Critique : Empathie

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Empathie

Espagne : 2017
Titre original : Empatía
Réalisation : Ed Antoja
Voix : Lucien Jean-Baptiste, Hélène de Fougerolles
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h15
Genre : Documentaire
Date de sortie : 10 novembre 2021

3.5/5

Né à Barcelone 1976, Ed Antoja est diplômé de plusieurs écoles de cinéma, Cuba, New-York, Boston, et, en 2003, il a fondé sa propre compagnie de production, McGuffin Estudio Audiovisual, S.L., très investie dans la réalisation de documentaires. Il y a 4 ans, La Diferencia, une marque de cette compagnie, et FAADA, Fondation pour l’assistance et les actions de défense des animaux, l’ont commandité pour la réalisation d’un film ayant pour but d’essayer de changer les habitudes dans une société qui fait souffrir les animaux. Ce film, Empathie, a remporté le Prix du Public de l’édition 2017 du Festival du film Greenpeace.

Synopsis : Ed doit réaliser un documentaire sur le bien-être animal pour tenter de faire bouger l’opinion publique. Complètement étranger à cette question, il va d’abord s’immerger dans le monde de la cause animale et du véganisme. Cette aventure singulière va remettre en question ses habitudes de consommation et son mode de vie… mais jusqu’à quel point ?

Se convaincre afin de mieux convaincre les autres

Pour le dictionnaire Larousse, l’empathie est la faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. Autrui, toujours pour le dictionnaire Larousse, c’est toute personne autre que soi-même. Mais pourquoi se limiter aux autres êtres humains, pourquoi ne pas ressentir de l’empathie pour certains animaux, voire pour tous les animaux ? Si on réfléchit bien, rares sont les femmes et les hommes qui détestent absolument TOUS les animaux, rares sont celles et ceux qui, jamais de leur vie, n’ont caressé un chat, un chien ou le museau d’un cheval. Peut-on parler d’empathie pour autant ? En effet, beaucoup plus rares sont celles et ceux qui s’intéressent au bien-être des porcs de 110 kilogrammes qui, dans les élevages intensifs, ne disposent, leur vie durant, que de 1 m2 d’espace, au bien-être des poules pondeuses élevées en batterie, qui, elles, doivent se contenter de la surface d’une feuille A4 plus 2 Post-it ? Qui proteste, qui se révolte ? Surtout des membres d’associations telles que L214 en France ou FAADA en Espagne.

Pour tenter de faire bouger l’opinion publique sur le bien-être animal, FAADA a contacté le réalisateur de documentaires Ed Antoja par l’intermédiaire de Jenny, une de ses membres. Ed Antoja, un homme qui se considérait comme un ami des animaux, à condition, reconnaissait-il, de mettre de côté un point : la nourriture ! Sauf que, comme le lui dit Jenny, les contacts quotidiens avec des produits en provenance de la souffrance animale ne se limitent pas aux œufs au bacon dégustés au petit déjeuner : avant même d’avoir quitté son domicile, Ed a passé sa nuit avec la tête sur un oreiller à plumes, s’est savonné avec des produits testés sur des souris, a enfilé un pull en laine, puis des chaussures en cuir de vache. Pour Ed Antoja, chargé de réaliser ce documentaire, le défi est immense : commencer par se convaincre lui-même afin d’être mieux armé pour convaincre les autres !

En suivant le réalisateur

Comme le dit le réalisateur, Empathie est une histoire sur le respect dû aux animaux racontée par un sceptique. C’est donc en faisant en sorte que les spectateurs se mettent dans ses pas d’éventuel futur converti à la cause animale que Ed Antoja a construit son film. Pour convaincre Ed Antoja et les spectateurs, de multiples expert.e.s ont été appelé.e.s en renfort : philosophes, psychologues, sociologues, éthologistes, vétérinaires. De nombreuses valeurs chiffrées nous sont fournies, certaines faisant vraiment froid dans le dos, par exemple des milliards de poussins mâles tués dans le monde chaque année, broyés ou gazés ! Par ailleurs, Empathie ne se contente pas de nous sensibiliser à la cause animale, le film s’efforce aussi de nous sensibiliser à notre propre cause, nous, êtres humains : à notre santé, en évoquant  l’augmentation des risques de cancer et de maladie cardio-vasculaire lorsque l’alimentation repose trop sur des produits d’origine animale ; à notre environnement, en rappelant l’impact très important du méthane émis par les bovins de boucherie et les vaches laitières sur le réchauffement climatique, en évoquant la pollution de l’eau due aux tanneries, en comparant la quantité d’eau nécessaire pour l’alimentation d’un végan à celle d’un consommateur de viande, alors que, dans le monde, près d’un milliard de personnes ont des problèmes pour accéder à l’eau, etc. 

