Test Blu-ray : Le château de l’araignée

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Le château de l’araignée

 
Japon : 1957
Titre original : Kumonosu-jô
Réalisateur : Akira Kurosawa
Scénario : Akira Kurosawa, Hideo Oguni, Shinobu Hashimoto, Ryûzô Kikushima
Acteurs : Toshirô Mifune, Minoru Chiaki, Isuzu Yamada
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h50
Genre : Drame, Aventures
Date de sortie cinéma : 27 avril 1966
Date de sortie DVD/BR : 8 mars 2017

 

 

Dans le Japon du XVIème siècle, en proie à d’incessants conflits féodaux, deux vaillants guerriers, Washizu et Miki, se perdent en forêt. Ils rencontrent une sorcière qui leur prédit un grand avenir et promet à Washizu qu’il prendra la place de son Seigneur. Promus à leur retour du combat, les deux hommes savourent ces honneurs. Mais l’épouse de Washizu pousse ce dernier à aller encore plus loin dans sa course au pouvoir…

 

 

Le film

[4,5/5]

Avec Le château de l’araignée, Akira Kurosawa opte pour une adaptation libre du Macbeth de William Shakespeare, en faisant le choix de le situer au Japon médiéval et de reprendre, afin d’amplifier encore l’intensité grave et lyrique de son récit, les codes du théâtre Nô. Le cinéaste japonais choisit donc la voie de la sobriété, de l’austérité presque, dans sa mise en scène : baignant son récit dans la brume, privilégiant des compositions de plans fixes et épurées (qui demeurent néanmoins puissamment iconiques), qui tendent d’ailleurs souvent, à force de symétrie, à « enfermer » les personnages dans le cadre, le film de Kurosawa privilégie l’ellipse, le non-dit, et évite même de façon très habile les passages les plus attendus (la mort de Miki se fera hors-champ). De la même façon, si l’on excepte la forêt qui héberge « l’esprit », aux lignes volontairement baroques, les décors sont on ne peut plus spartiates ; même le fameux « château » du titre n’a rien de flamboyant ou de somptueux : il est juste un symbole quasi-contrat d’un pouvoir corrupteur et fugace, et apparaît finalement fort logiquement comme assez fragile, construit en lignes principalement horizontales.

A cet ascétisme formel et aux codes du théâtre Nô, exigeant des acteurs qu’ils se déplacent peu et compriment leurs énergies, s’oppose donc l’emphase du récit de Shakespeare, conte de la folie et de la soif de pouvoir mortifère. Et pourtant, Le château de l’araignée fonctionne à plein régime, à travers les expressions des acteurs, qui correspondent à quelques-uns des 138 masques stylisés du Nô, et notamment grâce au jeu enfiévré de Toshiro Mifune (dont le regard enragé reste d’une impressionnante intensité, même quand il se situe à l’arrière-plan) et d’Isuzu Yamada, à qui Kurosawa confie une présence spectrale plaçant souvent le film aux limites du fantastique.

Revu en 2017, Le château de l’araignée apparaît encore, soixante ans après sa réalisation, comme un véritable chef d’œuvre. S’il s’agit certes d’un des films de Kurosawa les plus épurés (on est loin du délire baroque et grandiloquent de Ran), le film s’impose sans peine comme une parfaite réussite esthétique, d’un point de vue narratif (le mariage entre les cultures occidentales et orientales est pleinement réussi), comme d’un point de vue visuel (des compositions de plans littéralement à couper le souffle). A voir impérativement.

 

 

Le Blu-ray

[4,5/5]

Wild Side a beau avoir pris du retard dans la livraison des titres de sa collection Akira Kurosawa – Les années Tōhō, les titres continuent à sortir avec régularité ; le 8 mars débarquent donc Le château de l’araignée et La forteresse cachée, dans de riches éditions Combo Blu-ray + DVD présentées dans des digibooks comprenant également chacune un livret consacré au film.

Côté image, l’éditeur nous propose un résultat absolument satisfaisant, respectant parfaitement la granulation d’origine et affichant un piqué assez précis pour l’époque (la copie est issue d’un master 2K). Malgré la présence de quelques taches et/ou poussières, l’ensemble s’avère plutôt propre et stable. En revanche, si l’on compare cette édition avec celle éditée par Criterion aux États-Unis en 2014, on constate que l’éditeur français a fait le choix de booster les contrastes, au point de « boucher » occasionnellement les noirs. Cela dit, et si l’on met dans la balance le zonage des Blu-ray Criterion, la présence de sous-titres français sur l’édition qui nous intéresse aujourd’hui et le bond qualitatif considérable entre ce Blu-ray et l’édition DVD Collector de 2006, on ne pourra que fermer les yeux sur ce défaut qui, de toutes façons, ne fera ronchonner que quelques dizaines de maniaques en France (dont l’auteur de ces lignes, qui aime bien ronchonner). Du côté des enceintes, le film est proposé en V.O japonaise uniquement, et en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine : les dialogues sont claires, relativement équilibrés (peu saturées) et sans souffle parasite.

La section suppléments ne dépaysera pas les possesseurs de la belle édition collector du film parue chez Wild Side en 2006 : les suppléments sont exactement les mêmes, encodés en définition standard. On retrouvera donc les intéressants sujets consacrés à l’influence du théâtre Nô sur Le château de l’araignée (décors, gestuelle, esthétique générale) et au tournage du film à proprement parler, avec les souvenirs de quelques-uns des collaborateurs de Kurosawa.

Last but not least, le coffret contient donc un livret d’environ 70 pages, contenant de nombreuses illustrations ainsi qu’une analyse du film par Linda Tahir. Le texte en lui-même est intéressant, même si on s’étonnera de quelques relâchements dans l’écriture (surnommer Shakespeare le « Grand Will » est tout de même une idée assez ridicule) et une tendance à raisonner un peu en vase clos, les références du livret ramenant soit vers des textes de son compagnon Christophe Champclaux, soit vers des articles du magazine Ciné Kung Fu, dont le rédacteur en chef est… Christophe Champclaux.

 

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