Test Blu-ray : The Street Fighter – L’Intégrale

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The Street Fighter – L’Intégrale

Japon : 1974
Titre original : Gekitotsu ! Satsujin ken / Satsujin ken 2 / Gyakushû ! Satsujin ken
Réalisation : Shigehiro Ozawa
Scénario : Shigehiro Ozawa, Koji Takada
Acteurs : Sonny Chiba, Waichi Yamada, Reiko Ike
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h31 / 1h23 / 1h23
Genre : Action, Arts Martiaux
Date de sortie Blu-ray : 31 mars 2023

Takuma Tsurugi est un mercenaire louant ses services pour des missions difficiles. Expert en arts martiaux, il a la réputation d’être impitoyable. Après avoir refusé de kidnapper l’héritière d’une société pétrolière, il devra affronter, dans The Street Fighter, les Cinq Dragons de Hong Kong, une dangereuse organisation criminelle. Dans Return of the Street Fighter, Tsurugi revient pour s’opposer à une famille de yakuzas qui rançonne les écoles d’arts martiaux et corrompt la police. Enfin, dans The Street Fighter’s Last Revenge, notre karatéka de choc est engagé afin de récupérer une cassette contenant un enregistrement compromettant pour le gouvernement japonais…

Les Films

[4/5]

Encore relativement peu connue en France, la saga The Street Fighter est une série de trois films japonais, produits par la Toei et réalisés par Shigehiro Ozawa. Au Japon, les trois films de la trilogie sont sortis la même année, en 1974, à quelques mois de décalage les uns des autres. En France, et d’une façon assez curieuse, seul le deuxième épisode a été distribué dans les salles obscures, en 1977, sous le titre Autant en emporte mon nunchaku. Il va sans dire que ces trois films furent conçus en leur temps comme un véritable véhicule dédié à la gloire de Sonny Chiba, trois bandes démo destinées à l’ériger en équivalent japonais d’un Bruce Lee.

Bruce Lee bien sûr, c’était le phénomène mondial au début des années 70, et la Toei ne pouvait pas tenter de créer « son » Bruce Lee maison en la personne de Sonny Chiba. Véritable force de la nature, l’acteur se donne d’ailleurs corps et âme devant la caméra de Shigehiro Ozawa, singeant les mimiques du héros de La Fureur de vaincre, et nous offrant au cœur de la saga The Street Fighter une performance si furieuse et complète qu’elle parviendra au final à maintenir – quasiment à elle seule – la cohésion de cette franchise occasionnellement versatile, voire bancale, inaugurée par un pur film de baston et d’arts martiaux mais qui se terminera sur un film d’aventures quasiment à la James Bond.

Vous l’aurez compris, la saga The Street Fighter n’est peut-être pas un exemple frappant de « cohérence » en termes de continuité narrative ou même d’homogénéité, les producteurs et le réalisateur ayant tenté au fil des films d’affiner leur formule, peut-être pour ne pas avoir l’impression de signer toujours le même film. Ce qui est constant tout au long de la série en revanche, c’est donc Sonny Chiba, qui incarne avec un engagement total le personnage de Takuma Tsurugi, mercenaire karaté au comportement borderline, peu aimable, misogyne, ultra-violent, susceptible et revanchard. Un personnage d’ordure qui à coup sûr inspirera d’autres anti-héros dans les années qui suivraient : son absence manifeste de morale et de pitié se retrouveront ainsi dans des personnages de mangas tels que Ken le Survivant ou Ryô Narushima, héros de la série Coq de combat (1998-2015), qui fut adaptée au cinéma par Soi Cheang en 2007.

L’influence de la saga The Street Fighter sur ces deux séries de mangas est d’autant plus manifeste qu’en plus de nous proposer un personnage central badass à la morale plus qu’élastique, les auteurs de ces œuvres ont également largement recyclé les outrances et les exagérations décomplexées des films de Shigehiro Ozawa en termes de violence. Chaque coup de pied, chaque coup de poing porté par Sonny Chiba provoque des ravages incommensurables, et il ne s’arrêtera devant rien pour gagner un combat, arrachant la glotte ou le cœur de ses adversaires sans se poser de questions. Dans une séquence mémorable de Return of the Street Fighter (alias Autant en emporte mon nunchaku), un coup porté par Takuma Tsurugi fera carrément sauter les yeux de son assaillant de leurs orbites ! Le carnage est tel qu’à sa sortie aux États-Unis dans les années 70, The Street Fighter a été le premier film classé X pour sa violence.

