Test Blu-ray : Illusions perdues

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Illusions perdues

France, Belgique : 2021
Titre original : –
Réalisation : Xavier Giannoli
Scénario : Jacques Fieschi, Xavier Giannoli, Yves Stavrides
Acteurs : Benjamin Voisin, Cécile De France, Vincent Lacoste
Éditeur : Gaumont
Durée : 2h31
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 20 octobre 2021
Date de sortie DVD/BR : 30 mars 2022

Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle. Il a de grandes espérances et veut se forger un destin. Il quitte l’imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice. Bientôt livré à lui-même dans la ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit et des faux-semblants. Une comédie humaine où tout s’achète et se vend, la littérature comme la presse, la politique comme les sentiments, les réputations comme les âmes. Il va aimer, il va souffrir, et survivre à ses illusions…

Le film

[3/5]

« Il y a de quoi être admiratif face à la verve indéniable avec laquelle Xavier Giannoli prescrit une cure de jouvence à Illusions Perdues, cette histoire d’ambitions mondaines amèrement déçues, sans jamais en trahir l’esprit iconoclaste. La glace tendue à présent au monde des médias y reflète les mêmes dérives de corruption et de vanité sur le même ton cinglant qu’il y a deux siècles. Rien ne semble avoir changé dans cette France, plus que jamais attachée aux ragots et au maintien des conventions sociales. Et les rêves des jeunes générations, faits de reconnaissance, voire de célébrité, ont beau passer de nos jours par les réseaux sociaux, ils se distinguent toujours par une méchanceté vieille comme l’humanité.

(…) On se plaint encore et toujours de la déchéance des mœurs et du bon goût dans notre pays et dans le monde. Or, cette nostalgie mal placée a tendance à nous faire oublier que, de tous temps, les hommes ont préféré le divertissement à l’éducation, les polémiques stériles diffusées à longueur de journée sur CNews à la recherche de thématiques hors des sentiers battus sur Arte. L’art à l’état pur n’a jamais fait vivre qui que ce soit. Et même les artistes les plus reconnus ont été rattrapés tôt ou tard par les affaires et les grosses sommes d’argent investis dans leurs œuvres. (D’accord, pour certains peintres mondialement connus, cette reconnaissance est arrivée un peu trop tard pour qu’ils puissent en bénéficier directement.) Passer à la postérité, peut-être, ou bien s’enrichir tant qu’on est à la mode ? Bon nombre d’auteurs et même de cinéastes ont dû se poser cette question cruciale à un moment donné dans leur carrière.

Dans Illusions perdues, richesse du contexte balzacien oblige, elle s’articule à travers une plongée vertigineuse dans le microcosme des riches et de ceux qui souhaiteraient tant le devenir. Le talent seul n’y suffit pas pour décrocher le jackpot du standing social, encore faut-il connaître intimement les rouages d’une mécanique des classes héritée de l’ancien empire. Les petits parvenus n’y sont guère les bienvenus. Ils servent par contre à alimenter la machine à scandales, d’autant plus féroce que les personnes impliquées risquent définitivement leur réputation à chaque nouveau faux pas. Dans ce jeu perfide d’influence vendue au plus offrant – dont le regretté Jean-François Stévenin dans le rôle du faiseur de plébiscite théâtral est sans doute l’incarnation la plus pittoresque –, l’idéalisme, la beauté et l’honnêteté n’ont point droit de cité.

Dans la grande tradition des récits d’apprentissage, parmi lesquels on ne citera que Barry Lyndon de Stanley Kubrick, le huitième long-métrage de Xavier Giannoli suit les errements d’un jeune homme parti conquérir le monde, avant de finir la risée de tout le monde. Ce personnage aux pieds d’argile, à la fois naïf et fanfaron, Benjamin Voisin l’incarne avec juste ce qu’il faut d’immaturité effrontée. Des traits de caractère qui ne nous rendent pas l’identification avec lui plus aisée, d’autant moins que son entourage déborde de personnages sensiblement plus hauts en couleur que lui. A commencer par deux tireurs de ficelle diaboliquement mal intentionnés : Vincent Lacoste en journaliste corrompu jusqu’à la moelle et Jeanne Balibar en grande prêtresse de la haute société parisienne.

(…) Qu’est-ce que l’ascension et la chute du jeune Lucien deviendraient-elles en fait, si l’on enlevait du vocabulaire filmique de Xavier Giannoli la béquille un peu trop confortable de la voix off omniprésente ? Expliquées à outrance, les motivations mal intentionnées de la plupart des personnages paraissent limpides. Toutefois, cette prépondérance de l’explication sonore court sérieusement le risque d’atténuer l’impact de l’image, souvent agréable à regarder et rarement plus déconcertante. Comme lors du plan de flottement en état d’ivresse de Lucien, directement inspiré du cinéma hollywoodien, ou de ce sexe masculin venu de nulle part et donc superflu pour souligner le lien étroit entre l’argent et l’érotisme.

On n’ira pas jusqu’aux louanges dithyrambiques de notre confrère ayant présenté la séance de rattrapage de Illusions perdues à une salle comble de spectateurs albigeois. Il s’agit certes d’un film qui baigne à chaque instant dans une intelligence malicieuse du plus bel effet. En même temps, nous n’avons jamais été des adeptes inconditionnels d’une narration faisant passer l’émotion et l’explication par le canal traître de la voix off. En plus de deux heures et demie de film, Xavier Giannoli aurait certainement pu trouver une manière encore plus ingénieuse de condenser en termes cinématographiques l’esprit irrévérencieux de l’immense Honoré De Balzac. »

Extrait de la critique de notre chroniqueur Tobias Dunschen. Retrouvez-en l’intégralité en cliquant sur ce lien !

Le Blu-ray

[4/5]

Côté Blu-ray, Illusions perdues, qui sort le 30 mars sous les couleurs de Gaumont, s’avère vraiment la « Rolls » du format Haute Définition, et fait clairement honneur au succès du film au cinéma – le film de Xavier Giannoli a en effet réuni presque un million de spectateurs français dans les salles à l’automne dernier. L’éditeur s’est par conséquent fait un point d’honneur à nous fournir ici le meilleur rendu visuel et sonore possible. La galette HD d’Illusions perdues en remet donc un nouveau coup dans l’excellence technique et fera vraiment figure de disque de démonstration : l’image est d’une précision et d’une limpidité à toute épreuve, les couleurs en envoient plein les mirettes, et les contrastes sont d’une solidité remarquable – c’est tout simplement superbe. Côté son, la version française bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui fera clairement honneur à l’ampleur du film. Les scènes de foule en particulier, tout particulièrement impressionnantes, s’avèrent d’un dynamisme et d’une force acoustique tout simplement bluffantes, renforcées par des basses littéralement tonitruantes et des effets multicanaux épatants de finesse et de précision. On notera également que Gaumont n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent si vous visionnez Illusions perdues sur un « simple » téléviseur.

Du côté de la section suppléments, on ne trouvera sur le Blu-ray édité par Gaumont que la traditionnelle bande-annonce du film. Cependant, il est à noter que les magasins Fnac proposent en exclusivité une « édition spéciale », contenant un DVD supplémentaire, qui ne nous a pas été fourni, et qui nous offrirait la possibilité de découvrir un entretien de 50 minutes entre Xavier Giannoli et Marie Sauvion (Télérama). Avouez que ça fait envie…

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