Festival de Clermont 2015 : Deux documentaires Labo

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Parmi les documentaires présentés pour la compétition Labo au Festival du court métrage à Clermont-Ferrand, deux se font particulièrement écho, qui peuvent être mis en regard : l’un, S, recueille le témoignage d’une prostituée quand l’autre, Onder Ons (Parmi nous), rapporte ceux de trois adolescents pédophiles. Le second, outre la précieuse valeur de document qu’il partage à égalité avec le premier, explore plus avant le potentiel poétique du genre documentaire.

Lab

S

Royaume Uni, Hongrie, 2014
Réalisateur : Richárd Hajdú
Durée : 19min
Genre : Documentaire

Synopsis : Un documentaire tourné à Londres qui relate la vie d’une jeune prostituée originaire d’Europe de l’Est et sa relation passionnelle avec son mac.

Jana, la prostituée de S, est la victime quotidienne des pulsions sexuelles les plus violentes mais surtout les plus « tordues », comme elle le dit, des hommes de Londres. Et ce, avec l’encouragement (voire sous la contrainte) de son compagnon, mec qui s’apparente fortement à un mac.
Dans S, Jana confie qu’elle a commencé la prostitution à l’âge de seize ans, quand sa famille l’a mise à la porte à cause d’une grossesse prématurée. Et c’est quand elle avait seize ans, souligne la jeune femme frêle, que les clients se dirigeaient vers elle avec le plus d’enthousiasme, surtout les clients les plus âgés. Comme si la jeune femme devait, en tant que prostituée, canaliser, du moins absorber les pulsions sexuelles malsaines et décalées de la société où elle s’était jetée dans l’espoir de faire des études. Devant la caméra, le compagnon de la jeune femme exprime sa compassion envers elle, et le désir qu’il a qu’elle cesse de travailler en tant que prostituée. Caméra cachée, il fait preuve de la même violence physique envers elle que celle que Jana décrit chez ses clients. Une hypocrisie qui exacerbe la monstruosité de tels hommes, et l’incapacité de telles femmes à sortir du cercle vicieux. Le documentaire, procédant par l’alternance entre caméra ouverte et caméra cachée, audition du couple et audition de la jeune femme seule, révèle les rouages, à l’échelle individuelle, d’une certaine prostitution en Europe aujourd’hui.

Onder Ons (Parmi nous)

Pays-Bas 2014
Réalisateur : Guido Hendrikx
Durée : 24min
Genre : Documentaire expérimental

Synopsis : Trois pédophiles nous livrent un récit impitoyable de leurs expériences. Comment assumer une orientation sexuelle jugée morbide par toute la société, y compris par soi-même ?

Les jeunes hommes qui témoignent, en voix off, dans le documentaire Onder Ons, révèlent leur vice dans tout son paradoxe : sensibles à la beauté des enfants, conscients du caractère décalé et moralement inacceptable de ce penchant, ils confient les interrogations qu’ils ont traversées concernant les limites à ne pas franchir dans leurs comportements. La plupart affirme qu’ils vivent ce penchant comme une pulsion, une obsession dont ils savent qu’ils ne pourront jamais se débarrasser, mais seulement en maîtriser les actes qui pourraient en découler. L’interrogation et l’introspection, la culpabilité et le sentiment moral ont circonscrit précisément les limites qu’ils semblent n’avoir jamais franchies.
Ce triple témoignage, délicat en raison même de son sujet et également du besoin absolu de l’anonymat de ses témoins, a conduit à l’expérimentation d’un documentaire court assez contemplatif, voire métaphysique, où les voix, comme des confessions, se superposent à des paysages tourmentés, à de l’imagerie cérébrale, à la rotation infernale de la branche d’une attraction dans un parc… de telle sorte que leur penchant est traitée comme une pathologie qu’il s’agit pour eux de maîtriser.

Dans S, Jana est la victime innocente de pulsions excessives et de déviances violentes que des hommes (qu’il s’agisse de ses clients ou de son compagnon) n’éprouvent pas le besoin ni la nécessité d’inhiber comme s’efforcent au contraire à le faire les adolescents de Onder Ons. Dans les deux cas, la prostituée et les pédophiles interrogés placent la culpabilité au cœur de leur existence. Dans S, Jana confie, gênée, la culpabilité qu’elle éprouve vis-à-vis d’elle-même et surtout de ses enfants. Dans Onder Ons, les garçons cherchent une forme de rédemption dans le maintien de sentiments amoureux innocents et donc purs.

Conclusion

Ainsi les deux documentaires explorent-ils chacun un aspect (de façon plus ou moins optimiste) d’un même problème de société, à savoir, si l’on peut dire, la répartition incontrôlée, dans l’espace social, qu’il soit légal ou pas, occulté ou non, de pulsions sexuelles à caractère pathologique et qui ne peut s’assouvir que par la violence.

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