Test Blu-ray : Folie meurtrière

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Folie meurtrière

Italie, Espagne : 1972
Titre original : Mio caro assassino
Réalisation : Tonino Valerii
Scénario : Roberto Leoni, Franco Bucceri
Acteurs : George Hilton, Salvo Randone, William Berger
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h42
Genre : Thriller, Giallo
Date de sortie cinéma : 6 octobre 1973
Date de sortie Blu-ray : 15 février 2022

Les meurtres successifs du détective d’une compagnie d’assurances, puis d’un conducteur d’excavatrice conduisent le commissaire Luca Peretti à rouvrir une affaire non classée. À l’époque, une petite fille, Stefania Moroni, avait été kidnappée, puis assassinée, et son corps jamais retrouvé. Avec l’aide d’une institutrice, Paola Rossi, Peretti reprend l’enquête à son compte, déterminé à identifier le coupable. Commence alors, pour le policier, une lutte contre la montre, afin de retrouver les derniers indices et résoudre l’énigme…

Le film

[4/5]

Les voies de l’édition vidéo sont impénétrables. S’il nous faut parfois attendre des mois avant de pouvoir se repaître de petits délices « Bis » transalpins en Blu-ray ou DVD, en ce début avril, il semble que les éditeurs français se soient donnés le mot, et aient décidé de combler de joie les amateurs de thriller italien. Ainsi, grâce aux efforts conjoints de Sidonis Calysta, Le Chat qui fume et Artus Films, on est aujourd’hui en mesure d’ouvrir notre « Semaine du Giallo » : tous les matins jusqu’à vendredi, vous trouverez le test Blu-ray d’un nouveau représentant du Giallo, genre très prolifique en Italie tout au long des années 70.

Dans le cas où vous seriez totalement étranger au genre, la page de vulgarisation Wikipédia consacrée au Giallo nous explique qu’il s’agit d’un « genre de film d’exploitation italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme (…) Les films de ce type sont caractérisés par de grandes scènes de meurtres excessivement sanglantes, un jeu de caméra très stylisé et une musique inhabituelle (…). Ces films mettent en avant la violence sadique et brutale, l’érotisme. La forme primitive de ce cinéma est l’image d’une femme, seule chez elle et qui a peur ».

On ajoutera à cela que mis à part une volonté régulière de mettre en scène une bourgeoisie décadente commettant des actes criminels en toute impunité, le Giallo se tient globalement à distance des prises de position politiques nettes et engagées des films italiens de la même époque, et qu’il développe souvent des atmosphères baroques et morbides, qui traduisent peut-être le poids de cette bonne vieille culpabilité catholique.

Semaine du Giallo, Jour #2 – Folie meurtrière

Quand Folie meurtrière sort sur les écrans français en 1973 sous le titre Mon cher assassin, le Giallo est déjà bien lancé : Dario Argento a « systématisé » les motifs du genre avec sa trilogie animalière initiée par L’Oiseau au plumage de cristal en 1971, et même si ses chefs d’œuvre Suspiria et Les Frissons de l’angoisse – qui s’imposeraient comme les œuvres les plus « définitives » de son auteur – n’ont pas encore vu le jour, le genre est déjà sur de bons rails. On notera par ailleurs que Folie meurtrière est probablement aujourd’hui un des représentants du Giallo faisant partie des plus connus dans l’hexagone, tout simplement parce qu’il faisait partie des quelques films sortis en DVD courant 2007 dans la collection « Giallo » de Neo Publishing.

Folie meurtrière suit donc les efforts de l’inspecteur Peretti (George Hilton), alors qu’il enquête sur un meurtre étrange – la victime a eu la tête a été coupée par les pinces à godet d’une excavatrice hydraulique – qui semble être lié à l’enlèvement d’une petite fille dans la région. Plus connu pour ses contributions au western spaghetti que pour son apport au Giallo, le réalisateur Tonino Valerii nous propose néanmoins une expérience de whodunit assez solide, tout en recyclant les motifs récurrents du Giallo, le plus évident d’entre eux étant bien sûr le tueur aux gants noirs dont on découvre les agissements en point de vue subjectif. Le cinéaste nous propose par conséquent une poignée de séquences extrêmement stylisées sur une partition d’Ennio Morricone aux limites de l’expérimental.

Pour autant, on ne pourra nier que la meilleure scène de Folie meurtrière (ou du moins la plus originale) se trouve être la scène d’ouverture, avec ce meurtre barbare qui nous donne à voir un homme suspendu à une pelleteuse jusqu’à se retrouver la tête arrachée. Cette scène lance le film avec une énergie teintée de mystère d’une façon très surprenante, et les meurtres suivants auront bon s’avérer brutaux dans leur genre – on pense par exemple à cette femme tranchée par un tueur armé d’une mini scie circulaire ! – la tension s’affaiblit tout de même un peu alors que le film opère une transition du thriller à l’enquête proprement dite, cette dernière étant principalement constituée de conversations et d’interrogatoires, jusqu’à un final à la Agatha Christie durant lequel l’inspecteur Peretti réunit tous ses suspects dans une même pièce afin de leur révéler lequel d’entre eux est le coupable.

