Critique : A good man

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A good man

France, Belgique : 2020
Titre original : –
Réalisation : Marie-Castille Mention-Schaar
Scénario : Marie-Castille Mention-Schaar, Christian Sonderegger
Interprètes : Noémie Merlant, Soko, Vincent Dedienne
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h48
Genre : Drame
Date de sortie : 10 novembre 2021

3.5/5

Productrice, scénariste et réalisatrice, Marie-Castille Mention-Schaar a, lorsqu’il s’agit de ses propres films, une attirance évidente pour des sujets délicats inspirés directement par des histoires vraies ou documentés de façon particulièrement sérieuse lors de la préparation du film. C’est ainsi qu’on lui doit Bowling, sur le combat mené à Carhaix pour conserver une maternité, Les héritiers sur une professeure qui présente sa classe de seconde la plus faible au Concours national de la résistance et de la déportation et Le ciel attendra sur la radicalisation djihadiste d’une jeune fille. Fidèle à elle-même, la voici qui, dans A good man, fait porter un bébé à un homme trans. Un film qui faisait partie de la sélection 2020 du Festival de Cannes.

Synopsis : Aude et Benjamin s’aiment et vivent ensemble depuis 6 ans. Aude souffre de ne pas pouvoir avoir d’enfant alors Benjamin décide que c’est lui qui le portera.

Père et mère à la fois

Lorsque, en 2012, Aude, excellente spécialiste de danse contact, membre de la troupe d’Angelin Preljocaj à Aix-en-Provence, a rencontré Benjamin, il se prénommait Sarah, il était de sexe féminin et il étudiait à l’IFSI Aix-en-Provence dans le but de devenir infirmière. Quelques années plus tard, Sarah est devenu Benjamin, il est infirmier dans l’île de Groix, en Bretagne, il est en couple avec Aude et il se bat pour faire reconnaître officiellement sa nouvelle identité masculine, quand bien même sa transition n’est pas encore terminée. Pour être clair et précis, on comprend qu’il suit toujours un traitement hormonal, Aude étant chargée de lui faire les piqures, et qu’il n’a subi ni hystérectomie ni retrait des ovaires et des trompes de Fallope. Aude et Benjamin désirent absolument avoir un enfant, mais 4 tentatives de PMA se sont traduites pour Aude par autant de fausses couches. Ce désir d’enfant est si fort que Benjamin, cet homme en devenir, finit par se proposer pour porter cet enfant tant espéré.

Un film très documenté

Marie-Castille Mention-Schaar a toujours été passionnée par la question des genres. En 2017, elle avait coproduit Coby, un documentaire que Christian Sonderegger, un de ses anciens assistants réalisateurs, avait consacré au parcours de transition de son demi-frère Jacob Hunt. Ce n’est donc pas une surprise que la réalisatrice ait fait appel à ce même Christian Sonderegger pour participer à l’écriture du scénario de son film, un scénario qui n’oublie pas de rappeler l’importance que peuvent avoir les contacts avec le corps médical, psychiatre et gynécologue, dans le contexte vécu par Benjamin. Dans ce scénario, il n’est pas anodin que le couple Benjamin/Aude ait fait le choix de quitter Aix-en-Provence et d’aller s’établir dans une île bretonne. Quitter la Provence permet à Benjamin de ne pas avoir à affronter le regard de celles et ceux qui l’ont connu lorsqu’il était Sarah, une « peau » qui le faisait souffrir et qu’il tient absolument à oublier. Il reste toutefois un certain nombre de personnes qui l’ont connu avant et qu’il continue de voir à intervalle régulier : les membres de sa famille. Et les rapports avec son frère Antoine sont loin d’être simples !

Le choix d’une île comme nouveau lieu de résidence et de travail permet symboliquement de « couper les ponts » avec la vie d’avant, 45 minutes étant nécessaires pour faire la traversée en bateau entre l’île de Groix et Lorient. Dans cette île, Benjamin a créé des liens très forts avec des patients, le couple s’est fait des amis, tout un petit monde qui ne se doute de rien. Sauf que, quand le ventre de Benjamin s’arrondit, il lui devient difficile de cacher son état à celui qui est devenu son meilleur ami et qui a toujours cru qu’il était de sexe masculin depuis sa naissance. Par ailleurs, ce choix a eu pour conséquence d’arrêter la carrière professionnelle de danseuse d’Aude, mais elle en a pris son parti. Plus difficile pour elle est la question de savoir quel rôle il va lui rester dans le couple avec Benjamin lequel va être à la fois la mère et le père de l’enfant.

Une grande comédienne

Une semaine après la sortie de Les Olympiades dans lequel elle interprète un des rôles principaux, on retrouve Noémie Merlant, une comédienne qui prend une place de plus en plus importante dans le cinéma français. Si vous avez eu la chance de voir A good man en toute « innocence », sans rien savoir de l’intrigue, il est presque certain que vous avez cru, au début du film, que le rôle de Benjamin était tenu par un comédien. Peut-être même avez vous sondé votre mémoire pour essayer de vous souvenir du nom de ce comédien. En effet, Noémie Merlant est absolument bluffante en homme et, si on doit tirer un grand coup de chapeau à l’équipe responsable du maquillage, on doit aussi rendre hommage au travail effectué par la comédienne pour être la plus crédible possible dans ce rôle difficile : musculation, rencontre de plusieurs hommes trans, travail sur la voix effectué avec un orthophoniste habitué à travailler avec des personnes trans pour les aider à placer leur voix différemment.

Comme il fallait malheureusement s’y attendre, des voix se font entendre pour protester contre le fait que le rôle de Benjamin n’ait pas été tenu par un comédien homme trans. Figurez vous que Marie-Castille Mention-Schaar a bien recherché un tel comédien dans un premier temps mais aucun de ceux qu’elle a rencontrés n’arrivait à réunir âge du rôle, expérience et technique de jeu. En plus, comment réussir à surmonter la difficulté présentée par les flashbacks qui nous montrent Benjamin lorsqu’il était Sarah ? La réalisatrice s’est donc résolue à prendre Noémie Merlant pour le rôle de Benjamin, une comédienne avec qui elle avait déjà tourné 3 films et en qui elle avait toute confiance en matière d’implication et de professionnalisme. A noter que la recherche d’un comédien trans a permis à Marie-Castille Mention-Schaar de rencontrer Jonas Ben Ahmed, un homme trans, qui ne convenait pas pour le rôle de Benjamin, mais à qui elle a trouvé beaucoup de qualités, au point de lui confier le rôle de Neil, un homme … cis, une première au cinéma. Aux côtés de Noémie Merlant, on détachera les prestations de Soko dans le rôle de Aude, de Vincent Dedienne dans celui d’Antoine, le frère de Benjamin, et d’Alysson Paradis, la sœur de Vanessa, qui incarne Annette, l’épouse d’Antoine.

Conclusion

Quand bien même le phénomène est plus fréquent que ce que l’on pense a priori, le cinéma ne s’était jamais penché sur l’état de grossesse d’un homme trans. A good man nous montre avec beaucoup de tact qu’on peut naître fille, se sentir totalement garçon, se lancer dans une transition vers la masculinité et l’interrompre provisoirement tout simplement parce que le désir d’enfant d’un couple est souvent plus fort que tout. On appréciera la façon dont sont dépeintes les difficultés qu’une telle décision peut générer dans les relations familiales et amicales et on dédaignera les remarques de celles et de ceux qui n’acceptent pas que ce rôle d’homme trans ne soit pas interprété par un comédien homme trans : Noémie Merlant est une grande comédienne et elle est absolument bluffante en homme arborant barbe et moustache.

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