Test Blu-ray 4K Ultra HD : Link

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Link

Royaume-Uni : 1986
Titre original : –
Réalisation : Richard Franklin
Scénario : Everett De Roche
Acteurs : Elisabeth Shue, Terence Stamp, Steven Finch
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h43
Genre : Fantastique
Date de sortie : 5 mars 1986
Date de sortie BR/4K : 30 novembre 2021

Étudiante américaine en zoologie, Jane Chase persuade le Dr Steven Phillip de l’engager durant les vacances d’été comme assistante dans le vaste manoir de style victorien où il vit seul, au pied d’une falaise du nord de l’Angleterre. S’il enseigne à l’Université des Sciences de Londres, l’anthropologue travaille aussi en secret sur le fameux chaînon manquant entre l’Homme et le singe. Une fois arrivée, Jane fait la connaissance des chimpanzés Imp et Voodoo, et de l’intrigant Link, un orang-outan vêtu d’une livrée de majordome. Un jour, elle apprend par hasard que Phillip compte vendre Link et Voodoo. Peu de temps après, il disparaît. Jane tente alors de quitter la maison, mais Link l’en empêche, et la retient prisonnière…

Le film

[4/5]

Après avoir contribué aux grandes heures de la Ozploitation avec Patrick (1978) et Déviation mortelle (Roadgames, 1981), Richard Franklin a cédé à l’appel des sirènes Hollywoodiennes en partant réaliser Psychose II en 1983. Pour son film suivant en revanche, si les studios le destinaient plutôt à réaliser le troisième épisode de la saga initiée par Hitchcock en 1960, le cinéaste australien a plutôt décidé de se tourner vers son compatriote scénariste et collaborateur de longue date Everett de Roche (Patrick, Long week-end, Harlequin, Déviation mortelle, Razorback… en voilà un qui avait la mainmise sur le genre à l’époque !) afin de réaliser sur nouveau film fantastique mettant en scène un singe au comportement psychotique, Link.

Il faut dire aussi qu’au début des années 80, l’orang-outan a la côte au cinéma : outre Clyde, qui partageait l’écran avec Clint Eastwood dans Doux, Dur et Dingue (1978) et dans Ça va cogner (1980), on avait également vu un grand singe conduire une voiture de course dans Cannonball 2 (1984), et vivre une histoire d’amour contrariée dans Max mon amour (1986), parce que, vous savez bien, le singe est « supérieur à l’homme dans l’étreinte, bien des femmes vous le diront ». Et pile entre les deux films que l’on vient d’énumérer, il y a eu Link , qui, à sa manière, servira de trait d’union entre les tours simiesques pour de rire mis en place par les premiers films cités et la remise en question – autrement plus viscérale – de notre propre animalité opérée par Nagisa Oshima dans son étrange drame de l’amour zoophile.

Film hybride, multipliant les références/influences et slalomant volontiers entre les tonalités, Link est un film fantastique qui prend le temps de développer son atmosphère. Ainsi, le passage de l’étrange à l’horreur mettra un certain temps avant de pointer le bout de son nez. Le film commencera en effet de façon fort classique, en suivant un professeur en mode « savant fou » (Terence Stamp) et son assistante candide, Jane (Elisabeth Shue), dans une série d’expérimentations scientifiques sur des singes. Ainsi, à la manière d’un film tel que L’île du Dr. Moreau, le film de Richard Franklin poussera à l’extrême la notion d’anthropomorphisme, avec toutes les ambiguïtés que cela peut soulever.

On se surprendra ainsi, malgré les précautions énoncées par le professeur tout au long de la première demi-heure de métrage, à prêter à l’orang-outan des sentiments humains. Des sentiments amoureux, peut-être même bien, dans le sens où cela semble être la présence d’Elisabeth Shue qui détraque le comportement de Link. Habiles, Everett de Roche et Richard Franklin n’explicitent en aucune façon sur ce qui se passe dans la tête du singe, et pourtant, au détour d’une ou deux séquence, le spectateur de Link imaginera toutes les frustrations qui habitent son esprit – des frustrations décuplées peut-être par le fait qu’il est souvent amené à demeurer dans une situation de voyeur impuissant, comme durant la scène du bain, ou celle durant laquelle, puni, il assiste au spectacle du jeu entre Himp – un autre singe – et Jane.

[Attention #Spoilers]

Là où Link s’avère très habile, c’est dans sa façon de jouer avec les attentes du spectateur, qui peu à peu calque le récit qui lui est présenté sur un des schémas narratifs les plus classiques du cinéma de science-fiction, à savoir celui du « non humain » qui franchit une espèce de ligne rouge et devient une menace. On prête donc à Link des sentiments humains, et on le considère comme un danger, alors même que celui-ci a la possibilité de s’exprimer, par le biais d’une « technologie de pointe » lui permettant de composer des phrases. Quand l’orang-outan utilise l’ordinateur, son discours est stupide, absurde. Pourquoi veut-il se débarrasser du téléphone ? Parce que c’est par ce dernier qu’arrive le danger, et ces humains qui débarquent au manoir afin de le tuer. Pour autant, le personnage de Terence Stamp nous a prévenu par le biais de l’histoire de son confrère et de « l’île au singe » : le comportement du singe n’est pas comparable à celui de l’homme – il peut tuer sans s’en rendre compte, en cherchant simplement à saluer son maître, ou comme dans le cas de Link, en cherchant à le protéger. Tout est question d’interprétation…

Trop aveuglé par sa conviction tenace que l’orang-outan est le vrai méchant de l’histoire, le spectateur ne prête pas attention au chimpanzé Himp, et au fait que celui-ci développe par le biais de l’ordinateur une pensée non seulement cohérente, mais criminelle (« Kill Link »). Le vrai psychopathe de Link n’est donc pas le Link du titre, mais bel et bien Himp, et les différents actes qu’on attribue au grand singe sont en fait le fait du « petit ». Qui appuie sur le bouton du magnétophone pour faire découvrir à Jane le subterfuge de la voix du professeur ? Quel singe était enfermé dans le laboratoire au lendemain de sa disparition ?

