Critique : Selma

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Selma

Etats-Unis, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Ava DuVernay
Scénario : Paul Webb
Acteurs : David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo
Distribution : Pathé Distribution
Durée : 2h08
Genre : Historique , Biopic
Date de sortie : 11 mars 2015

Note : 3,5/5

Étrange écho (vu d’ici) à la marche républicaine qui a rassemblé un million et demi de Français en janvier 2015, Selma, le film d’Ava DuVernay sur les marches menées par Martin Luther King en 1965, sort dans les salles françaises le 11 mars 2015. En mars 2015, soit exactement cinquante ans après la marche historique qui conduisit, de Selma à Montgomery, vingt-cinq mille manifestants en faveur de l’application des droits civils, et qui aboutit (non sans effusion de sang) à la signature de la Loi sur le Droit de Vote.

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Synopsis : Selma retrace la lutte historique du Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Une dangereuse et terrifiante campagne qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et qui a conduit le président Johnson à signer la loi sur le droit de vote en 1965.

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Le premier film consacré à Martin Luther King

« J’ai trouvé vraiment stupéfiant qu’aucun film n’ait été consacré à Martin Luther King depuis son assassinat il y a cinquante ans » confie la réalisatrice Ava Duvernay qui, venant de Lowndes County (entre Selma et Montgomery), se revendique elle-même comme l’héritière des luttes menées par Luther King et son mouvement, en particulier de cet épisode crucial des années 1960. L’initiative revient donc à une femme noire dont l’histoire familiale fut intimement mêlée, comme celle de millions d’autres, aux luttes de Luther King.
Abstraction faite de King : A Filmed Record… Montgomery to Memphis, le documentaire de Sidney Lumet et Joseph L. Mankiewicz réalisé en 1970 soit deux ans après la mort de King, abstraction faite donc de ce documentaire essentiellement composé d’images d’archives, le Selma d’Ava Duvernay est bel et bien le premier à porter à l’écran la figure iconique du pasteur King qui, comme les autres, appartenait au grand ciel des figures intouchables et désincarnées… ou, plutôt que désincarnées, aux figures dont l’incarnation s’est réduite à quelques formules kitsch, telles, pour King, le doigt pointé et le « I have a dream ».
Après Mandela dans Invictus ou encore Lincoln dans le film de Spielberg, Luther King fait l’objet d’un portrait en action dans un film qui n’est qu’à moitié un biopic. Le parti pris de ne montrer qu’une tranche de sa vie (et de l’histoire américaine), ses actions menées à Selma en Alabama, permet de saisir Luther King dans le feu d’une (dé)marche politique censée révéler sa personne politique et intime. Avec un talent d’acteur et une éloquence remarquables (d’autant qu’il est britannique), David Oyelowo compose un Martin Luther King crédible et sympathique, avec son lot d’imperfection et de doute, tout en demeurant, dans l’ensemble, assez (un peu trop) lisse et accommodant.

Entre chronique historique et chanson de geste

Heureusement Selma, comme le suggère son titre, se donne avant tout pour le récit d’une portion décisive de l’histoire de l’Amérique contemporaine, et pas seulement pour le portrait de son charismatique leader. Le récit se déploie dans les strictes limites des années 1963-1965, prenant pour point de départ l’attentat où quatre jeunes filles ont péri dans leur église, et pour fin la signature, en août 1965, de la Loi sur le Droit de Vote. Entre deux, le film est emporté par une intensité dramatique qui repose sur des scènes collectives certes épiques comme on les attendait, mais très maîtrisées et qui n’empiètent jamais sur le temps consacré à des scènes intimistes et des personnages anonymes pris de façon isolée dans le piège qu’est leur vie de citoyen américain. Telle, par exemple, cette femme noire qui, pour contrer les absurdes interrogatoires qu’elle subit pour avoir le droit de s’inscrire au bureau de vote, en a appris sur l’histoire et l’administration américaines bien plus que n’importe quel autre citoyen. Ce sont aussi les scènes de rencontre entre Mrs King et Malcom X ou de Mrs King avec cette activiste oubliée mais qui a joué un rôle essentiel pour la réussite de la marche, Annie Lee Cooper, à qui Oprah Winfrey donne force de caractère. La multitude de personnages non seulement authentiques mais probants contribuent à la réussite d’une chronique historique réaliste, la réalisatrice ne se posant pas seulement comme metteur en scène mais avant tout comme passeur de l’histoire, qui s’efface derrière ses personnages. Le rythme enfin, qui est celui d’une chanson de geste, est soutenu et augmenté (à l’image de la foule de la marche) par la mise en scène des trois tentatives de marche pacifique de Selma à Montgomery, jusqu’à la dernière, qui aboutit à la Loi sur le Droit de Vote sans pour autant se poser comme happy end, puisque c’est de l’histoire qu’il s’agit et que cette histoire n’est pas linéaire.

Oprah Winfrey
Oprah Winfrey

Conclusion

Avec le mérite de proposer le premier film avec acteurs sur Martin Luther King, Ava Duvernay compose une œuvre à la fois ambitieuse et modeste, modeste dans le sens où elle a heureusement contourné la possibilité d’une biographie complète et verticale qui serait entièrement vouée à l’héroïsation de King. Elle a opté au contraire pour ce qui s’apparente davantage à une chronique, horizontale, des actions de tout un peuple menées aux années 1963-1965 à Selma (Alabama), une chronique réaliste qui s’appuie sur un leitmotiv ici efficace : le récit de la vie d’hommes et de femmes ordinaires qui ont fait des choses extraordinaires.

http://youtu.be/UnmlCucIFh8

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