absent : ces personnages presque tous septuagénaires sont manifestement friqués, il est manifeste qu’ils pensent sans arrêt à leur compte en banque mais c’est un domaine qu’ils se refusent d’aborder entre eux. Sauf quand arrive le moment clé de la soirée, celui où ils accueillent un vieux japonais, le moment où ils « jugent » cet homme : s’il s’avère qu’il n’a rien produit durant l’année, rien, aucune chanson, aucune sculpture, aucun livre, aucun tableau, aucun film, le groupe d’ « amis » le récompensera en lui donnant une somme d’argent lui permettant de passer l’année à venir. A côté de tous ces hommes, peu de femmes : Isabelle Nanty, Isabelle, en consolatrice de Benoit (Poelvoorde), Ludivine Sagnier qui cherche en vain à faire « décoller » Michael , son père, (Depardieu), Léa Drucker, l’auxiliaire de vie d’Alain (Berroyer) et Sigrid Bouaziz, la serveuse du restaurant, que Pierre-Henry(Le Coq), toujours persuadé qu’il est irrésistible alors qu’il n’est que pathétique, tente de draguer à tout prix. Des femmes qui se comportent en véritables adultes face aux sales gosses que sont ces hommes vieillissants.

Adieu Paris est un film sur la fin d’une époque, celle de la vie nocturne dans certains cafés parisiens, la « jeune génération » étant plus intéressée par les rapports via les réseaux sociaux et par les amitiés numériques. Il n’est pas interdit de penser que, pour cette bande d’ « amis », le repas auquel on assiste est certainement le dernier qu’ils organiseront. Certains l’ont déjà compris, Michael (Depardieu) en particulier. On peut penser que celui qui tient le plus à ce rituel annuel, c’est Jacques (Arditi) qui peut ainsi lâcher publiquement toute son acrimonie. Proche parfois de certains films de la grande époque de la « comédie italienne », proche aussi de ce qu’a pu réaliser le couple Jaoui/Bacri, Adieu Paris arrive à faire rire en montrant le pathétisme que représentent les affres du vieillissement chez des septuagénaires qui n’arrivent pas à assumer leur âge.

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