Test Blu-ray : Knightriders / Blaq Market #09

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Knightriders

 
États-Unis : 1981
Titre original : –
Réalisation : George A. Romero
Scénario : George A. Romero
Acteurs : Ed Harris, Gary Lahti, Tom Savini
Éditeur : Blaq Out
Durée : 2h26
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie DVD/BR : 1 décembre 2017

 

 

Pour gagner leur vie, des troubadours anarchistes organisent des joutes médiévales, remplaçant les chevaux par des motos. Billy, le chef de ces chevaliers sur deux roues, se voit en roi Arthur des temps modernes. Mais Morgan, l’un d’entre eux, remet en question sa manière de gérer la troupe…

 

 

Le film

[4,5/5]

Si George A. Romero aura marqué l’Histoire du cinéma en inventant et en faisant évoluer au fil des années la figure contemporaine du « zombie », il est maintenant bien connu qu’il aurait aimé s’éloigner du genre horrifique, ce que ni les producteurs ni le public ne l’auront finalement réellement laissé faire, même si en de rares occasions, le cinéaste sera parvenu à monter des projets plus « personnels », tels que ce Knightriders, sorti sur les écrans américains en 1981.

« Gros » projet que le cinéaste a pu monter grâce aux recettes de Zombie (1978), Knightriders n’est pas, malgré ce que son affiche pourrait laisser penser, un énième post-nuke que l’on pourrait ranger aux côtés des Nouveaux barbares, des Guerriers du Bronx ou du Gladiateur du futur, loin de là ! Il s’agit d’une œuvre étrange, bien éloignée de toute idée de science-fiction ou de fantastique : une comédie dramatique douce-amère et « soixante-huitarde », revenant en filigrane sur les idéaux développés par la contre-culture américaine de la fin des années 60, et développant une certaine amertume, ou du moins une certaine mélancolie sur le sujet.

En 1981, les années 60/70 et l’insouciance libertaire de l’époque Easy rider n’étant plus toutes proches ; aussi Knightriders prend-il le parti de suivre une troupe de « hippies » sur le retour s’étant recyclé avec le temps dans des représentations itinérantes orchestrées autour d’une ambiance médiévale. Ils y organisent notamment des « joutes » durant lesquelles ils s’affrontent à dos de moto. Vivant quasiment en autarcie, leur existence est régie par un code d’honneur et de valeurs d’un autre âge, comme s’ils s’étaient volontairement retirés de la société pour mener une existence parallèle en entretenant le moins de rapports possible avec « l’extérieur ». Romero semble nous dire que puisqu’ils ne sont pas parvenus à changer le monde dans les années 60/70, ils ont choisi de vivre selon leurs propres règles, comme repliés sur eux-mêmes au cœur d’un monde réinventé afin de se pas se retrouver confrontés au « monde réel ».

Au cœur de la troupe s’opposent deux conceptions de la vie : si tous désirent pouvoir continuer à vivre sans attaches, à la façon d’une troupe de saltimbanques, Billy et Morgan ne voient pas les choses de la même manière. Billy (Ed Harris) refuse tout compromis avec le monde extérieur, tandis que Morgan (Tom Savini) prend le parti de « composer » avec la société, sans se rendre compte cela dit que la société de consommation est un « monstre », un monstre vorace et destructeur, qui ne recrachera au final de leur belle utopie que la coquille vide – nous ne sommes pas chez Romero pour rien ! Ed Harris l’annonçait d’ailleurs clairement dans le premier quart d’heure du film : « I’m not a hero ! I’m fighting the dragon ! » – pas question de parlementer avec la société.

Immersif, drôle, parvenant tour à tour à nous émerveiller puis à nous émouvoir, Knightriders s’impose comme une très belle réussite. Et si le spectateur ne s’ennuie jamais malgré presque 150 minutes au compteur, c’est probablement certes parce que le rythme est admirablement géré par Romero, qui nous propose de plus une mise en scène extrêmement énergique, mais c’est sans doute aussi parce que l’on sent que le cinéaste est décidément plein d’affection pour sa troupe de « motards de la Table Ronde ».

