Livre : Esthétique du film (Aumont / Bergala / Marie / Vernet)

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Esthétique du film

France, 2016
Titre original : –
Auteurs : Jacques Aumont, Alain Bergala, Michel Marie, Marc Vernet
Editeur : Armand Colin
305 pages
Genre : Théorie du cinéma
Date de parution : août 2016 (4ème édition revue et augmentée)
Format : 150 X 210 mm
Prix : 27,90 €

Note : 3/5

Retour sur les bancs de la fac avec ce petit pavé théorique, rédigé par d’éminents professeurs de l’enseignement supérieur dont nous avons eu l’occasion de croiser certains lors de nos études à Paris III dans les années 1990 ! Alors que sa première version remonte déjà à près de 35 ans, 1983 pour être précis, « Esthétique du cinéma » a été entièrement revu et augmenté pour sa désormais quatrième édition. Alors que nous ne doutons pas qu’il fera le bonheur des lecteurs férus de textes théoriques exigeants, notre lecture personnelle a pour le moins été plutôt laborieuse, à la fois à cause des styles variés des quatre auteurs et de l’objectif ambitieux de l’ouvrage, hélas rarement atteint, de fournir un tour d’horizon exhaustif de la théorie du cinéma en à peine trois-cents pages. Pour condenser de la sorte plus d’un siècle de cinéma, avec ses innombrables écoles philosophiques et esthétiques en France et à l’étranger, il faut en effet opérer un choix qui sera forcément partial. Dans le cas présent, cela se traduit par un survol souvent trop succinct sur bon nombre de champs théoriques du cinéma tout de même passionnants. Ceux-ci auraient mérité une approche plus approfondie, quitte à rendre le contenu du livre encore plus touffu ou bien à en extraire quelques chapitres pour en faire par exemple un panorama réellement incontournable de la question en deux, voire trois tomes.

Synopsis : Autour de cinq questions fondamentales de l’esthétique du film – la perception et la forme, le récit, la signification, le dispositif et le spectateur, l’art –, ce livre développe en détail l’essentiel des aspects théoriques et esthétiques du cinéma. Grâce à sa mise à jour intégrale, accompagnée d’un nouveau volet sur la révolution numérique qui caractérise notre ère hautement évolutive, cet ouvrage moderne sera aussi indispensable aux étudiants d’aujourd’hui qu’il l’a été aux générations de chercheurs cinéphiles passés avant eux.

Manuel d’introduction à la réflexion théorique et critique sur le cinéma

On ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenu. Rien que les noms qui trônent sur la couverture du livre, au-dessus d’une image des Innocents de Bernardo Bertolucci, qui jouera par ailleurs un rôle au mieux très anecdotique dans le raisonnement développé dedans, nous renvoient à une forme de concevoir le cinéma, qui nous avait à la longue paru trop académique. Jacques Aumont, Alain Bergala et Michel Marie, c’est un peu la sainte trinité de l’université de la Sorbonne Nouvelle, où l’enseignement de la théorie du cinéma prime presque sur toutes les autres approches imaginables du Septième art. Le quatrième de la bande, Marc Vernet, a beau s’être exilé dans le sud de la France, à l’université Paul Valéry de Montpellier où il enseigne depuis la rentrée 2013, son parcours plus qu’honorable et son âge le placent à pied d’égalité avec ses coauteurs. Le cachet indéniable que ces monstres sacrés de la théorie confèrent au livre laisse supposer à la fois un niveau d’écriture élevé, nourri de décennies d’activité intellectuelle au plus haut niveau, et justement, basé sur cette même expérience qui remonte à une ère de la production et de la réception du cinéma inéluctablement différente de la nôtre, un regard quelque peu désuet sur un champ thématique qui change aussi vite que les films à la mode. Si le style de « Esthétique du film » fait effectivement honneur à l’écriture pratiquée à l’université – avec tout de même en guise d’exception salutaire le talent dont dispose Jacques Aumont pour expliquer des cheminements compliqués avec des mots simples, plus efficace dans le premier chapitre où tout reste à faire que dans le cinquième sur le rapport à l’art, assez alambiqué –, ce n’est pas du tout un livre écrit par des vieillards, qui auraient besoin de démontrer qu’ils n’ont pas encore perdu leur verve pour garder intactes les hautes sphères de la théorie du cinéma au XXIème siècle.

La preuve par l’image

Car même si la quarantaine de planches de photos, qui ponctuent le livre de façon irrégulière, peinent sérieusement à illustrer d’une manière appropriée les propos des auteurs, soit parce qu’elles sont incluses à quelques pages du passage concerné, soit à cause d’une qualité insuffisante et peu parlante pour reproduire le défilement de l’image de cinéma, le fond ne pâtit guère de cette mise en images presque superflue et en tout cas maladroite. A condition de vous prêter à l’exercice jamais facile de suivre Aumont, Bergala et les autres dans leurs démonstrations, vous aurez en effet l’occasion d’obtenir de leur part un nombre de pistes de réflexion plutôt impressionnant sur tous les aspects du cinéma. Sauf que l’inconvénient indiscutable de ce penchant presque pathologique d’inclure tous les théoriciens de renom, y compris des philosophes qui n’ont que ponctuellement goûté au cinéma, reste tout de même l’impossibilité flagrante d’approfondir quelque idée passionnante que ce soit. Ce constat devient particulièrement éprouvant lors du chapitre le plus ouvert vers l’avenir sur lequel se clôt le livre et qui fait passer en revue, par le biais de la plume finalement aussi accessible de Alain Bergala, les grands chamboulements vécus par le cinéma depuis l’avènement de la révolution numérique. Aucun détail n’y manque, certes, mais en même temps, les incitations d’élargir le spectre de notre curiosité envers une thématique à première vue très technique, afin de mieux assouvir une soif de savoir insatiable, y sont réduites au strict minimum. Ce qui vaut toujours mieux que le ventre mou du livre au chapitre trois, à mettre sur le compte de Michel Marie, sa manie de mettre en gras au moins un mot par paragraphe et sa sélection en apparence interminable de théoriciens, qui pensaient avoir leur mot à dire sur les capacités de langage du cinéma depuis ses premiers balbutiements.

Conclusion

Nous nous sentons confrontés à un dilemme quasiment insurmontable avec ce livre, qui ne renonce jamais à ses exigences d’écriture pratiquée en milieu universitaire, tout en transmettant un nombre conséquent de mises en perspective précieuses. Et pourtant, la question reste ouverte sur le type de lecteur auquel un manuel comme « Esthétique du film » s’adresse. Les étudiants débutants devraient sans doute le lire pour au moins avoir un aperçu de l’étendue incroyable des prophètes de la théorie du cinéma depuis plus d’un siècle. Mais au delà de ce potentiel de diffusion confidentielle, il nous paraît peu probable qu’il puisse réellement accrocher et encore moins passionner les cinéphiles ordinaires.

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