Critique : Jupiter Le Destin de l’univers

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Jupiter Le Destin de l’univers

Etats-Unis, 2015
Titre original : Jupiter ascending
Réalisateurs : Lana Wachowski, Andy Wachowski
Scénario : Lana et Andy Wachowski
Acteurs : Channing Tatum, Mila Kunis, Eddie Redmayne
Distribution : Warner Bros.
Durée : 2h08
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 4 février 2015

Note : 2,5/5

Malgré toute sa splendeur visuelle, l’univers des Wachowski suscite chez nous presque toujours au moins autant de frustrations que d’admiration. Leur propension incontrôlable de conférer un fond lourdement philosophique à leurs aventures du futur finit ainsi invariablement par plomber l’envol esthétique de films, qui souffrent souvent de cette différence béante entre l’agilité de la forme et la pesanteur du fond. Leur nouvelle épopée ne fait point exception à la règle, puisque Jupiter Le Destin de l’univers conte une histoire ennuyeusement farfelue à travers des images sensiblement plus dépaysantes.

Synopsis : Jupiter Jones a hérité son attirance pour les étoiles de son père russe, décédé avant qu’elle ne soit née, en essayant de protéger son télescope d’une bande de cambrioleurs. Sa mère avait préféré s’exiler aux Etats-Unis, où Jupiter travaille désormais à ses côtés comme femme de ménage. Faute d’argent pour réaliser son rêve d’observer de près le ciel étoilé, la jeune femme accepte le plan de son cousin de vendre ses ovules à une clinique de fertilité. L’opération tourne mal et Jupiter se réveille chez Caine Wise, un ancien chasseur militaire génétiquement modifié, qui est censé la capturer pour le compte de Titus, un des héritiers de la puissante famille intergalactique des Abrasax. Caine l’avait sauvée de justesse d’une mort certaine entre les mains des sbires de Balem, le puissant propriétaire de la Terre et frère aîné de Titus.

Toujours la même rengaine

Il suffit de lire le synopsis nullement embelli pour se rendre compte à quel point l’intrigue de cet opéra de l’espace est tirée par les cheveux. A sa défense, on pourrait dire qu’elle n’est pas plus abracadabrante que ce qui se fait de nos jours à la chaîne dans les grands studios hollywoodiens, en termes de récits héroïques. Dans des scénarios à la paresse consternante, ceux-ci voient s’affronter les forces du bien et du mal selon des règles établies depuis des millénaires et pratiquement jamais mises en question. Car l’aspect le plus agaçant de cette renaissance du fantastique, d’ores et déjà à bout de souffle, est que l’envergure des moyens techniques et matériels investis ne débouche que dans des cas extrêmement rares sur une œuvre réellement originale et visionnaire. Les Wachowski avaient eu la malchance de signer un film révolutionnaire au début de leur carrière – l’indémodable Matrix –, un cadeau du ciel cinématographique qui se venge depuis cruellement avec chaque nouvelle production. Hélas, la malédiction est fabriquée maison. Tandis que le talent formel de Lana et Andy stagne à un niveau tout de même élevé, leur goût démesuré pour des théories susceptibles de réinventer la vision du monde et de l’humanité à coups de réinterprétations théocratiques enferme leur univers dans le cercle vicieux de l’onanisme philosophique. C’est la nature même de divertissement que les films des réalisateurs minent avec leur inlassable retour à l’hypothèse d’un monde parallèle, passionnante au début du parcours de Neo, affligeante dans toutes ses variations ultérieures.

Une bouillie de l’espace

La recette du septième film des Wachowski sent donc le réchauffé, aussi spectaculaire quelques séquences prises individuellement soient-elles. Le côté conte de fées de la première partie du film s’estompe assez rapidement, au profit d’une succession guère intéressante de stratagèmes politiques pour asseoir le pouvoir de l’héritière insoupçonnée. Après une parenthèse administrative si étroitement inspirée de l’univers de Terry Gilliam que celui-ci y fait une courte apparition, le reste du film peut se résumer à une suite répétitive de batailles épiques tonitruantes, presque aussi interchangeables que les allégeances que le personnage principal accepte avant de mener le jeu selon ses propres règles. Les rares éléments profondément mauvais du film, comme l’interprétation ahurissante de Eddie Redmayne en méchant mi-léthargique, mi-psychotique, ont un impact très limité sur le flux narratif pas complètement exsangue, qui paraît au contraire célébrer une forme abstraite de médiocrité. Car au fond, il nous semble qu’il n’y a rien à comprendre, ni à retenir de ce charabia cosmique, si ce n’est la triste certitude que nous ne verrons sans doute plus jamais un film exceptionnel de la part des Wachowski.

Conclusion

Il doit rester quelques fans indécrottables des mondes imaginaires sortis tout droit de l’esprit en perte de vitesse des Wachowski. Puisque nous n’en faisons pas partie et que notre bonne volonté arrive à bout de pardonner chaque nouveau faux pas à cause d’un coup de maître lointain, nous ne pouvons qu’exprimer notre indifférence totale face à ce spectacle qui se veut profond et puissant, mais qui risque au contraire de se perdre irrémédiablement en chemin à plusieurs reprises. En somme, un film des Wachowski de plus qui confirme tout le mal – ou tout le bien – que l’on peut penser de leur cinéma, au moins cohérent et fidèle à lui-même.

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