Test Blu-ray 4K Ultra HD : Dune

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Dune

États-Unis, Mexique : 1984
Titre original : –
Réalisation : David Lynch
Scénario : David Lynch
Acteurs : Kyle MacLachlan, Francesca Annis, Jürgen Prochnow
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 2h14
Genre : Science-Fiction
Date de sortie cinéma : 6 février 1985
Date de sortie BR/4K : 18 juin 2025

An 10191. Deux clans, les nobles Atréides et les belliqueux Harkonnen, se disputent la planète Arrakis, précieuse parce que son sous-sol renferme la substance la plus rare de l’univers : l’Épice. La guerre fait bientôt rage sur ce sol hostile, rendu plus dangereux encore par des vers monstrueux que, selon une prophétie, le jeune Paul Atréides doit soumettre. S’il y parvient, il aura gagné à sa cause les Fremen, le peuple des sables dans l’attente de son sauveur…

Le film

[3/5]

Quand Dune est sorti en vidéo dans les années 80, la jaquette de la VHS nous promettait « le plus grand film de science-fiction depuis La Guerre des étoiles ». Si absurde que puisse paraître cette assertion, surtout en regard du reste de la filmographie de David Lynch, elle n’en est pas pour autant totalement dénuée de fondement. En effet, quand David Lynch s’est lancé dans le projet, il venait de refuser de réaliser Le Retour du Jedi, peut-être par peur de ne pas pouvoir laisser libre cours à sa créativité. Dans le même ordre d’idées, la volonté des producteurs Dino et Raffaella De Laurentiis était clairement de lancer une franchise populaire à la Star Wars.

Mais le projet Dune était voué à un autre destin. Développé par David Lean puis Alejandro Jodorowsky, l’adaptation du livre-culte de Frank Herbert atterrit finalement entre les mains de Dino De Laurentiis, qui y travailla un temps aux côtés de Ridley Scott, avant finalement d’en confier la réécriture et la réalisation à David Lynch, qui avait impressionné le monde cinéphile avec Eraserhead (1977) et Elephant Man (1980), deux films finalement encore relativement éloignés de la tournure ô combien singulière et personnelle que prendrait son œuvre à partir de Blue Velvet en 1986. Dans la carrière de David Lynch, il y aurait clairement un « avant » et un « après » Dune.

Avec une quarantaine d’années de recul, on sait désormais que le tournage de Dune fut vécu par David Lynch comme un véritable « cauchemar », et il y a fort à parier que cette expérience fut déterminante dans la carrière du cinéaste, qui ferait par la suite tout pour éviter de se retrouver dans le même genre de situation. Ainsi, on peut affirmer que Dino De Laurentiis a contribué à sa manière à la naissance du « style » David Lynch tel qu’on le connaîtrait par la suite. Mais que reste-t-il de David Lynch au cœur de cet étrange gloubi-boulga qu’est Dune ? Peut-être plus qu’on ne voudrait l’admettre, et ce en dépit de sa nature de « nanar » cosmique…

Oserait-on même affirmer que certains aspects et personnages de Dune version 1984 sont plus réussis et plus marquants que dans le film de Denis Villeneuve, sorti en 2021 ? On pense notamment au Baron Vladimir Harkonnen, campé par Kenneth McMillan (également vu dans Cat’s Eye et Runaway Train), qui s’avère ici un personnage répugnant, décadent – un méchant de bande dessinée absolument génial, notamment dans sa façon de se déplacer en flottant grâce à des suspenseurs lui permettant de défier les lois de la gravité. Les tendances pédophiles du baron ne sont pas explicitées par le film, mais néanmoins suggérées à l’image par David Lynch, notamment lors d’une scène où il met à mort un jeune éphèbe planteur de tulipes. La suggestion est d’ailleurs tellement claire que cette scène serait supprimée du montage « version longue » de Dune destiné à la télévision, diffusé en 1988.

De plus, on ajoutera qu’à priori, l’atmosphère quasi-hallucinogène d’Eraserhead et Elephant Man semblait s’accorder avec l’univers des romans de Frank Herbert, au cœur desquels l’épice élargit la conscience du personnage principal, lui donnant à voir plusieurs « chemins » possibles concernant l’avenir d’Arrakis. Pour autant, mais le déluge d’images abstraites et de surimpressions foireuses sur fond d’effets spéciaux approximatifs que nous donnent à voir certaines séquences de Dune suffisent en fait à démontrer que David Lynch n’était peut-être pas encore tout à fait assez mûr pour se lancer dans un projet aussi ambitieux, et ce même si le cinéaste n’a jamais forcément été un modèle en termes de clarté narrative.

