Critique : The Birth of a Nation

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The Birth of a Nation

Etats-Unis, 2016
Titre original : The Birth of a Nation
Réalisateur : Nate Parker
Scénario : Nate Parker, d’après une histoire de Nate Parker et Jean McGianni Celestin
Acteurs : Nate Parker, Armie Hammer, Penelope Ann Miller, Colman Domingo
Distribution : 20th Century Fox France
Durée : 2h00
Genre : Drame historique
Date de sortie : 11 janvier 2017

Note : 2,5/5

Les meilleures intentions donnent rarement de bons films. Ce projet sur l’un des chapitres les plus sombres de l’Histoire américaine tenait visiblement à cœur Nate Parker, qui y cumule les casquettes d’acteur, de réalisateur, de scénariste et de producteur. Ce n’est pas pour autant que The Birth of a Nation se montre à la hauteur du sujet épineux qu’il traite frontalement. Le pathos y abonde, certes, et l’on peut trouver un certain mérite à quelques aspects visuels du film. Mais dans l’ensemble, il s’agit d’un enchaînement peu fin de séquences tendancieuses, conçues chacune pour souligner soit la bonté du héros, soit la méchanceté viscérale du système contre lequel il met longtemps à s’insurger. Son échec commercial aux Etats-Unis, en dépit d’une première réaction dithyrambique en festival, peut ainsi s’expliquer au moins autant par sa facture trop pompeuse, que par le scandale annexe autour de l’accusation pour viol de Parker datant de l’époque de ses années de fac, qui avait refait surface au moment inopportun. En France, nous ne sommes pas non plus sûrs que pareille histoire, en fin de compte très superficielle, puisse rencontrer un public nombreux.

Synopsis : En 1809, dans l’Etat de Virginie, le jeune Nat Turner vit avec sa famille en tant qu’esclaves sur la plantation de coton de la famille Turner. Il y joue avec Samuel, le fils des propriétaires, et est même soutenu par Elizabeth, la mère de celui-ci, pour apprendre à lire. Une fois devenu adulte, Nat jouit d’une réputation grandissante en tant que pasteur, ce que Samuel ne manque pas d’exploiter pour pallier les problèmes financiers grandissants de sa propriété. Il fait ainsi avec son esclave lettré le tour des bourgs voisins et le laisse parler des bienfaits de la soumission aux autres esclaves, en échange d’une somme d’argent sans cesse en augmentation. Le fait de devenir le témoin involontaire du sort inhumain de ses prochains, traités beaucoup plus durement que chez les Turner, sème cependant chez Nat le doute sur un système qu’il soutient tacitement. Il finit par se rebeller contre ses oppresseurs et par mener l’une des premières révoltes d’esclaves d’envergure sur le sol américain.

12 hours Django

Même plus d’un siècle et demi après les faits, la société américaine peine toujours à faire la paix avec son passé de nation bâtie sur la chair humaine, sous forme de millions d’esclaves traités de façon abjecte. Tandis que les plaies actuelles du racisme ambiant ne sont pas prêtes à se refermer avec l’accession très prochaine au pouvoir d’un président au discours polarisant comme Donald Trump, le devoir d’opposition du cinéma en la matière a au moins le mérite d’exister, quitte à se positionner dans un décalage tant soit peu rassurant par rapport à la tragédie collective d’antan. Dernièrement, ce sont surtout deux films qui ont officié, chacun à sa façon, en tant que piqûres de rappel salutaires : Django unchained de Quentin Tarantino il y a quatre ans et 12 Years a slave de Steve McQueen l’année suivante. Le premier long-métrage de Nate Parker se situe avec moult maladresses au carrefour entre ces deux approches sensiblement différentes. Du conte de vengeance avec Jamie Foxx, il hérite le déséquilibre narratif, au détail près que la croisade sanglante ne prend ici que les dernières dix, quinze minutes du film, à la suite d’une histoire à l’eau de rose et à l’indignation muselée assez prévisible. Et de l’Oscar du Meilleur Film 2014, il s’inspire pour une représentation plutôt crue des conditions de vie déplorables des esclaves aux Etats-Unis au XIXème siècle.

La colère de Dieu

Le problème, c’est que le vocabulaire filmique de Nate Parker est incomparablement moins sophistiqué que celui de son confrère anglais. Cela se voit encore peu lors de quelques plans somptueux, à mettre sans doute sur le compte d’un chef opérateur aussi chevronné qu’Elliot Davis. Mais la banalité du propos finit rapidement par plomber le récit au niveau d’un pamphlet sans profondeur. En dehors d’un manichéisme involontairement caricatural, jamais plus péniblement condensé que dans le méchant de service, interprété par Jackie Earle Haley, la narration s’emploie sans répit à dresser des extrêmes l’un contre l’autre. Il en résulte un schéma de lecture ennuyeusement plat et manipulateur, où chaque personnage répond essentiellement à un trait de caractère unique : la lâcheté cachée sous l’alcoolisme pour le personnage de Armie Hammer, l’altruisme qui n’a pas voix au chapitre pour celui de Penelope Ann Miller, l’idéal romantique pour celui de Aja Naomi King, et ainsi de suite. Ce regard excessivement partisan et guère nuancé sur les événements ne constitue pourtant pas l’aspect le plus préjudiciable du film, que l’on atteint avec les échappées oniriques, heureusement rares, censées conférer un étrange cachet divin à la mission après tout aveuglement violente de Nat Turner.

Conclusion

Il n’y aura jamais trop de films qui mettent le doigt là où ça fait mal, dans les mythes mensongers et à peine cicatrisés de nos civilisations occidentales, dont bon nombre attendent encore une mise au point sous forme de catharsis cinématographique. The Birth of a Nation serait presque un exemple à ne pas suivre, si ce n’était pour l’engagement sans retenue de Nate Parker. Malgré de multiples incongruités dans la forme et dans le fond, on ressent néanmoins que la volonté principale du réalisateur était de tirer de l’oubli le sort de ce héros méconnu de l’insurrection contre une injustice criante. Hélas, cette ferveur a eu raison de toute tentative de réflexion, nous laissant avec un film débordant d’une emphase bêtement sommaire.

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