Test Blu-ray : L’amour trop fort

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L’amour trop fort

France : 1981
Titre original : –
Réalisation : Daniel Duval
Scénario : Daniel Duval, Jean Curtelin
Acteurs : Daniel Duval, Jean Carmet, Marie-Christine Barrault
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 15 avril 1981
Date de sortie DVD/BR : 24 août 2021

Respectivement réalisateur de télévision et comédien, Charlie et Max sont les meilleurs amis du monde. Des inséparables, jusqu’au jour où Charlie s’éprend d’une belle antiquaire, Rose-Marie. Plutôt que de s’éclipser sur la pointe des pieds, désormais seul après que sa femme l’ait abandonné, Max s’incruste. Une présence de plus en plus pesante qui menace de faire exploser le couple…

Le film

[3,5/5]

Cet été, Sidonis Calysta se lance dans l’archéologie cinématographique. A la façon d’un éditeur tel que Le chat qui fume, qui est récemment parvenu à réhabiliter les carrières de Claude Lemoine et Raphaël Delpard auprès des cinéphiles, Sidonis a donc entrepris d’organiser des fouilles dans la mémoire du cinéma français. L’éditeur en a exhumé deux perles : Retour à la bien-aimée, de Jean-François Adam (dont on vous parlera dans le détail le 23 août), et L’amour trop fort, écrit, réalisé et interprété par Daniel Duval en 1981.

Si les bonus présents sur le Blu-ray de L’amour trop fort tendent à laisser penser que Daniel Duval était une star incontournable du cinéma français, une petite mise au point sera sans doute nécessaire pour nos lecteurs de moins de 50 ans n’ayant pas eu le loisir de connaître son heure de gloire en tant qu’acteur. Car aujourd’hui, le fait est que Daniel Duval est surtout connu pour ses petits rôles dans ce que le polar français a fait de mieux (J’irai au paradis car l’enfer est ici, 36 Quai des orfèvres), ainsi que pour sa participation à plusieurs séries policières : Navarro, Julie Lescaut, Mafiosa, Engrenages

Ce dont on se souvient un peu moins de nos jours, c’est que Daniel Duval a également réalisé une poignée de films, principalement entre 1974 et 1983. Son long-métrage le plus célèbre est sans aucun doute possible La dérobade, film-choc sur la prostitution avec Miou-Miou dans le rôle principal, qui réunirait 2,7 millions de curieux dans les salles en 1979. Au lendemain de ce gros succès public, Daniel Duval eut sans doute envie de se replonger dans un cinéma plus personnel, voire même plus « intime ». Car le caractère autobiographique de L’amour trop fort est vraiment manifeste, surtout à la lumière des suppléments proposés par Sidonis Calysta au cœur de cette riche édition Blu-ray.

Malgré cette sincérité et le fait que Daniel Duval mette vraiment son âme à nu dans son film, il y a finalement – et paradoxalement – assez peu à dire sur L’amour trop fort. Si le titre du film pouvait laisser augurer d’un drame romantique passionné, il n’en est finalement rien : il s’agira surtout ici d’une histoire d’amitié, et d’une amitié pour le moins « toxique » en réalité. Bien sûr, entre amitié et amour, il n’y a qu’un pas… Daniel Duval dédie son film « À Max », qui sera également le nom du personnage incarné par Jean Carmet dans le film. Max le pique-assiette, le raté, mythomane, jaloux et gagne-petit, lui qui vit dans le passé et ne rêve que de se sentir indispensable pour quelqu’un. Absolument immense, à la fois pathétique et dégueulasse, Jean Carmet crève littéralement l’écran dans L’amour trop fort. Il porte le film sur ses épaules, il l’incarne complètement, et éclipse tous les autres (Daniel Duval lui-même, Marie-Christine Barrault), qui à ses côtés finissent par paraître bien falots.