S’il est probablement le plus riche des trois en termes de débordements graphiques (en nous proposant notamment une castration à mains nues), le premier film de la saga The Street Fighter permettra surtout à Shigehiro Ozawa de poser le personnage de Takuma Tsurugi, et de le faire se battre avec le plus de bad guys possible. Entre deux séquences vraiment superbes (ce final sous la pluie !), on y découvrira donc surtout une ambiance et un personnage qui, quand il commence à se battre, est enclin à une emphase peu commune : il semble jouer sa vie à chaque mouvement de karaté, insufflant fureur et précision à chacun de ses gestes et se frayant un chemin à travers des vagues quasi-ininterrompues d’ennemis. The Street Fighter marque une rupture avec le cinéma d’arts martiaux traditionnel, qui célébrait le style, la discipline et la finesse – Shigehiro Ozawa préfère clairement le sadisme et la brutalité féroce à la beauté des mouvements. En arrière-plan du déluge d’action néanmoins, The Street Fighter en profite également pour dresser un portrait bien peu flatteur du Japon de l’époque : sur fond de crise pétrolière internationale, le film dépeint une nation livrée à elle-même, où la police n’a plus aucun pouvoir et où le crime organisé semble dominer la société toute entière.

Exit le commentaire social dans Return of the Street Fighter, la Toei a senti le filon et tente de relancer la machine avec un deuxième opus ayant un peu le cul entre deux chaises, et à l’occasion duquel la production fera revenir un vieil ennemi voulant la mort du personnage-titre. Bien que la brutalité soit toujours présente, ce deuxième film se révèlera rapidement moins « enfiévré », moins frontal que le précédent. Le réalisateur Shigehiro Ozawa nous y offre une sous-intrigue qui oppose des flics et des membres de la mafia, tandis que l’action se déplacera à travers le Japon, notamment dans une station de ski, ce qui nous offrira une belle scène de baston prenant place à l’intérieur d’un spa. La sauvagerie quasi-animale de Takuma Tsurugi s’atténue néanmoins : on le sent notamment dans la façon dont, à l’écran, il étoffe un peu sa garde-robe et ne porte plus les tenues hors du temps qu’il ne quittait pas tout au long du premier film. Ces concessions opérées par la production et Shigehiro Ozawa permettent à Return of the Street Fighter de s’inscrire davantage dans les tendances de l’époque, et d’orienter le film vers l’espionnage / action.

On a retrouvé pour vous…

La critique de Autant en emporte mon nunchaku (Return of the Street Fighter), signée Gilles Cèbe et publiée dans le numéro #58 de la revue Écran (mai 1977). On vous la présente dans son jus, en espérant qu’elle vous fasse autant sourire que nous !

« Spectacle bestial et primitif, où l’on voit des costauds débiles casser des briques avec la tête et plier des barres de fer, où tout le monde se massacre un peu partout et même (est-ce une innovation dans le genre ?) dans la neige, avec un zeste d’érotisme très chaste et sournois (sournois, car la séductrice est une vilaine traîtresse que le héros a tôt fait de corriger). Pas d’innovation dans ce film imbécile donc, si ce n’est une curieuse version créole qui, au second degré, donne un certain piment à l’entreprise. N’empêche que tout cela a été réalisé avec les pieds et joué de même par une bande de karatékas grimaçants, dont une espèce de faux Bruce Lee nommé Chiba. Mais, comme le dit un prospectus distribué à l’entrée de la salle, en créole dans le texte, « Missié Chiba y enco pli fô ki l’ôt la ». Alors, à bon entendeur… »

L’aspect espionnage / action développé dans Return of the Street Fighter sera encore plus clairement mis en avant dans The Street Fighter’s Last Revenge, le film donnant l’occasion à Sonny Chiba passer de la bête sauvage à l’homme de style et d’action en mode James Bond. L’énergie est certes toujours de la partie, de même que la violence, mais l’ensemble est plus fantaisiste, plus « Pop » et marqué dans son époque, avec des passages flirtant gentiment avec le « Wtf » le plus total, notamment avec le tueur mariachi et son arme à rayon laser. Dans The Street Fighter’s Last Revenge, Takuma Tsurugi utilisera des subterfuges – et des masques – dignes de Mission : Impossible et portera le smoking, mais cela ne fait pas pour autant tout à fait un James Bond du film de Shigehiro Ozawa : notre héros est toujours un parfait misogyne, et le film affichera de nombreuses scènes de nudité totalement gratuite, la vedette féminine Reiko Ike passant une bonne partie de l’intrigue à se balader les seins à l’air.

Ainsi, si les films de la saga The Street Fighter varient dans leurs approches créatives, qui s’avèrent légèrement différentes d’un film à l’autre, l’ensemble tient encore parfaitement debout presque cinquante ans après sa sortie, et s’avère même à vrai dire encore assez stupéfiant dans ses outrances et son style visuel, énergique et parfois très novateur. Du cinéma direct comme un coup de karaté dans ta face de rat !