Au-delà de la trahison faite au livre et à l’univers créé par Frank Herbert, on notera le soin apporté au design de l’entreprise, aux costumes ainsi qu’aux décors, régulièrement impressionnants. La photo de Freddie Francis, collaborateur régulier de la Hammer, est également très réussie et spectaculaire. De fait, on ne pourra que constater que grâce à une incompréhensible alchimie hypnotique, cette version de Dune tient à peu près debout pendant ses deux premiers tiers, d’autant que l’on a toujours plaisir à retrouver des acteurs tels que Patrick Stewart (Logan, Star Trek Picard) Sting (Kaamelott : Premier Volet), Virginia Madsen (Candyman), Jürgen Prochnow (L’Antre de la folie), Dean Stockwell (Code Quantum), Max von Sydow (L’Exorciste), Paul L. Smith (Sonny Boy), Brad Dourif (Le Malin, Chucky – Jeu d’enfant) ou encore Sean Young (Blade Runner).

De fait, malgré l’aversion affirmée de David Lynch pour le film, Dune conserve encore bel et bien quelques qualités qui méritent tout de même le coup d’œil. Comme souvent, la vérité se situe dans un « entre-deux » : il ne s’agit pas de l’odieux ratage intégral que certains critiques dénoncent depuis 40 ans, ni du chef d’œuvre maudit que des figures emblématiques de la science-fiction (telles que le génial Harlan Ellison) défendent bec et ongles depuis autant de temps. Il faudrait peut-être se rendre à l’évidence selon laquelle le roman de Frank Herbert est « inadaptable ». On en veut pour preuve qu’aucune des tentatives d’adaptation ultérieures n’est réellement parvenue à convaincre les fans de la saga « Dune », qu’il s’agisse de la mini-série diffusée en 2000 ou du diptyque signé Denis Villeneuve en 2021/2024 – et ce même si ces deux versions disposaient de davantage de temps afin d’explorer les nombreux personnages et intrigues secondaires de l’ouvrage.

Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Il y a un grand mystère autour de Dune : si tout le monde semble s’accorder sur la nature « mineure » du film de David Lynch (avec plus ou moins d’indulgence en fonction de votre interlocuteur), le long-métrage s’est déjà offert plusieurs éditions Blu-ray en France, et aujourd’hui, se voit ouvrir en grand les portes du format Blu-ray 4K ultra HD grâce à ESC Éditions, qui lui consacre d’ailleurs une bien belle édition. Celle-ci prend les atours d’un magnifique Boîtier SteelBook dont le design est signé Colin Murdoch, et contenant le film en version cinéma en Katka (Dolby Vision + HDR10) et en Blu-ray, le Blu-ray du montage TV « version longue » (2h58) et bien entendu plein de bonus qui nous expliqueront à quel point le film aurait pu être bien. Parmi ceux-ci, on notera la présence d’un livre inédit de 150 pages que l’on doit à l’indéboulonnable Marc Toullec, et qui comme à son habitude nous livre un remarquable travail d’archéologue de la presse spécialisée et réunit énormément d’archives passionnantes, élargissant son propos en fin d’ouvrage aux autres adaptations de Dune ainsi qu’à la série TV Dune : Prophecy.

Côté master, Dune a bien entendu fait l’objet d’une restauration 4K maniaque, et ESC nous propose ici la restitution la plus fidèle possible du film de David Lynch. La photo de Freddie Francis n’a jamais été aussi flamboyante, et le tout s’affiche ici avec une finesse assez époustouflante, grâce notamment à une gestion des noirs et des couleurs tout à fait convaincante, étalonnage HDR / Dolby Vision oblige. L’upgrade 4K est clair et net : le grain d’origine a été préservé, le niveau de détail ne faiblit jamais, et la palette colorimétrique est au taquet. Les quelques plans à effets (fondus enchaînés) marquent de petites baisses de définition, mais c’est tout à fait normal. Une belle galette 4K !

