Livre : Punisher, l’histoire secrète

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Titre : Punisher, l’histoire secrète

Auteur : Jérémie Damoiseau

Editeur : Books on Demand

Date de publication : 4 octobre 2016

Nombre de pages : 166

Format : 14,8 x 21 cm

Prix : 18,99 euros

Le Punisher est un personnage qui fascine par son rapport radical et sentencieux à la morale et à la justice. Souvent confondu et identifié à travers sa violence et sa noirceur placée aux confins de la folie, il est intéressant de constater qu’au caractère extrême et sulfureux du personnage répondait une popularité éclatante.

D.R.

Introduit pour la première fois dans le numéro 129 de The Amazing Spider-Man, il aura très vite droit aux honneurs de ses propres séries sur papier. Même cheminement émancipatoire dans la série acclamée Daredevil produite par Netflix de laquelle il va très vite s’extirper après avoir débarqué avec fracas dans une seconde saison qu’il aura marqué de son sceau meurtrier. C’est donc avec une certaine évidence qu’on lui attribue rapidement les honneurs de sa propre série sur le (petit) écran pendant deux saisons. La solitude et l’indépendance du Punisher n’aura ainsi eu de cesse de se matérialiser en dehors de ses diégèses : du comics à la série, il finit toujours pas vivre sa propre existence solitaire. Solitude et incompréhension se retournant, cette fois contre lui, lors de ses passages sur le grand écran toujours marqués, a contrario des autres supports, par l’insuccès et le rejet de (més)estime. Or, en cette décennie de réhabilitation, Jérémie Damoiseau s’est lancé dans le projet fou de rétablir la dignité d’une première adaptation mal perçue et mal reçue. Le Punisher de Mark Goldblatt est présenté de l’aveu de son propre réalisateur comme un « film noir inspiré par Bava » et force est de constater que les influences aux giallos et au film noir sont toujours palpables.

Loin du vigilante bourrin sans finesse, le film se présente au contraire comme une quête mystique servie par une esthétique fabuleuse placée dans un univers poisseux et désespéré. L’ouvrage de Jérémie Damoiseau constitue ainsi une formidable plongée dans les égouts christiques de Frank Castle et nous restitue les coulisses d’un projet marqué par l’intégrité de son équipe artistique.

D.R.

Un malheureux chef de file 

L’intelligence de l’ouvrage est de replacer précisément le film dans son contexte culturel et économique. The Punisher devait être le chef de file d’une succession de productions super-héroïques produites par New World qui venait tout juste de racheter un Marvel Entertainement endolori (on écarquille les yeux devant une telle réminiscence …). Production malchanceuse et malheureuse, elle connaîtra malheureusement une distribution américaine chaotique après la vente rapide des actifs de New World. De l’inspiration du grand écran, le projet finira sur le petit dans son pays d’inspiration qui, pourtant, le louera massivement et l’érigera en film culte assez rapidement. Plus chanceux sont certains européens dont les français qui auront connu une campagne marketing des plus impayables … Jérémie Damoiseau agrémente cette curieuse campagne d’anecdotes hilarantes dont un concours truqué pour le gain d’une Harley Davidson dans une émission présentée par Sabatier. Souffrant de la comparaison avec un autre acolyte, le Batman de Burton, il est pourtant indéniable que les deux partagent une noirceur toujours présente malgré l’éjection de son scénariste originel, un Boaz Yakin qui sera propulsé sur un projet d’envergure malgré son inexpérience.

D.R.

Premier fan film deluxe

Car The Punisher est présenté par Damoiseau comme le premier fan film jamais réalisé et il est vrai que sous cet angle le film présente un positionnement curieux qui explique son appréhension problématique. Bourré d’influences respectables et proche de son matériau d’origine, l’on devine que le manquement réside dans les réécritures successives et parfois malhabiles. L’on regrette par exemple l’insertion maladroite du passé de Castle qui aura posé beaucoup de soucis aux producteurs … Quant à l’absence du fameux crâne symbolique, il est justifié par son manque de réalisme au sein d’un récit plutôt réaliste.

Autre point sur lequel l’auteur insiste : la qualité de production. En insistant sur la dévotion de son acteur principal (un Dolph Lundgren shakespearien et investi) mais aussi sur l’ensemble de l’équipe artistique, Jérémie Damoiseau rappelle les enjeux essentiels de la nécessité de la réhabilitation de ce film en insistant sur ce qu’il n’est pas, à savoir une production fauchée. Car bien que délocalisée en Australie pour des raisons fiscales et financières, on se surprend face à la lecture successive de noms prestigieux allant d’un des meilleurs directeurs photographies australiens de l’époque à la fabuleuse chef décoratrice du second et troisième opus de Mad Max, difficile de ne pas trouver de l’intégrité dans ce film qui, malgré ses différentes versions, conserve une beauté plastique étonnante, notamment dans ses séquences nocturnes. Les influences nobles ne manquent pas … De Frank Miller au Règlement de compte de Fritz Lang, on saisit aussi pourquoi le film a peut-être été confondu à un simple vigilante plus qu’à une adaptation du Punisher.

A la lecture de cette ouvrage, on s’interroge sur la réception du film de Goldblatt car en revisionnant le film, il est clair que son rejet repose parfois sur des qualificatifs « nanardesques » parfois chimériques. Oeuvre soignée de son générique à sa séquence finale aussi ambivalente qu’intéressante dans sa colorimétrie laiteuse, on peut, sans crier au chef-d’oeuvre, affirmer l’honnêteté d’une entreprise qu’il serait douteux de placer dans la même lignée que ses deux descendants filmiques. Connaisseur ou pas de l’oeuvre, sympathisant ou détracteur, ce livre demeure une lecture fascinante dans une perspective cinématographique. Découpé selon les modes de fragmentation de la création filmique (du financement à l’écriture en passant par le tournage et la post-production), nous ne pouvons qu’encourager les plus curieux à se lancer dans cet ouvrage qui, au pire, vous aura donné des clefs mal connues des coulisses du film, au mieux, donné envie de (re)découvrir un film dont le caractère élégiaque peut vous marquer comme son jeune auteur à l’époque de cette folle découverte.

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