Critique : A bras ouverts

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A bras ouverts

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Philippe De Chauveron
Scénario : Guy Laurent et Marc De Chauveron
Acteurs : Christian Clavier, Ary Abittan, Elsa Zylberstein, Cyril Lecomte
Distribution : SND
Durée : 1h32
Genre : Comédie
Date de sortie : 5 avril 2017

Note : 2/5

Pourquoi changer une formule qui marche ? Après tout, le public français cherche à se divertir sans trop d’effet de nouveauté, comme le démontre l’audience de plus de six millions de téléspectateurs le week-end dernier lors de l’énième diffusion de La Grande vadrouille de Gérard Oury. Les producteurs de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?, l’immense succès au box-office d’il y a trois ans, ont dû se dire la même chose, puisque le nouveau film de Philippe De Chauveron reprend essentiellement la même recette du choc des cultures, qui ne doit pourtant sérieusement brusquer personne. Sauf que A bras ouverts est un tel fourre-tout de thèmes disparates en mode névrotique que tout ce qui en ressort est une bouillie indigeste aux tendances raciales fort douteuses. Tous les efforts depuis trente ans d’un réalisateur engagé comme Tony Gatlif de doter la communauté rom d’une représentation cinématographique valorisante risquent hélas de passer à la trappe par la faute des clichés nauséabonds qui sont impunément et abondamment à l’œuvre ici.

Synopsis : Lors d’un débat télévisuel, l’intellectuel Jean-Étienne Fougerole doit défendre ses idées en faveur d’une société ouverte face à un confrère dont le livre populiste caracole en tête des ventes. Pris dans le feu de l’action, Fougerole annonce qu’il est prêt à accueillir n’importe quelle famille de gens du voyage dans le besoin, chez lui, dans son pavillon luxueux en banlieue parisienne. Le soir même, c’est le clan des Babik qui se présente à sa porte, lui demandant de respecter son invitation et de les accueillir avec leur caravane dans son jardin. Fougerole accepte avec réticence, craignant déjà pour la sécurité de ses biens, de sa femme artiste Daphné et de leur fils adolescent Lionel. La cohabitation forcée lui vaudra pourtant un regain de popularité inattendu et ses invités tentent globalement de s’intégrer.

Faux bo-bo, faux jeton

Le plébiscite de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? s’explique au moins partiellement par sa volonté de ne vouloir faire du mal à personne, voire de promouvoir une image valorisante de la France contemporaine, métissée de toute part. Le dessein du septième film de Philippe De Chauveron est infiniment plus trouble et par conséquent problématique. La prémisse de la famille bourgeoise bien franchouillarde qui est bousculée dans ses habitudes de riches préservés des aléas de la vie par l’arrivée de gens pas du tout comme eux y bascule beaucoup trop vite dans un antagonisme caricatural entre la civilisation bienveillante mais dépassée par les événements et des agents d’une barbarie qui était sans doute conçue en tant que parodie, mais qui laisse surtout un arrière-goût très amer. Le positionnement racial du film s’aventure même en terrain encore plus miné – si cela est possible – à travers le domestique indien des Fougerole, interprété par un acteur blanc déguisé en noir. Or, ce que l’on pouvait à la limite laisser passer dans certaines comédies de Blake Edwards dans les années 1960 résonne atrocement faux dans le contexte d’un film, qui cherche en vain de faire passer un message pour plus de tolérance, mais qui reste au demeurant péniblement flou et guignolesque dans ses propos.

Tout inclus mais rien compris

Tout le monde en prend pour son grade dans A bras ouverts, y compris le couple, homosexuel, dans lequel l’adversaire intellectuel de Fougerole n’a guère l’air de s’éclater davantage que le professeur propulsé malgré lui au centre de toutes les attentions dans le sien. C’est que, selon le raisonnement très bancal du scénario, la société française a beau se composer d’individus divers et variés, ils adhèrent tous au fond à la même idéologie de l’exclusion et de la défense des intérêts personnels. Alors qu’une telle thèse n’est peut-être pas si loin de la réalité sociale d’un pays, qui s’apprête à voter incessamment et en grand nombre pour une candidate présidentielle au programme marqué par la haine de l’autre et le repli sur soi, le récit s’acquitte très mal de la tâche de la transmettre d’une façon engageante. Les histoires de libido refoulée, de virginité protégée et de taupes cuisinées y prennent grossièrement la place de quelque discours partisan que ce soit. Les interprétations des personnages principaux par les collaborateurs fidèles du réalisateur Christian Clavier et Ary Abittan, ainsi que par la nouvelle venue Elsa Zylberstein, se démarquent au moins par la cohérence face au projet filmique. Au-delà de toute notion de cabotinage atroce, elles appartiennent à ce genre de surjeu lassant, qui ne permet aucun développement du moindre trait de caractère authentique.

Conclusion

Tout ça pour ça ?! La polémique soulevée par cette comédie navrante autour du manque d’intégration de la communauté rom en France accorde une importance disproportionnelle à un film, qui ne vaut point mieux que les autres navets à l’humour douteux de son espèce. A bras ouverts nous paraît ainsi plus probant en tant que preuve misérable de l’état préoccupant dans lequel se trouve actuellement la comédie française, que comme instantané crédible du climat social dans notre pays, de toute façon hautement instable.

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