Critique : L’éducation d’Ademoka

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L’éducation d’Ademoka

kazakhstan, France : 2022
Titre original :
Réalisation : Adilkhan Yerzhanov
Scénario : Adilkhan Yerzhanov
Interprètes : Adema Yerzhanova, Daniyar Alshinov, Bolat Kalymbetov
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h29
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie : 12 juillet 2023

3.5/5

Quand bien même son film Ukkili kamshat avait été projeté en séance spéciale au Festival de Cannes 2014, ce n’est qu’en 2018 que le réalisateur kazakhstanais Adilkhan Yerzhanov, fils d’un mathématicien devenu inspecteur des finances et d’une professeur de littérature russe, a gagné une (trop petite, malheureusement !) réputation internationale avec son 5ème long métrage, La tendre indifférence du monde, présenté cette année là dans la sélection Un Certain Regard. Sorti en même temps que Assaut, L’éducation d’Ademoka est le 12ème film d’Adilkhan Yerzhanov. Ce réalisateur prolifique (14 films en un peu plus de 10 ans) a fait l’objet d’un hommage au Festival de La Rochelle 2023.

Synopsis : La jeune Ademoka souhaite aller à l’école mais son statut de Lyuli – sorte de gitan d’Asie Centrale – la destine à la mendicité. Erkin, autrefois écrivain célèbre, aujourd’hui professeur insolite, vient d’être renvoyé de son école. Il va repérer le talent d’Ademoka et décide de la prendre sous son aile, en lui transmettant une éducation.

Un objectif bien ancré chez Ademoka !

Jeune fille de 15 ans aux cheveux rouges, sans papier, vivant dans l’illégalité dans un campement au Kazakhstan avec sa famille mais venant du Tadjikistan et membre du peuple Lyuli, le destin d’Ademoka est en principe tout tracé : elle vivra de la mendicité, une mendicité qui, vous vous en doutez, se fait sous la coupe de mafieux sans scrupules. Toutefois, Ademoka a, bien ancré en elle, un tout autre objectif : aller à l’école, poursuivre des études. Un objectif d’autant plus raisonnable qu’elle est très douée et qu’elle a un talent certain pour le dessin. Un talent qu’un policier va découvrir à l’occasion d’un contrôle de police et qui va l’amener à conseiller à Ademoka de se rendre dans l’école toute proche afin d’aller voir de sa part un professeur de littérature et de philosophie, Mr Akhav. Problème : Mr. Akhav, un peu trop porté sur la bouteille, n’est plus en odeur de sainteté dans l’école qui l’employait, une école en principe réservée à l’élite. Pour Ademoka qui n’a pas la citoyenneté adéquate, c’est donc un véritable parcours du combattant qui l’attend, un parcours du combattant qu’elle va entreprendre avec l’aide plutôt folklorique de Mr. Akhav et qui consiste en un certain nombre d’examens qu’il lui faut réussir face à un jury qui prend un malin plaisir à vouloir la voir échouer.

Un humour tout à la fois décalé, poétique et corrosif

Il y avait bien sûr de très nombreuses façons de traiter au cinéma ce sujet d’une adolescente immigrée sans papier et sans moyens financiers qui désire entreprendre des études dans une école en principe réservée à l’élite. On commence à connaitre Adilkhan Yerzhanov et c‘est avec un très grand plaisir qu’on retrouve sa façon de faire qu’on avait beaucoup aimé dans La tendre indifférence du monde et qui consiste à traiter de sujets sérieux avec un humour tout à la fois décalé, poétique et corrosif, une façon de faire qui permet de placer ce réalisateur kazakhstanais aux côtés du finlandais Aki Kaurismäki et du palestinien Elia Suleiman. Dans L’éducation d’Ademoka, Adilkhan Yerzhanov réussit le tour de force de nous faire rire à plusieurs reprises, par exemple en faisant installer par la police un portique de détection en plein milieu d’une route, tout en insistant sur l’importance que devraient revêtir partout dans le monde l’égalité des chances et la possibilité offerte à toutes et à tous d’accéder à la culture, et en ne manquant pas une occasion de fustiger la corruption qui règne dans son pays et le caractère ubuesque de son administration. Le choix de Adema Yerzhanova pour incarner Ademoka s’avère très judicieux, cette jeune fille apportant sa grande placidité à un rôle dans lequel elle a peu à s’exprimer. Daniyar Alshinov, l’interprète de Mr. Akhav est un habitué du cinéma de Adilkhan Yerzhanov, mais, chez nous, il est surtout connu pour son interprétation d’Isaak Turgun auprès de Céline Sallette dans la série Infinity diffusée l’an dernier sur Canal+.

Conclusion

C’est avec un grand plaisir qu’on retrouve le cinéma du réalisateur kazakhstanais Adilkhan Yerzhanov, un cinéma tout à la fois drôle, décalé, poétique et corrosif. Yerzhanov n’appuie jamais ses effets mais la façon, par exemple, dont il dénonce la corruption qui règne dans son pays arrive malgré tout à être d’une grande force.

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