Pour autant, comme on le disait en préambule, Folie meurtrière s’inscrit également dans une certaine tradition du Giallo visant à pointer du doigt la bourgeoisie italienne des années 70, décadente, frustrée, perverse, qui commet des crimes en toute impunité. La respectable famille de la petite fille disparue a en effet des cadavres dans le placard, et pas mal de choses à cacher, à la façon de cet oncle « artiste » et supposément pédophile, qui nous offre par ailleurs une des scènes les plus dérangeantes du film, et contribue à faire grimper la tension jusqu’à un final qui pourra même dégager une certaine émotion du côté du spectateur. Une belle réussite donc !

Le coffret Blu-ray + CD

[5/5]

Enchaînant les coffrets Blu-ray avec une belle régularité depuis quelques années maintenant, Le Chat qui fume est devenu un des acteurs les plus incontournables de l’édition vidéo en France, en termes de qualité et de contenu éditorial. Personne ne sera donc surpris à l’annonce du verdict concernant cette édition de Folie meurtrière, qui défenestre littéralement l’édition DVD du film jusqu’ici disponible chez Neo Publishing, qui s’échangeait d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui à des prix surréalistes sur le marché de l’occasion. Une fois de plus, Le Chat fume toute la concurrence en offrant au film de Tonino Valerii une présentation Haute-Définition en tous points parfaite. Côté packaging déjà, l’éditeur nous propose à nouveau un sublime Digipack à trois volets, surmonté d’un sur-étui cartonné du plus bel effet, s’accordant harmonieusement avec les Blu-ray déjà sortis par l’éditeur depuis quelques années. Le visuel est signé Frédéric Domont, qui a de nouveau fort bien travaillé à partir de l’affiche du film et de quelques photos d’exploitation. Au sein du coffret, en plus du Blu-ray du film, on trouvera un CD de 16 titres (58 minutes) consacré aux plus belles musiques de la carrière d’Ennio Morricone : un petit supplément qui ravira à coup sûr tous les cinéphiles.

Côté Blu-ray, la copie HD de Folie meurtrière est globalement d’une très belle propreté, malgré quelques légers outrages liés au temps. Le grain argentique est respecté à la lettre, le piqué est d’une finesse et d’une précision vraiment étonnantes, la profondeur de champ est remarquable, bref, c’est du très beau boulot, naturellement proposé en version intégrale et 1080p. Bref, on est en présence d’un très beau Blu-ray. Côté son, c’est la grande classe également : la VF d’époque, ainsi que la VO italienne nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 d’origine. La version française souffre d’un très léger souffle que l’on pourra essentiellement repérer sur les scènes les plus silencieuses. La piste italienne est un peu plus propre et équilibrée, et donne une ampleur supplémentaire à la musique d’Ennio Morricone.

Du côté des suppléments, l’éditeur nous gâte, avec tout d’abord une présentation du film par Jean-François Rauger (19 minutes). On a déjà régulièrement eu l’occasion d’écouter le directeur de la programmation de la Cinémathèque Française sur d’autres titres édités par Le Chat qui fume, et comme toujours, son intervention s’avère tout à fait pertinente et intéressante. Il replacera Folie meurtrière dans l’histoire du Giallo et dans la carrière de Tonino Valerii, et évoquera la thématique principale, à savoir la forte charge anti-bourgeois. Il reviendra bien sûr également sur la musique, les acteurs, les conditions de tournage ainsi que les caractéristiques esthétiques essentielles du film. A ce sujet, il reviendra notamment à plusieurs reprises sur la notion de « sédimentation » des meurtres, présentée comme une des composantes essentielles du Giallo. Si vous nous permettez un court aparté personnel, en trente ans d’amour immodéré pour le bis transalpin, c’est bien la première fois que j’entendais ce terme. Non sans une certaine honte, j’avoue avoir été vérifier dans le dico, afin d’être sûr de comprendre là où il voulait en venir. Et figurez-vous que même après avoir lu la définition du mot sédimentation, je ne suis pas réellement sûr d’avoir saisi, même si je suppute que Jean-François Rauger l’utilise ici comme un synonyme d’accumulation.

On terminera le tour des suppléments avec un entretien avec le scénariste Roberto Leoni (45 minutes). Les possesseurs de l’édition Neo Publishing se diront probablement que cette dernière est la même que celle qui était disponible sur le DVD de 2007 : monumentale erreur ! Il s’agit en effet d’une toute nouvelle interview, qui complétera d’ailleurs plutôt bien celle que l’on connaît déjà. Le scénariste / assistant réalisateur reviendra donc ici sur son amour du giallo, qui vient selon lui probablement du fait qu’il ait passé son enfance dans le quartier romain du Trastevere, sur la rive droite du Tibre, qu’il décrit comme un quartier « difficile », et qui lui a permis de voir au-delà des apparences. Il évoquera quelques-uns de ses auteurs de prédilection dans le genre « mystère », de Wilkie Collins à Cornell Woolrich en passant, bien sûr, par Agatha Christie, puis bifurquera vers Folie meurtrière, en nous expliquant son rapport à l’innocence, triomphant de l’obscurité. Il se remémorera sa rencontre et son travail avec le producteur Manolo Bolognini et le réalisateur Tonino Valerii, évoquera les modifications apportées à son script afin de coller aux lieux et à un casting essentiellement espagnol, survolera le casting, et terminera en évoquant l’accueil du film par le public et la critique, citant à ce sujet une anecdote musclée ayant rapport avec un critique italien qui l’accusait d’avoir recyclé au cinéma l’affaire de la disparition de Milena Sutter, même si paradoxalement celle-ci s’était produite bien après le tournage de Folie meurtrière.

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