Pour terminer, on notera que si la saga The Street Fighter n’a eu que peu de retentissement dans l’hexagone depuis sa sortie, elle s’est rapidement imposée comme l’objet d’un culte assez ardent dans le reste du monde. Avant même la sortie du troisième film mettant en scène Sonny Chiba, la Toei a ainsi prolongé la série avec un spin-off appelé Sister Street Fighter (ou La Karatigresse aux mains d’acier en VF), et mettant en scène un personnage féminin interprété par Etsuko Shihomi. La saga Sister Street Fighter comptera également trois films. Dans le domaine du jeu vidéo, le premier film de la saga et sa fameuse scène proposée en rayons X a été reprise pour les séries de jeux Mortal Kombat et Sniper Elite. Le jeu vidéo The Darkness (2007), adapté du comic-book créé par Marc Silvestri, Garth Ennis et David Wohl, permettait au joueur de visionner l’intégralité du premier film sur l’une des télévisions du jeu. Enfin, la saga avait connu un regain de popularité en 1993 grâce au film True Romance, réalisé par Tony Scott et écrit par Quentin Tarantino : Clarence et Alabama, les deux personnages principaux du film, s’y faisaient en effet un « marathon Street Fighter ». Le même Quentin Tarantino avait d’ailleurs classé The Street Fighter au 13ème rang de sa liste des 20 meilleurs films « Grindhouse » en 2009.

Le coffret Blu-ray

[5/5]

C’est donc Le Chat qui fume qui nous propose donc de (re)découvrir cette intégrale The Street Fighter dans un coffret Blu-ray, proposant les films au format respecté, version intégrale et encodés en 1080p. Comme d’habitude avec l’éditeur, le tout est proposé dans un superbe coffret Digipack trois volets surmonté d’un fourreau aux couleurs des films, et dont la composition graphique est signée Frédéric Domont, qui à nouveau nous livre ici un superbe boulot. Le choix des couleurs et le fond utilisé (spirale rouge et jaune) évoquent forcément le coffret DVD édité par HK Vidéo en 2006 – un sympathique clin d’œil visuel de la part de Frédéric Domont.

Côté image, les trois Blu-ray qui composent cette intégrale The Street Fighter sont de très bonne facture : même si quelques rayures et autres marques du temps apparaissent occasionnellement, même si les scènes nocturnes affichent de légers fourmillements, le grain argentique a été scrupuleusement préservé, la définition est accrue et les couleurs éclatantes. Le grain cinéma est d’une rare finesse et vraiment superbe pour un film de cet âge. Les contrastes sont francs et les couleurs vives ressortent bien. Les niveaux de noir sont excellents, et confèrent à l’image une grande sensation de profondeur. Bref, le transfert est de toute beauté. Côté son, la VO (avec des sous-titres français) est la seule option proposée, en DTS-HD Master Audio 2.0, et les mixages sont tout à fait clairs et équilibrés : c’est donc très satisfaisant, même si on regrette que Le Chat qui fume n’ait pu remettre la main sur la VF de 1977 pour Return of the Street Fighter. La page Wikipédia du film ainsi que les affiches que l’on peut trouver un peu partout sur le Net évoquent également l’existence d’un doublage en créole. Honnêtement, on aurait aimé pouvoir entendre ça pour rigoler un peu.

Dans la section suppléments, les trois films bénéficient d’une présentation de Fabien Mauro. Contributeur régulier pour les revues Otomo et Rockyrama, auteur de plusieurs livres sur le cinéma japonais, Fabien Mauro nous livre donc trois présentations ayant l’avantage d’être carrées, rigoureuses et argumentées. On sent que le bonhomme est passionné par cette époque et ses remises en contexte sont extrêmement intéressantes et assez riches en anecdotes liées au tournage et à la production. Bien entendu, il passera beaucoup plus de temps à aborder les qualités du premier Street Fighter (24 minutes) que celles de Return of the Street Fighter (7 minutes) et de The Street Fighter’s Last Revenge (11 minutes).

En plus des traditionnelles bandes-annonces, on terminera le tour des bonus par un entretien avec Fathi Beddiar (52 minutes), qui, comme toujours lorsqu’il intervient dans les suppléments estampillés Le Chat qui fume, s’avère absolument passionnant, donnant l’impression d’une discussion à bâtons rompus entre potes cinéphiles. Tout en savourant un barreau de chaise, il évoquera ses souvenirs de la découverte de ses premiers films de Sonny Chiba, au cinéma « Le Trianon », considéré comme la maison du Karaté. Il se remémorera sa découverte de Sunsi le formidable karatéka et de Autant en emporte mon nunchaku, et de son admiration pour Chiba qui représentait « le chaînon manquant entre Toshiro Mifune et Bruce Lee ». Il évoquera également l’importance de Christophe Gans dans la sortie des films de Sonny Chiba en France, se souviendra de la « chasse au trésor » pour trouver des films de l’acteur en VHS dans les années 80/90, et notamment du choc ressenti devant l’une des pièces maîtresses de la carrière de l’acteur, Le Justicier d’Okinawa. Il évoquera également la prestation de l’acteur dans la série X-Or, diffusée dans Récré A2, etc, etc. Passionnant ! Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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