Spotless – Episode 1

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Oulala… D’un seul tenant je soupire, exaspéré par ce que je viens de vivre, par ce que je viens de me mater. De la dentelle, de la pâtisserie haut de gamme, de la satisfaction. Une perle visuelle vient de se répandre dans mon salon jusqu’à l’extérieur de ma bâtisse. Je cours dans tous les sens, pour répandre, à mon tour, la nouvelle sans hésiter… Cet inconfort ne relève que de cette impatience absurde endoctrinant mon cerveau à vouloir absolument à chaud, vouloir livrer mon ressenti ô combien enthousiaste. Je m’en fiche pas mal de cet état d’âme, je me lance sans réfléchir. L’exaspération est pour le coup un sentiment jouissif car l’épisode numéro un de « Spotless », à lui tout seul, vient de me gifler nonchalamment, avec un viril dédain. Mais quelle claque mes aïeuls ! Allez, je me répète encore une fois : quelle claque !!!!

Les présentations d’une vie trop bien rangée…

Les premières images s’enchaînent, virevoltent dans un décor iodé sur un littoral balayé par un vent subtil. Le silence qui l’accompagne agrémente ces premières secondes avec beaucoup de tact. Il a l’air de faire froid, le temps semble capricieux. On se laisse doucement embarquer sans piper mot, sans donner quelconque signe d’angoisse. On respire un grand coup… ça fait du bien finalement cet air vivifiant ! Un enfant est là, posté sur un ponton, contemplant un cadavre flottant… D’un coup cet air devient irrespirable. Le suspense ne met décidemment pas longtemps à s’emparer de moi…

SPOTLESS Episode 1 2

Jean Bastière (Marc-André Grondin) est un homme charmant, élégant, propret sur lui, belle petite femme, beaux petits enfants, belle situation professionnelle, belle maison à Londres, belle maîtresse. C’est vrai que la dernière information jure un tantinet sur le côté irréprochable que laisse nous suggérer le personnage. En même temps, un personnage principal trop lisse, sans soucis, sans histoire, sans casserole, plomberait volontiers la suite des événements. Jean est le chef d’une petite entreprise spécialisée dans le nettoyage mortuaire. Je m’explique. On fait appel à lui quand il est question de sang. Un homme se jette du haut du septième étage et explose au sol, on fait appel à Monsieur Bastière. Un autre homme se tire une balle dans la tête dans les vestiaires d’une piscine municipale éparpillant cervelle, os et matières grises sur les murs, on fait appel à Monsieur Bastière, et ce, sur un air franco-franchouillard de Charles Trénet. L’hémoglobine, c’est son business et il a l’air d’apprécier cela le bougre. La tentation est réellement trop belle dans la comparaison avec l’anthologique « Dexter » Morgan, mais à la vision de l’épisode, il semble qu’il soit un degré en dessous, notre cher Jeannot. Je ne m’arrête pas à la futilité de ce détail. Qu’on se le dise, cette série semble toute faite pour les accros au monde du gore et de ses alentours, et ça, Canal + s’est engouffré chichement dans la brèche en nous proposant sa nouvelle création originale franco-britannique. Ils sont malins les filous ! Le Québécois Marc-André Grondin, avec ses faux-airs d’archangélique Hannibal (plutôt Gaspard Ulliel que Anthony Hopkins) donne une belle dimension à ce Jean Bastière en l’obscurcissant d’un passé lourd ressurgissant sous formes de flashbacks habituellement utiles dans ce domaine. Pour ceux qui se demandent dans quoi a bien pu jouer Marc-André Grondin, on se souviendra avec optimisme de son rôle dans « C.R.A.Z.Y » et dans le magnifique film de Rémi Bezançon « Le premier jour du reste de ta vie » pour lequel il remporta en 2008, le César du Meilleur Espoir Masculin. Inquiétant, tumultueux, il traverse l’épisode avec beaucoup de grâce et de sobriété rendant au centuple les espoirs qu’on veut bien lui attribuer.

La vie de notre Jean Bastière semble voguer subtilement sur une routine toute préservée. Il jongle entre son épouse, Julie (Miranda Raison, qu’on a pu croiser dans « 24 : Live Another Day »), parfaite petite femme au foyer aux cheveux de blés, ses enfants modèles, son travail harassant qui ne tient plus qu’à un fil, ses gros problèmes d’argent, et sa maîtresse qu’il culbute avec panache. Mais…tenez-vous bien, le pire est à venir, et pas n’importe lequel. Son frère qu’il n’a pas vu depuis plusieurs années, débarque comme un cheveu sur la soupe à Londres. Il sort de nulle part. Petit à petit, la série prend forme, prend vie, avec l’apparition de Martin Bastière (Denis Ménochet). Diamétralement opposés, ils ont pourtant une enfance tragique semblant les unir, et les scénaristes appuient bien fort sur ce principe pour faire de l’intrigue une réelle pépite. Parlons pépite justement, en nous arrêtant sur Denis Ménochet (le brave monsieur Lapaditte dans « Inglorious Basterds » de Quentin Tarantino). Messieurs, dames, laissez-moi le temps de reprendre mon souffle tant l’excitation atteint son paroxysme… nous avons affaire à LA pépite du genre ! On s’attache automatiquement au personnage balourd, brioché, sensiblement attachant. Le constat est amer et saisissant : on adhère, on l’adore, on peut le trouver accablant, mais on se surprend à aimer le détester. Le voir se trimballer en slip, brosse à dent à la bouche, est un horrifique plaisir. Le voir se lier maladroitement à la famille de Jean est un détestable bonheur. Il n’est donc pas surprenant de se rendre compte au fil des minutes que Martin est le vilain petit canard de la famille. Il surgit dans le monde de Jean avec sa camionnette miteuse remplie de tout ce qu’il possède, et notamment son frigo dans lequel, à la grande surprise générale, contient le cadavre d’une femme rempli de ballotins de drogue… Stupeur et tremblements sont de mise. Se construit alors un engrenage énergique dédié à la revente malhabile de cette came embarquant nos deux frangins dans le monde de la criminalité londonienne.

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Spotless – Episode 1 – Ma conclusion

A la présentation du nouveau projet de la chaîne cryptée, les attentes sur le duo fraternel demeurent visiblement prévisibles…mais elles dépassent hautement et largement ce que l’on peut en attendre ! La tournure des événements, que l’on peut qualifier de « rock’n’roll » glisse avec magnificence dans l’absurde maîtrisé, de la même manière qu’échappe des mains de Jean, le bon fonctionnement routinier de notre nettoyeur mortuaire. La bande son est sublime, les dialogues sont exquis et perchés, le récit est purement efficace. Canal + frappe un très très grand coup dans le monde sériel. « Spotless » vend du rêve aux téléspectateurs, en distribuant à tour de bras répliques assaisonnées et cadences survitaminées nous laissant un tout petit brin dubitatifs quant à la suite des épisodes. Faire fi de cette crainte doit laisser place à l’enthousiasme général. C’est un ordre qu’il faut suivre à la lettre !

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