Chronique de mœurs soufflant sans cesse le chaud et le froid, L’amour trop fort suit l’existence terne de deux hommes dont la complémentarité de façade cache une intense souffrance ; ils sont d’éternels insatisfaits, guidés par leurs impulsions, réagissant toujours à chaud. Sans s’en rendre compte, ils se condamnent tous deux au malheur. S’il n’est pas exempt de longueurs, le film de Daniel Duval se tient encore plutôt bien quarante ans après sa sortie. L’amour trop fort est donc un joli « petit » film prenant la forme d’une chronique de mœurs. Comme bien des drames français de l’époque, ladite chronique vaut aujourd’hui autant pour l’émotion qu’elle dégage que pour le témoignage « social » d’une époque, et pour ce qu’elle dit de la notion de « masculinité » dans les années 80 – autant dire que le film pourra paraitre vaguement misogyne aux yeux des spectateurs contemporains.

Pour autant, derrière le machisme de façade se cache aussi une certaine poésie, que l’on retrouve principalement lors de cette séquence presque surréaliste durant laquelle Max offre à Charlie une Marilyn Monroe en plâtre, qu’il suspend à deux énormes ballons remplis à l’hélium. Symboliquement, comme tous les rêves et espoirs des deux hommes, celle-ci finira par s’envoler dans les nuages, poursuivis à travers champs par les deux personnages, qui ne peuvent que la regarder s’éloigner, de plus en plus durablement. Cette séquence-clé de L’amour trop fort, importante dans le parallèle Marilyn / Marie-Rose (Marie-Christine Barrault), marque sans doute le déclic dans l’existence de Charlie, et le début de la « rupture » avec Max. Après cette prise de conscience, plus rien ne sera jamais pareil…

Le Blu-ray

[5/5]

Parallèlement à Retour à la bien-aimée de Jean-François Adam, une autre pépite française oubliée, Sidonis Calysta nous permettra donc à partir du 24 août de (re)découvrir L’amour trop fort en Haute-Définition, dans une édition Blu-ray soignée et quasiment irréprochable. Ce nouveau « classique » a ainsi bénéficié d’une restauration 4K au soin maniaque, et affiche aujourd’hui une forme littéralement insolente malgré les années. L’image est d’une parfaite stabilité, le grain d’origine a été scrupuleusement respecté, le piqué est d’une étonnante précision, les couleurs superbes et éclatantes, rendant justice à la photo du film, signée Michel Cénet. Une réussite totale. Côté son, L’amour trop fort est proposé dans un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 propre et clair, restituant parfaitement les dialogues et la musique de Maurice Vander, et faisant preuve d’un équilibre remarquable.

La perfection du master se retrouvera également du côté des suppléments ; Sidonis Calysta offre en effet à ce « petit » film méconnu un écrin absolument sublime : les bonus sont ainsi nombreux et assez passionnants. On trouvera donc tout d’abord un entretien avec Fabienne Vette (32 minutes), la dernière compagne en date de Daniel Duval, qui reviendra longuement sur la personnalité du cinéaste, avant de s’attarder sur L’amour trop fort, ses thématiques, sa tonalité, la signification de certaines séquences, le rapport à Jean Carmet, etc. L’entretien sera par ailleurs complété par la lecture par Fabienne Vette d’une lettre de Jean Carmet (4 minutes). On continuera ensuite avec un entretien avec Jeanne Labrune (17 minutes), cinéaste qui avait dirigé Daniel Duval dans Si je t’aime, prends garde à toi en 1998. Elle reviendra également sur la personnalité de l’acteur / réalisateur, et évoquera sa découverte tardive de L’amour trop fort, qui partage de nombreux points communs avec son film. On terminera enfin les entretiens inédits avec un entretien avec Max Morel (42 minutes), le personnage ayant inspiré le personnage de Jean Carmet, et à qui le film est dédié. Peut-être est-ce parce qu’on venait de visionner le film, mais on ne pourra s’empêcher de trouver le personnage vaguement arrogant et franchement misogyne, derrière des aspects attachants néanmoins. Pour terminer, Sidonis est également allé repêcher un entretien d’archive avec Marie-Christine Barrault (11 minutes), datant du début des années 80. Bavarde et exaltée, elle reviendra sur le film, sur sa carrière en devenir, sur l’image de la femme et la dictature de la minceur (il est assez paradoxal de penser qu’elle ferait, 15 ans plus tard, de la pub pour les produits minceur de la gamme Slimfast), le féminisme et même son salaire, de 250.000 francs à l’époque. Un ensemble passionnant et très vivant !

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