Test Blu-ray : Les Misérables – Deux époques

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Les Misérables – Deux époques

France, Allemagne de l’Ouest, Italie : 1958
Titre original : –
Réalisation : Jean-Paul Le Chanois
Scénario : Jean-Paul Le Chanois, René Barjavel
Acteurs : Jean Gabin, Bernard Blier, Bourvil
Éditeur : Pathé
Durée : 3h12
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 23 mars 1949
Date de sortie DVD/BR : 6 novembre 2024

En 1818, un paysan, Jean Valjean parvient à s’évader du bagne de Toulon après vingt ans de travaux forcés (après avoir été injustement condamné). Jean Valjean revient en France où il aspire enfin à la tranquilité et au bonheur. Son destin bascule avec la rencontre de l’évêque de Digne, Mgr Myriel…

Le film

[4/5]

Il y a eu énormément d’adaptations de l’œuvre de Victor Hugo « Les Misérables », mais bien peu d’entre-elles sont parvenues à marquer autant les mémoires que celle réalisée en 1958 par Jean-Paul Le Chanois. D’une durée de trois heures, Les Misérables est une des rares coproductions cinématographiques entre la France, l’Italie et la République Démocratique Allemande (RDA). Il a la particularité d’avoir été réalisé en « deux époques » par Jean-Paul Le Chanois : le film était exploité sous la forme d’un long-métrage de trois heures et des brouettes, avec un long entracte musical en son milieu, mais l’ellipse temporelle suggérée par l’entracte avait permis au distributeur de l’époque de proposer deux affiches différentes pour un seul et même film.

Ce film, on le nommera aujourd’hui Les Misérables – Deux époques, car depuis la sortie du film en VHS, puis en DVD, exit l’entracte : le film est divisé en deux parties distinctes. Le scénario du film est le fruit d’une étroite collaboration entre Jean-Paul Le Chanois et René Barjavel : si l’ensemble est très moyennement respectueux de la trame romanesque, il en constitue néanmoins une adaptation étonnamment efficace du roman, dans le sens où le film parvient à restituer l’essentiel des déploiements dramatiques de l’œuvre de Victor Hugo.

L’intrigue souffre toujours légèrement d’une surabondance de bons sentiments, propre à l’emphase du pavé de Victor Hugo, mais le Jean Valjean interprété ici par Jean Gabin est finalement ici moins désigné comme une victime des circonstances que comme un ancien détenu avisé, qui comprendra que la moralité est un privilège que seuls les riches peuvent s’offrir. Les cas de conscience du personnage principal sont ainsi illustrés à l’écran par des images nous montrant les éléments qui se déchainent, et l’opposition entre Gabin et Bourvil qui campe le sournois Thénardier est un des éléments les plus impressionnants du film – le fait de découvrir l’éternel ahuri André Bourvil dans un rôle de vrai « méchant » est une des raisons qui font la force de Les Misérables – Deux époques.

Bien sûr, en 1958, Les Misérables – Deux époques se posait de façon claire et nette comme un représentant d’un certain classicisme à la Française : la source littéraire, le tournage en studio, les acteurs plus tout jeunes… Tout cela représentait en gros ce sur quoi les jeunes loups de la Nouvelle Vague tenteraient de tirer un trait dans les années qui suivraient. Mais ce classicisme forcené est indéniablement une des grandes qualités du film de Jean-Paul Le Chanois, qui serait par la force des choses l’un des derniers représentants du genre, et demeure à ce titre une relique fascinante d’un cinéma de qualité comme on n’en fait plus. Et, plus de soixante ans après les guerres fratricides ayant divisé le Cinéma de l’ancienne garde et la Nouvelle Vague, il nous semble tout à fait incroyable, en tant que cinéphile, de découvrir aujourd’hui le défilé d’acteurs formidables au générique du film. Outre Jean Gabin et Bourvil, on notera également la présence de Bernard Blier dans la peau de Javert, de Danièle Delorme dans la peau de Fantine, de Silvia Monfort (Éponine), Giani Esposito (Marius), Serge Reggiani (Enjolras), mais également toute une pelletée de seconds-rôles talentueux, tels que Fernand Ledoux, Lucien Baroux, Jean Murat…

Coproduction internationale oblige, Les Misérables – Deux époques avait également bénéficié d’un budget confortable, qui permettrait à Jean-Paul Le Chanois de nous proposer une œuvre techniquement remarquable, nous donnant à voir des reconstitutions assez grandioses de la bataille de Waterloo et de l’insurrection de juin 1832 à Paris. Certaines scènes furent d’ailleurs tournées en décors naturels lorsque l’action l’exigeait, et des costumes avaient été conçus pour rien de moins que 10.000 figurants. On notera par ailleurs que la musique du film a été composée par Georges van Parys (Fanfan la Tulipe, Le Mouton à cinq pattes, Les Diaboliques…). Un film à réhabiliter de toute urgence !

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est donc aujourd’hui sous les couleurs de Pathé que Les Misérables – Deux époques passe aujourd’hui le cap de la Haute Définition, venant pour l’occasion grossir les rangs de la prestigieuse collection « Version restaurée par Pathé » initiée il y a quelques années maintenant par l’éditeur français, et réunissant une belle série de perles cinématographiques allant des classiques reconnus (Les Enfants du Paradis de Marcel Carné, Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque …) aux films méritant une réhabilitation immédiate (Au P’tit Zouave de Gilles Grangier, Boulevard de Julien Duvivier, Showgirls de Paul Verhoeven…). Et comme d’habitude, le boulot de restauration effectué ici sur Les Misérables – Deux époques par les équipes de Pathé est assez bluffant : le film de Jean-Paul Le Chanois bénéficie d’une copie de toute beauté, respectueuse de la granulation d’origine, mais proposant un piqué précis et des contrastes soignés : l’image est littéralement superbe, irréprochable, et affichant une stabilité exemplaire. Bien sûr, les couleurs ne sont pas en reste, et s’avèrent absolument chatoyantes, même si bien entendu on pourra noter une baisse de définition sensible sur les plans à effets. Du côté des pistes son, Pathé nous propose un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 propre, net et équilibré, malgré d’inévitables saturations dues au temps. Un superbe boulot de restauration à ne manquer sous aucun prétexte.

Côté suppléments, on commencera avec une présentation du film par Delphine Gleizes et Arnaud Laster (28 minutes). Les interventions croisées de ces deux spécialistes de Victor Hugo de revenir sur l’œuvre du romantique et d’évoquer ses nombreuses adaptations au cinéma, avant de se concentrer sur la version signée Jean-Paul Le Chanois et René Barjavel : ils remettront Les Misérables – Deux époques dans son contexte de production, reviendront sur les thématiques abordées par le film, les acteurs et les conditions de tournage, la recréation des décors, et termineront sur le grand succès du film dans les salles françaises (presque dix millions d’entrées). Pour terminer, on trouvera également une intéressante archive de l’INA : un entretien avec Bernard Blier et Jean-Paul Le Chanois, réalisé pour la télévision en 1958 (6 minutes). Le cinéaste y évoquera principalement sa volonté de rester fidèle à Victor Hugo, et l’excellent Bernard Blier reviendra sur son rôle de Javert, et plus largement sur son attachement aux rôles de personnages antipathiques.

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