Critique Express : A la folie

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A la folie

France : 2020
Titre original : –
Réalisation : Audrey Estrougo
Scénario : Audrey Estrougo
Interprètes : Virginie Van Robby, Lucie Debay, Anne Coesens
Distribution : Damned Distribution
Durée : 1h21
Genre : Drame
Date de sortie : 6 avril 2022

4/5

Synopsis : Pour fêter l’anniversaire de sa mère, Emmanuelle vient passer quelques jours dans la maison de son enfance. Elle y retrouve temps passé et souvenirs qui règnent dans les lieux, mais aussi sa sœur aînée dont l’instabilité psychologique a trop souvent affecté les relations familiales. Personne ne se doute que cette fête de famille va rapidement prendre une tournure inattendue…


Amour et haine

Lorsque Nathalie retrouve sa sœur Emmanuelle qui vient d’arriver dans la maison isolée en pleine campagne où habitent Nathalie et leur mère, on sent très vite qu’il y a entre elles quelque chose comme un gros malaise. On en a très vite la certitude lorsque Nathalie se met à monter dans les tours face à Manu qui ne le supporte pas et face à leur mère qui, elle, manifestement résignée, fait le gros dos. En fait, il arrive que la relation entre deux êtres humains soit un mélange d’amour et de haine et c’est exactement ce qui se passe entre Nathalie et Emmanuelle. L’ainée, Nathalie, est schizophrène et elle a 5 ans de plus que Manu, la cadette. Malgré les crises que traverse Nathalie et qu’elle ne supporte pas, des crises qui génèrent chez Manu une forme de haine, celle-ci aime sincèrement sa sœur et elle voudrait pouvoir l’aider mais elle n’y arrive pas. Qui plus est, elle se sent coupable de cette impuissance, se demandant à quoi elle sert dans la mesure où elle n’arrive pas à sauver Nathalie. En fait, depuis des années, Manu milite pour que sa sœur soit traitée médicalement de façon sérieuse, mais personne d’autre dans la famille ne partage son avis : les médicaments que Nathalie est censée prendre sont périmés et elle explose dans une colère violente lorsque sa sœur lui en fait la remarque ; quant aux parents, ils sont séparés, et la mère refuse que le mot « dingue » soit prononcé à propos de Nathalie alors que le père considère que, Nathalie étant majeure, c’est à elle de décider de ce qui est bon pour elle. Alors que Nathalie vit en permanence avec sa mère, Manu est partie vivre à Paris. Si toute la famille est pour une fois réunie, c’est pour fêter l’anniversaire de la mère. Avec les présences supplémentaires de Baptiste, un ami de Nathalie et de Manu, et d’Aurélien, le petit ami de Manu, les circonstances sont propices pour qu’on puisse assister à de puissants épisodes de … cris et de chuchotements.

C’est dans sa propre famille que la réalisatrice Audrey Estrougo a trouvé la matière de A la folie : elle a vécu avec, à ses côtés, un petit frère souffrant de la même maladie que Nathalie. Toutefois, souhaitant s’écarter le plus possible d’un récit autobiographique, elle a transformé la relation entre une sœur et son frère en une relation entre deux sœurs. On peut être étonné de retrouver la réalisatrice de Suprêmes, le récent biopic du groupe de rap NTM, aux manettes d’un film qui vient fouiller avec un délicat mélange de tendresse et de violence les relations au sein d’une famille dont un des membres souffre d’un trouble mental sévère. Etonné, mais conquis ! Question casting, la réalisatrice a eu la main très heureuse, bénéficiant d’un trio féminin absolument remarquable, constitué (est-ce un hasard ?) par 3 comédiennes belges. On commencera par celle qui a le plus d’expérience et qui ne déçoit jamais, Anne Coesens qui joue le rôle de la mère, une femme qui vit en permanence recluse dans sa maison en pleine campagne, en quelque sorte prisonnière du fait de la maladie de Nathalie. Lucie Debay, l’interprète de Nathalie, on la voit de plus en plus (Melody, Une vie démente, …) et, vu son talent, il est probable qu’on la verra encore plus dans le futur. Par contre, Virginie Van Robby, l’interprète de Manu, on ne l’avait jamais vue : Elle travaille dans la publicité et elle participe de temps en temps à des stages de comédie. C’est dans une masterclass donnée par Audrey Estrougo et à laquelle Virginie participait qu’elles se sont rencontrées. A la folie représente donc ses premiers pas devant une caméra et c’est un euphémisme de dire que sa prestation est bluffante.

Les 3 rôles masculins du film sont moins importants, mais également fort bien interprétés : Benjamin Siksou, dans le rôle de Baptiste, Théo Christine, celui qui a incarné Joey Starr dans Suprêmes, se transformant ici en Aurélien, et l’expérimenté François Creton dans le rôle du père, ce musicien qui a toujours l’excuse d’un concert pour fuir ses responsabilités de père, cet homme qui a préféré quitter sa famille pour ne plus avoir à affronter les crises de sa fille. Un regret toutefois, dans ce film tourné dans un format 2.70, celui des grands espaces, celui de nombreux westerns, utilisé ici très souvent avec un grand angle, au plus près des interprètes, tout en ayant un décor en arrière-plan : que Audrey Estrougo ait cru bon de céder à cette mode actuelle qui consiste à installer une scène plus ou moins longue de « danse » mettant en scène un ou plusieurs personnages se déhanchant jusqu’à plus soif, scène qui a le gros défaut de casser le rythme et la tension d’un film. Heureusement, pour une fois, on retrouve presque immédiatement le rythme et la tension qui font la qualité de A la folie et qu’on avait perdu.e.s durant cet intermède. 
 


https://www.youtube.com/watch?v=YWcyTQiqU4M

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