En ce qui concerne le son, VO et VF sont toutes deux proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, le mixage s’avère intense et dynamique, avec une poignée de passages véritablement tonitruants dans leur genre, et des dialogues toujours parfaitement placés et d’une clarté cristalline (un mixage qui aurait plu au regretté Guy Roux). Bien sûr, la version française qui nous est proposée par ESC Éditions est la VF dite « d’origine », avec un doublage assuré par tout un tas de voix connues des amateurs de cinéma 80’s : Guy Chapellier (voix française de Scott Bakula et Eric Roberts), Luq Hamet (Michael J. Fox, Roger Rabbit), Patrick Poivey (Bruce Willis, Don Johnson), Jean-Claude Michel (Sean Connery, Clint Eastwood) et, du côté des femmes, Maïk Darah (Whoopi Goldberg, Angela Bassett), Anne Deleuze (Bonnie Bedelia dans Piège de Cristal) et Évelyne Séléna (Glenn Close, Jane Seymour). Le mixage français est globalement très efficace, avec des effets Surround étonnants, même s’il est probablement un peu moins « ample » et spectaculaire que celui de la VO. L’équilibrage entre les dialogues et les effets sonores / la musique est très satisfaisant.

Du côté de la section suppléments, on se félicitera tout d’abord de pouvoir (re)découvrir le film dans son montage « version longue » (2h58, VO DTS-HD Master Audio 5.1), destiné à sa diffusion à la télé américaine en 1988. Il s’agit avant tout d’une curiosité : David Lynch a refusé d’y participer, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’impression générale laissée par le film n’est pas forcément des plus emballantes. Parmi ses défauts les plus évidents, on pourra déplorer le fait que les effets visuels n’aient pas été finalisés, et que le film soit constamment entrecoupé de fondus au noir destinés à insérer les pages de pub aux États-Unis. Vous pourrez trouver un listage des principales différences entre les deux montages sur le site de référence movie-censorship.

En plus du livre de Marc Toullec évoqué un peu plus haut, ESC Éditions nous propose également de nombreux bonus vidéo, répartis sur les deux Blu-ray qui accompagnent le glorieux Katka du film. Sur le Blu-ray du film en version « cinéma », on commencera avec deux suppléments connus, car déjà présents sur le Blu-ray de Dune édité par Filmedia en 2009 : il s’agit d’un entretien avec David Lynch (8 minutes), dans lequel le cinéaste évoque entre autres son investissement sur le scénario du film et le tournage au Mexique, et d’une featurette d’époque (6 minutes), qui nous donnera à voir quelques images volées sur le tournage. Heureusement, sur la même galette, ESC nous propose de nous plonger dans un excellent making of rétrospectif, d’une durée de 82 minutes, qui reviendra sur le film en commençant par la publication du roman de Frank Herbert, les premières tentatives d’adaptation, l’arrivée du projet dans les mains de Dino et Raffaella De Laurentiis, l’écriture du scénario, le processus de casting, le tournage au Mexique, l’esthétique du film (décors, photo, effets spéciaux), la post-production et bien sûr le montage du film et l’accueil du film dans les salles.

Les bonus présents sur le deuxième Blu-ray sont plus anecdotiques (on se doute que d’ici quelques mois, une édition « simple » de Dune sera sans doute proposée à la vente, sans ce second disque), mais ils pourront assurément plaire aux  masochistes  amoureux de Dune. On commencera donc par un sujet consacré à la musique du film (25 minutes), qui revient sur la conception de la musique par le groupe Toto et la collaboration / l’enregistrement de la musique aux côtés de David Lynch. On continuera avec un focus sur le merchandising autour du film (23 minutes). En effet, Dino De Laurentiis voulait concurrencer Star Wars, et forcément, il développa une série de produits dérivés apparaissant, quarante ans plus tard, aussi bizarres que le film en lui-même. On embrayera avec un entretien avec Giannetto de Rossi (17 minutes), maquilleur italien ayant officié sur le film de David Lynch (ainsi que sur le film d’Alexandre Aja Haute Tension), qui se remémorera une poignée d’anecdotes liées à un tournage pour le moins mouvementé. Enfin, on terminera par un entretien avec Lloyd Chéry et Simon Riaux (47 minutes). Journaliste au Point depuis 2016, rédacteur en chef adjoint du magazine Métal Hurlant depuis 2023, Lloyd Chéry est un passionné de SF ; il a d’ailleurs été directeur d’ouvrage sur « Tout sur Dune », sorti chez L’Atalante en 2021, considéré par beaucoup comme l’ouvrage de référence sur la saga Dune. De son côté, Simon Riaux est depuis quelques années une figure incontournable de la critique française, venant régulièrement causer cinéma avec humour en télé et en radio. Sur le ton de la discussion badine et détenndue, ils reviendront sur l’adaptation cinématographique de Dune par David Lynch (ses qualités, ses défauts), et évoqueront bien entendu les autres adaptations de l’univers de Frank Herbert.

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