Adieu veau, vache, cochon, couvée ?

Grâce à un montage alerte, Empathie arrive à faire passer un nombre important de valeurs chiffrées, nécessaires pour l’argumentation, sans pour autant ennuyer le spectateur. La décision de ne pas montrer d’images insoutenables telles que celles du broyage des poussins mâles dans les entreprises d’accouvage permet de pouvoir voir le film en famille, avec les enfants. De toute façon, la simple évocation de ces pratiques est largement suffisante pour étayer le propos du film. Quant à la respiration humoristique, tout à fait bienvenue dans ce contexte plutôt lourd de la maltraitance que subissent trop souvent les animaux, on la trouve dans les rapports du réalisateur avec sa mère sur le sujet de la nourriture.

Par contre, on regrette qu’un volet important concernant nos rapports avec les animaux ne soit pas du tout abordé. Actuellement, on peut classer les animaux en 3 catégories : les animaux de compagnie ; les animaux dont des êtres humains s’occupent, dans le but de les utiliser, que ce soit pour l’alimentation, l’habillement, les soins du corps, les médicaments, les expérimentations, etc. ; les animaux vivant en liberté, qu’ils soient ou non susceptibles d’être utilisés par les êtres humains (chasse, pêche, etc.). A supposer que la plus grande partie des hommes et des femmes se convertissent au véganisme, que vont devenir toutes les espèces devenues inutiles pour les êtres humains ? Il est difficile d’imaginer que les vaches, les porcs, les gallinacés deviennent des animaux de compagnie. Tous ces animaux seront-ils orientés vers une vie en liberté ? Assisterons nous à l’extinction rapide de ces espèces ? Adieu veau, vache, cochon, couvée ? Nous n’en sommes pas là ! Par contre, on peut espérer que ce film contribuera à faire réfléchir les spectateurs sur la cause animale : certes, nombreuses et nombreux seront celles et ceux qui continueront à manger de la viande, des œufs, du fromage et du poisson, mais, peut-être, moins souvent et en s’orientant vers des produits issus de filières pouvant apporter la preuve d’une meilleure prise en compte du bien-être des animaux.

Selon les salles, le film sera présenté en version originale sous-titrée en français ou en version doublée, avec les voix de Hélène de Fougerolles et Lucien Jean-Baptiste. La première est végétarienne, le second, flexitarien au départ, considère que le film l’a (presque !) rendu végétarien. En tout cas, tous les deux se réunissent pour affirmer que, après avoir vu le film, on ne pourra plus dire « Je ne savais pas ».

Conclusion :

Ce plaidoyer pour le respect dû aux animaux arrive à être convaincant sans avoir recours à des images insoutenables comme celles du broyage des poussins mâles dans les entreprises d’accouvage. Peut on imaginer, peut on espérer que, suite à la vision de ce film, celles et ceux que les végans et les végétariens appellent les carnistes deviendront flexitarien.ne.s, que les flexitarien.ne.s deviendront végétarien.ne.s, que les végétarien.ne.s deviendront végan.e.s ? Peut-être ! Il n’empêche, un volet important du problème des relations entre les êtres humains et les animaux n’est pas du tout abordé : à supposer que, par respect pour les animaux, nous nous engageons toutes et tous dans une démarche de type végane, c’est à dire une démarche de refus total de l’exploitation des animaux, que deviendront ces derniers, devenus totalement inutiles pour l’ensemble des humains ? Qui s’occupera des vaches si on se refuse à manger des steaks et du fromage, qui s’occupera des poules si on se refuse à manger des œufs, qui s’occupera des porcs si on se refuse à manger du jambon ? Retour à la nature ? Disparition des espèces ?

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