Critique : It Follows

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it follows afficheIt Follows

Etats-Unis, 2014
Titre original : –
Réalisateur : David Robert Mitchell
Scénario : David Robert Mitchell
Acteurs : Maika Monroe, Keir Gilchrist, Daniel Zovatto
Distribution : Metropolitan
Durée : 1h40
Genre : Epouvante-Horreur
Date de sortie : 4 février 2015

Note : 4,5/5

LE film d’épouvante à ne pas manquer cette année… cette décennie ? Flippant, angoissant, brillant, It follows de l’Américain David Robert Mitchell fut le premier enthousiasme viscéral du festival de Cannes 2014 dans le cadre de la Semaine de la Critique qui avait déjà présenté le premier long-métrage de cet auteur, The Myth Of American Sleepover, autre beau regard sur l’adolescence américaine mais transposé ici dans le cinéma d’horreur. Il devrait réussir à saisir avec la même intensité les amateurs de fantastique du Festival de Gérardmer, et s’imposer comme le film de cette sélection 2015 que l’on espère voir primé par le jury officiel, le public et la critique. Pour arriver devant ce monument de peur, il est conseillé de stopper net la lecture de cette critique qui révèle peu de choses, mais trop néanmoins pour arriver suffisamment vierge avant de voir de ses propres yeux cet événement qui se rapproche le plus possible du qualitatif de chef d’oeuvre.

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Synopsis : Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d’étranges visions et l’inextricable impression que quelqu’un, ou quelque chose, la suit. Abasourdis, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper…

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Une ouverture qui donne le ton

L’ouverture déjà nous saisit et cette première scène donne le ton du niveau d’épouvante à attendre, embarquant le spectateur pour ne plus le lâcher avec un art consommé du suspense, de la fascination et de la caractérisation de ses protagonistes. L’écriture est d’une grande finesse, dans les caractérisations des personnages et la maîtrise évidente de son concept. Si tout n’est pas explicité, il n’y a pas de confusion dans les intentions. La mise en scène est elle aussi inspirée, avec un sens du cadre et du raccord et un exemple de direction d’acteurs magistrale, dans l’interprétation et dans leurs mouvements devant la caméra. La menace vient parfois de loin dans le champ, peut surgir de la droite ou de la gauche, se rapproche lentement, et l’on se prend à vouloir hurler, tel à un spectacle de guignol, ‘attention, derrière toi’ ! Riche en surprises, jamais prévisible, It follows prend aux tripes, semble se détendre, nous laisse nous reposer avant de reprendre sa marche ininterrompue, comme sa créature polymorphe qui avance lentement mais sûrement. La bande-son est elle aussi centrale dans le climat de terreur avec des surgissements inquiétants de la musique, qui illustre la peur de la victime, lors de scènes clés qui impliquent le spectateur parmi ce groupe luttant ensemble, unis comme une évidence, contre cette présence fantôme, contre ce mal déterminé. Ces zombies lents comme chez Tourneur (I walked with a zombieVaudou en VF) ou Romero (La Nuit des Morts-vivants) ne sont vus que de la victime poursuivie et du spectateur, renforçant cette impression de rentrer dans l’écran, ce qui participe de l’atmosphère saisissante d’épouvante. La limpidité de l’idée fantastique au cœur du récit, ce concept réfléchi et évident enrichit cette terreur sourde. L’entité est intelligente mais possède des faiblesses qui permettent de laisser place à l’attente et au suspense. Sa lenteur est à l’opposé de sa détermination : jamais la proie n’est abandonnée, et lorsque la confrontation a finalement lieu, elle est d’une force impressionnante. David Robert Mitchell a inventé quelque chose, ce qui est devenu très rare dans cette branche du septième art qu’est le fantastique et surtout l’horreur.