Certains spectateurs reprochent à Link le fait que, lorsqu’il bascule dans une ambiance clairement horrifique, le film ne se révèle pas réellement à la hauteur de ses enjeux, dans le sens où le récit vire au thriller « classique », avec une Jane essayant de se protéger des assauts répétés de Link. Cependant, si Richard Franklin opte alors pour une mécanique relativement convenue, Link n’en multiplie pas moins les indices qui mèneront le spectateur vers un plan final littéralement glaçant, qui donne une coloration différente à tout ce qui a précédé.

[Fin des #Spoilers]

Empreint d’une énergie folle, mis en scène avec une folie contagieuse, Link laisse donc le chaos s’installer progressivement au fil de l’histoire, un peu à la manière d’un Gremlins (1984) – la musique de Jerry Goldsmith rappelle d’ailleurs souvent le film de Joe Dante. Les plans de steadicam et la caméra extrêmement mobile du film sont également de très bons points : ils contribuent à lui donner une vitalité impressionnante et à nous faire oublier les quelques plans durant lesquels le vrai singe est remplacé par un humain vêtu d’un costume de singe. Au petit jeu des ressemblances, on notera également quelques similitudes entre le film de Richard Franklin et Hollow Man – L’homme sans ombre de Paul Verhoeven, surtout en raison de la présence d’Elisabeth Shue, assistante du savant fou dans les deux cas.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Le Chat qui fume nous gâte en cette période de préparation des fêtes de fin d’année avec la sortie « évènement » d’un nouveau Combo Blu-ray 4K Ultra HD + Blu-ray exceptionnel, consacré à Link. Le film de Richard Franklin est proposé pour la toute première fois au monde en 4K Ultra Haute-Définition, et ce coffret vient donc grossir les rangs de la désormais riche collection de Blu-ray et Blu-ray 4K de l’éditeur, dédiés à différents films et réalisateurs – une collection techniquement et éditorialement irréprochable que l’on peut d’ores et déjà comparer à la prestigieuse collection « CRITERION » aux États-Unis, sauf que ça serait un peu Criterion avec du poil autour, rapport bien sûr aux nombreux extraordinaires films d’exploitation réhabilités par l’éditeur depuis 2017. Comme d’hab, l’habillage graphique est assuré par le talentueux Frédéric Domont, et le tout est proposé dans un joli Digipack trois volets surmonté d’un fourreau rigide. Superbe.

Si le rendu Haute-Définition disponible sur le Blu-ray est déjà excellent, Link s’offre donc ici un petit « gonflage » 4K supplémentaire sur Blu-ray 4K Ultra HD, et le résultat s’avère finalement assez payant en termes de finesse et de restitution du grain cinéma : le rendu visuel est excellent, fidèle à l’aspect original du film, et l’upgrade 4K permet principalement de réhabiliter la légère granulation du film, ainsi bien sûr que la précision éblouissante de certains plans d’ensemble, absolument bluffants et rendant pleine justice à la superbe photo de Mike Molloy, qui prend réellement tout son essor dans les plans de la campagne anglaise. Au final, le rendu proposé ici par Le Chat qui fume est tout simplement parfait. Côté son, l’éditeur nous propose deux pistes audio (VF/VO) mixées en DTS-HD Master Audio 2.0, propres, sans souffle, proposant une excellente immersion au cœur du film. On notera que la version française nous permet de retrouver, dans les rôles principaux, les voix d’Agathe Mélinand, qui doublait Phoebe Cates dans Gremlins, et de Jean-Pierre Leroux, dont la diction distinguée a souvent été réservée aux acteurs d’origine britannique (Malcolm McDowell, Derek Jacobi, John Hurt, Terence Stamp, Roddy McDowall…).

Du côté des suppléments, on trouvera tout d’abord une présentation du film par Eric Peretti (40 minutes). Dans ce supplément enregistré pendant le confinement – et donc fatalement un peu statique – l’intervenant régulier du Chat qui fume fera un point sur la carrière de Richard Franklin et remettra Link dans son contexte de production. Il abordera également le film à proprement parler, les démêlés de Richard Franklin avec les distributeurs et les coupes qui en ont résulté, le résultat final, qu’il considère comme bien plus réussi que Max mon amour. On continuera ensuite avec un court entretien audio avec Richard Franklin (5 minutes), dans lequel le réalisateur évoquera la genèse du film et le processus de production, pour terminer avec une large poignée de scènes coupées (24 minutes). D’une qualité assez moyenne, elles permettront au spectateur de se rendre compte de l’évolution du développement de l’intrigue du film : certaines scènes sont ainsi très différentes de celles ayant été conservées au montage final, tandis que d’autres ne proposent que de fines variations par rapport à celles que nous connaissons.

Last but not least, et pour tenter de rendre justice au travail de Richard Franklin tel qu’il aurait aimé qu’on le découvre, Le Chat qui fume nous propose également le montage français du film (1h40, VF), tel qu’il fut projeté dans les salles en 1986. Les différences entre le montage français et le montage international sont détaillées sur le site de référence Movie-Censorship. Mais on trouvera aussi et surtout une version longue composite (2h05, VOST, avec certains courts passages en VF), fabriquée à partir de plusieurs versions du film, et qui nous permet de découvrir une œuvre sans aucun doute un peu plus proche de ce que voulait faire le réalisateur à l’origine. On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site du Chat qui fume.

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