 

 

Le Blu-ray

[5/5]

Éditeur indépendant faisant indéniablement partie des plus intéressants en France en termes de qualité et d’audace, Blaq Out a lancé il y a un peu plus d’un an une collection appelée « Blaq Market », destinée à réunir des œuvres inclassables et déroutantes, signées par des cinéastes singuliers aux thèmes et à l’identité formelle très affirmés. « Blaq Market » est donc une collection qui a su captiver non seulement un public amateur de cinéma de genre au sens très large du terme mais aussi tout cinéphile avide de découverte(s)…

La première vague de la collection « Blaq Market » (décembre 2015) réunissait L’enfant miroir (Philip Ridley, 1990) et Der Samurai (Till Kleinert, 2014).

La deuxième vague de la collection « Blaq Market » réunissait Ruined heart (Khavn de la Cruz, 2014) et Aaaaaaaah! (Steve Oram, 2015)

La troisième vague de la collection « Blaq Market » réunissait Tetsuo 3 : The bullet man (Shinya Tsukamoto, 2009) + Fires on the plain (Shinya Tsukamoto, 2014), ainsi que R100 (Hitoshi Matsumoto, 2013).

Enfin, la quatrième vague de la collection « Blaq Market » comprend We are the flesh ( Emiliano Rocha Minter, 2016), Appel d’urgence / Miracle mile (Steve De Jarnatt, 1988) et Knightriders (George A. Romero, 1981), le film qui nous intéresse aujourd’hui.

Une nouvelle fois, nous ne sommes pas déçus : Blaq Out nous propose pour Knightriders un master Blu-ray très respectueux du grain argentique d’origine, encodé en 1080p et proposant un piqué d’une belle précision ainsi que des contrastes et couleurs au taquet. Malgré quelques craintes au tout début du film (les premiers plans proposent un piqué très faible), le rendu est finalement en tous points similaires aux éditions Blu-ray parues il y a quelques années chez Arrow au Royaume-Uni et Shout! Factory aux États-Unis. En deux mots, tout est parfait, c’est un travail tout simplement magnifique, et une véritable redécouverte pour les amoureux du film, qui désespéraient de le voir un jour débarquer sur support Blu-ray en France. Niveau son, l’éditeur se révèle également fidèle à ses habitudes, en nous offrant un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 en version originale très respectueux du rendu acoustique original, propre et ne souffrant pas du moindre souffle parasite.

Du côté des suppléments, l’éditeur nous a réservé quelques jolies surprises : les possesseurs de l’édition Shout! Factory retrouveront un intéressant entretien avec George A. Romero qu’ils connaissent déjà, durant lequel le cinéaste évoque ses souvenirs du film. Le reste des suppléments est inédit à la galette française : on commencera par un long entretien avec George A. Romero divisé en trois parties, tourné en DV au rendu assez moche mais durant lequel le réalisateur de La nuit des morts vivants est complètement détendu et nous livrera de nombreuses anecdotes passionnantes, notamment sur ses projets avortés, dont quelques uns avec l’écrivain américain Stephen King, qui fait d’ailleurs une apparition remarquée dans Knightriders. Les entretiens sont menés par Julien Sévéon, journaliste et grand spécialiste de Romero ; ce dernier reviendra également sur le tournage et la place de Knightriders dans la carrière du réalisateur au cours d’une très intéressante présentation du film. Enfin, on retrouvera une très belle analyse du film sur le mode « historique » avec « King Arthur in America », passionnant entretien avec l’historien William Blanc, mené par Julie Pilorget. Les liens entre histoire, politique et le film de Romero sont brillamment mis en avant par l’historien. On sera néanmoins plus circonspects quant à la présence dans le cadre de Julie Pilorget, qui n’intervient que très rarement et qui n’avait pas à priori réellement à s’imposer ainsi à l’image ; peut-être le sujet a-t-il été réalisé par son compagnon, mais on cherche encore à comprendre la raison de sa présence à l’image. Enfin, on terminera avec la traditionnelle bande-annonce du film, accompagnée de la très rythmée bande-annonce de la collection Blaq Market.

On notera également qu’à l’image des autres titres de la collection, Knightriders s’offre une sublime jaquette réversible avec les affiches d’époque.

 

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