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Breakfast Club de l’horreur

L’épouvante n’exclut pas l’humour, qui vient des personnages, ce groupe d’amis auxquels on s’attache aisément et rapidement, uni comme celui du Breakfast Club sans être réduit à leurs apparences et sans surcharger leur psychologie ni superficielle ni exagérément creusée. C’est aussi de cet attachement que naît en grande partie le suspense : on a peur pour eux, et avec eux. Ils sont dépeints avec intelligence, avec les angoisses de leur âge. La captation de l’adolescence et de ses incertitudes, la fin de l’enfance, la mélancolie et l’ennui qui l’accompagnent dans le cadre d’un film de genre fonctionne à merveille. On croit à la peur de Jay, grâce à la première séquence puis à la ‘formation accélérée’ pour sa survie que lui offre son (ex) petit ami. Un personnage assez passionnant, surtout lorsqu’on le revoit, la peur des parents n’étant pas moins grande que celle de la mort comme le confirmeront certaines scènes mortelles dont on ne gâchera pas le pourquoi de la surprise. La thématique est osée et pourrait être moraliste, mais si coucher est une malédiction, coucher à nouveau devient une libération, ne serait-ce que provisoire. Pas de morale puritaine mais un drame intime qui glisse vers l’étrange et le surnaturel. David Robert Mitchell ne s’appesantit pas sur la dimension sexuelle de l’affaire, mais s’en sert comme un facteur aggravant de peur et d’empathie. Leur relative indolence, comme on pourrait le résumer avec mépris de la distance des générations, ne les empêche pas de réagir lorsque l’une des leurs est en danger. L’union fait la force, et ce n’est que lorsqu’ils sont séparés qu’ils sont en danger.

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Des influences en pointillé

Le cinéaste reconnaît ses influences et s’inscrit dans la continuité esthétique de ses maîtres, ceux des années 80 mais pas seulement. John Carpenter pour son croquemitaine et son art du détournement de la représentation faussement tranquille de la banlieue US et de ses adolescents, Jacques Tourneur (La Féline) pour la scène de la piscine (certains pourront penser à The Faculty, présenté ici à Gérardmer dans le cadre de l’hommage à Robert Rodriguez), Ring et sa malédiction fascinante, Stanley Kubrick et Shining pour l’emploi de beaux panoramiques et travellings voire un détournement original du rape and revenge movie. Il s’écarte de ces hommages plus ou moins directs pour trouver sa propre voie et créer sa propre mythologie, inédite, ce qui n’est pas sans ironie pour le réalisateur du mythe des soirées pyjamas (traduction littérale de son précédent long). L’un des éléments qui rend le film si inquiétant est son absence de cynisme ou de relecture par un fan de genre qui aurait trop puisé dans les œuvres de ses prédécesseurs. It follows est l’oeuvre d’un auteur, pas d’un copycat aguerri. Pardon, It follows est le premier chef d’oeuvre d’un auteur après un galop d’essai qui nous avait déjà séduit, The Myth of American Sleepover, porté par la performance de Claire Soma que l’on est touché de revoir, même trop brièvement (elle est dans une voiture avec le voisin lors d’une scène de fuite du groupe de héros).

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Conclusion

Avec ce grand moment de cinéma qui s’imposera comme un sommet d’effroi des années 2000, David Robert Mitchell signe un classique instantané, un fleuron du genre, un sommet de l’épouvante à voir, revoir et revoir encore, dans un mouvement aussi perpétuel que celui de sa créature venue de nos pires terreurs, à la marche lente mais inexorable, aussi inexorable que nos fins annoncées. Lugubre, mais mis en scène avec la légèreté de l’adolescence dont Mitchell se souvient manifestement encore avec nostalgie et générosité.

1 COMMENTAIRE

  1. IT FOLLOWS est un bon film, mais la longue scène dans la piscine municipale fait qu’il reste un bon et non très bon film. Moi, il me fait penser à Halloween de Carpenter … Il serait bien en effet que le Jury de Gérardmer lui donne au moins un Prix …

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