Test Blu-ray : Sonny Boy

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Sonny Boy

États-Unis, Italie : 1989
Titre original : –
Réalisation : Robert Martin Carroll
Scénario : Graeme Whifler, Peter Desberg
Acteurs : David Carradine, Paul L. Smith, Brad Dourif
Éditeur : Extralucid Films
Durée : 1h43
Genre : Thriller, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 23 mars 2022

Une immonde pourriture et sa femme travestie recueillent un nourrisson dans une voiture volée. Après qu’on lui ait coupé la langue, Sonny Boy va être élevé à la dure pour être transformé en un tueur bestial. Mais arrivé à l’âge adulte, il s’échappe et tente d’entrer en contact avec le monde extérieur…

Le film

[4,5/5]

Kézaco, Sonny Boy ? Si vous n’avez jamais entendu parler de ce film, rassurez-vous, rien de plus normal : il s’agit assurément de l’un des films cultes les plus obscurs de la fin des années 80. Peu de chanceux avaient eu l’occasion le voir à sa sortie en VHS chez Delta Vidéo en 1992, et quelques années plus tard, à une époque où les films n’étaient pas encore tous disponibles en accès libre plus ou moins légal sur le Net, beaucoup de cinéphiles se lamentaient, persuadés que le film avait disparu de la surface de la planète. Néanmoins, la réputation de Sonny Boy continuait d’enfler, insidieusement, auprès de toute une génération de jeunes adeptes de l’étrange, de l’inattendu, du grotesque. L’attrait pour ce film introuvable avait d’ailleurs encore été renforcé à l’époque par le magazine Mad Movies (alors encore tout à fait respectable), qui l’avait classé dans sa fameuse liste des « 100 meilleurs films fantastiques » en 1996.

Film-culte sorti des bas-fonds de la sous-culture de la fin des 80’s, Sonny Boy avait refait parler de lui dans les milieux autorisés en 2009, à l’occasion malheureuse de la mort de David Carradine, qui fut retrouvé pendu dans sa chambre d’hôtel à Bangkok après s’être « masturbé à mort » et auto-asphyxié. Cet événement, assez rapidement rendu public, avait en effet incité le monde entier à regarder l’acteur d’une manière différente, et l’incrédulité tournant autour de Sonny Boy, alias « ce fameux film dans lequel David Carradine jouait toutes ses scènes travesti en femme », avait refait surface.

Pour autant, on n’osait plus espérer avoir l’occasion de revoir Sonny Boy en France. Il y a un peu moins de dix ans, l’auteur de ces lignes avait d’ailleurs fait part de son désespoir de voir un jour le film débarquer chez nous au format Blu-ray à l’un des plus gros éditeurs de cinéma de genre en France : la réponse qui nous fut donnée était de s’armer de patience, et de croiser les doigts. La sortie du film en Blu-ray chez les américains de Shout Factory était une bonne nouvelle, mais l’absence de VF et de sous-titres français était rhédibitoire pour de nombreux d’entre-nous. Grâces soient aujourd’hui rendues à Extralucid Films, qui permettra au plus grand nombre de découvrir le film.

« Un monument du cinéma trasngressif enfin visible en France » annonce fièrement la jaquette. Et Extralucid Films peut être fier en effet de permettre aux cinéphiles curieux et avides de curiosités de découvrir cet OVNI oublié, maniant avec talent le grotesque et le WTF absolu. Bien que l’on sente confusément que Sonny Boy comporte, en filigrane, un sous-texte concernant la maltraitance des enfants et la toxicité malsaine de certains environnements familiaux, le film s’impose surtout comme un monument de bande d’exploitation tarée en mode grindhouse redneck, évoquant tout autant Massacre à la tronçonneuse 2 que le polar westernien pré-Tarantino des années 80, des premiers films des frères Coen au formidable Straight to Hell d’Alex Cox.

