Critique : Potiche

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Potiche

France, 2010
Titre original : –
Réalisateur : François Ozon
Scénario : François Ozon, d’après la pièce de Grédy & Barillet
Acteurs : Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h43
Genre : Comédie
Date de sortie : 10 novembre 2010

Note : 3,5/5

Au cours d’une filmographie qui évolue et progresse au rythme d’un florilège de genres divers, François Ozon n’a sans doute jamais été plus frivole que dans Potiche. Les origines de l’histoire, issue du théâtre de boulevard pur et dur, y sont certainement pour quelque chose. La mise en scène sait néanmoins conférer à ce conte sur l’ascension d’une femme dans la France des années 1970 une élégance à la fois légère et stylisée. Contrairement à 8 femmes, ce film-ci se libère tant soit peu du joug de la référence à tout bout de champ, pour mieux dégager un incroyable optimisme. Les stéréotypes s’y entrechoquent, certes, mais les personnages restent au moins partiellement humains, grâce à quelques failles apparentes dans le rang social que chacun d’entre eux se doit de tenir. Enfin, le film réunit un casting de luxe, moins tape-à-l’œil que dans le film précité, quoique conçu pour mettre en valeur avec aisance ces comédiens souverains, ainsi que leur patrimoine cinématographique.

Synopsis : En 1977, Suzanne est l’épouse docile et effacée de l’industriel Robert Pujol, gérant de l’usine de parapluies qu’elle avait héritée de son père. Pendant que son mari doit gérer les menaces de grève de ses salariés revendicateurs, Suzanne passe son temps à écrire de petits poèmes au ton doucereux. Suite aux problèmes de santé sérieux de son mari et face à la dégradation des affaires, sa famille et le député-maire communiste de la ville Maurice Babin lui forcent la main pour reprendre temporairement les rênes de l’entreprise. Or, le style de gestion de cette femme au foyer est un franc succès, à tel point que personne ne regrette l’écartement de son mari au tempérament despotique.

Connais ta place

L’univers idyllique sur lequel s’ouvre Potiche est bien sûr un leurre. La course à pied matinale du personnage principal perd au plus tard de son charme et de son innocence, lorsque Suzanne découvre parmi la faune dans la forêt deux lapins en train de se reproduire. La niaiserie manifeste de cette introduction, par ailleurs savoureusement ironique, tourne rapidement au rapport de force infiniment moins idéalisé au sein du couple, appartenant à la bourgeoisie de province et fonctionnant selon son mode opératoire d’une autre époque. Chez les Pujol, les femmes n’ont point leur mot à dire et si jamais elles osent se plaindre, elles sont mises à l’écart par l’intermédiaire de cadeaux onéreux ou de mioches ingrats. Tout l’enjeu du récit consiste alors à montrer, sur le ton de la farce mi-sérieuse, mi-caricaturale, qu’il est possible pour ces femmes soumises de s’aménager leur petite place au soleil. Le message social qui s’en dégage n’a rien de révolutionnaire. Il reflète par contre assez fidèlement les mœurs des dernières années Giscard, où les Français vivaient plutôt librement sans pour autant s’en revendiquer. A cet égard, le traitement discret de l’homosexualité supposée du fils de la nouvelle patronne est parlant, lui qui ne jure que par Kandinsky et des parapluies aux couleurs criardes, avant de se rendre compte que la seule femme de sa vie sera sa mère chérie.

Maman Catherine, parfaite comme toujours

Dans le rôle du nouveau pilier de la famille, Catherine Deneuve livre un tour de force tout en nuances. François Ozon ne l’a certainement pas choisie par hasard, après avoir fait appel à elle une première fois pour la distribution débordante de noms célèbres de 8 femmes. Ici, elle tient clairement le haut de l’affiche, même si elle est particulièrement bien entourée. L’actrice s’approprie chaque stade successif de l’affirmation de cette femme, militante féministe malgré elle, avec une sincérité étonnante, surtout vue sa filmographie passée déjà bien remplie de toutes sortes de femmes tyrannisées qui savent invariablement renaître de leurs cendres. De la Suzanne pimpante et sotte du début jusqu’à la femme de pouvoir qui ne s’est pas encore laissée corrompre par lui, en passant par des révélations tonitruantes qui égratignent l’image d’Epinal de l’épouse parfaite, elle trouve ici un rôle taillé sur mesure, en guise d’hommage à peine voilé à une comédienne d’exception.

Face à cette interprétation imposante et investie d’un charme naturel, les autres personnages risquent fortement de ne faire que de la figuration. Avoir choisi d’autres monstres sacrés du cinéma français pour tenir tête à la Deneuve au meilleur de sa forme s’avère alors un pari gagnant, puisque Gérard Depardieu, Karin Viard, Jérémie Renier, Fabrice Luchini et Judith Godrèche – sans oublier le devenu trop rare Sergi Lopez dans une apparition éclair – incarnent à merveille le cliché détourné du communiste, de la secrétaire modèle, du fils à maman, du PDG et de la chipie, voire du camionneur séducteur.

Conclusion

Comme le chante Suzanne à la fin de cette comédie au ton enlevé, c’est beau la vie. Et il est tout aussi plaisant de voir un réalisateur parfois inégal comme François Ozon en maîtrise absolue de ses moyens pour ce qui pourrait bien être son film le plus divertissant ! Dans tous les cas, Potiche offre un rôle en or à la légende de notre cinéma national Catherine Deneuve, une comédienne qui se moque avec bravoure de son apparence de femme modèle, soit derrière les fourneaux, soit dans les bureaux de la direction.

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