Sonny Boy est donc une expérience bizarre et hypnotique. Comme vous l’aurez compris, David Carradine y incarne Pearl, un travesti dont l’identité sexuelle reste indéfinie (il n’est jamais fait mention du fait que Pearl est en fait un homme dans une robe), qui s’avérera finalement le personnage le plus aimant et le plus attentionné de la brochette de péquenauds vicieux qui peuplent Sonny Boy. Dans le film, Pearl élève donc un orphelin kidnappé aux côtés de Slue (Paul L. Smith), Weasel (Brad Dourif) et Charlie (Sydney Lassick), qui de leur côté tentent de le « dresser » afin de tuer et voler sur commande. Provocateur et souvent réjouissant, le film de Robert Martin Carroll multiplie les outrances et les débordements, tout autant que les seconds rôles délirants et étranges, qui contibueront à donner au film les atours d’un conte de fées surréaliste.

En effet, et alors qu’on assiste systématiquement aux humiliations et aux tortures infligées au jeune garçon, qui rétrograde lentement de l’humain à l’animal, Sonny Boy développe finalement un certain sentiment de beauté, voire même d’émerveillement. Lorsque le garçon est attaché sur un bûcher ou qu’on le voit se faire traîner par une voiture lancée à pleine vitesse, la douce et innocente partition de Cario Maria Cordio nous propose un contraste assez étonnant et radical. De la même façon, la voix off du jeune garçon nous explique systématiquement au fil du récit que tous ces événements sont bons pour lui, et qu’ils contribuent de plus à rendre son père et sa mère heureux. Et plus Sonny Boy avance, plus on laisse séduire par ces scènes à la fois horribles et magnifiques, d’une beauté brutale, qui s’avèrent aussi répugnantes que véritablement captivantes.

Le Blu-ray

[5/5]

Inédit en France depuis son exploitation sur support VHS chez Delta Vidéo il y a une trentaine d’années, Sonny Boy arrive donc aujourd’hui chez Extralucid Films, dans une superbe édition Blu-ray s’affichant dans un superbe Digipack 2 volets surmonté d’un fourreau. Ce film-culte passionnant, attendu par plusieurs centaines de fans français qui attendaient de pouvoir le revoir dans de bonnes conditions depuis bien longtemps, intègre donc aujourd’hui la riche collection « Extra Culte » de l’éditeur, dédiée aux pépites du cinéma de genre. Il porte sur sa tranche le numéro Extra Culte #10.

Du côté du master à proprement parler, Sonny Boy débarque dans une galette Haute Définition absolument impeccable : force est de constater en effet que le film de Robert Martin Carroll bénéficie pour son arrivée sur support Blu-ray d’un magnifique upgrade Haute-Définition. L’éditeur nous propose Le film a été restauré, et le rendu est impressionnant, imposant un piqué précis tout en conservant la granulation d’origine, assez dense. Bien sûr, certains défauts subsistent, mais le boulot a donc été fait – et bien fait – pour que nous puissions découvrir le film dans les meilleures conditions possibles. Du côté des enceintes, le film est proposé en VF / VO et DTS-HD Master Audio 2.0. Les deux mixages s’avèrent tout à fait satisfaisants, clairs et sans souffle parasite. Un bel écrin pour l’étrange bande originale du film, signée Cario Maria Cordio, et pour le morceau « Maybe it ain’t », interprété par David Carradine lui-même.

Du côté des suppléments, outre la traditionnelle bande-annonce, Extralucid Films nous propose de nous plonger dans un entretien avec Maxime Lachaud (23 minutes). L’auteur de « Redneck movies : ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain », que les cinéphiles amateurs de bandes déviantes connaissent bien pour l’avoir déjà croisé dans les bonus de plusieurs films édités par Artus Films, reviendra sur la drôle de destinée du film, ainsi que sur son contexte de production, ses influences et, évidemment, sur le fait que Sonny Boy était très en avance sur son temps.

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