Test Blu-ray : Harlequin

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Harlequin

Australie : 1980
Titre original : –
Réalisation : Simon Wincer
Scénario : Everett De Roche, Jon George, Neill D. Hicks
Acteurs : Robert Powell, David Hemmings, Carmen Duncan
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h35
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 14 janvier 1981
Date de sortie DVD/BR : 3 février 2020

Homme très occupé, obsédé par sa carrière, le sénateur Rick Rast néglige sa femme Sandra et son fils Alex, atteint d’une grave leucémie. Un soir, un mystérieux inconnu parvient à entrer dans sa propriété, pourtant très bien protégée. Qui est-il ? Que veut-il ? Menant son enquête, il découvre que l’homme serait mort 20 ans plus tôt…

Le film

[3,5/5]

Le cinéma d’exploitation australien – ou « Ozploitation » – est un sous-genre qui peine vraiment à percer et à être reconnu. Cependant, bien avant le fameux documentaire Not quite Hollywood : The wild, untold story of Ozploitation ! (2008), le cinéma populaire australien avait déjà bénéficié d’un coup de projecteur tout particulier en France, sous l’impulsion du magazine Mad Movies. En effet, à partir de 2002, la revue dédiée au cinéma fantastique s’était vue accompagnée d’un DVD dans les kiosques, et des films australiens un peu oubliés et jusqu’alors inédits en DVD avaient de ce fait pu être redécouverts par un large public. On pense par exemple à Patrick (Richard Franklin, 1978), Soif de sang (Rod Hardy, 1979), Harlequin (Simon Wincer, 1980), Le survivant d’un monde parallèle (David Hemmings, 1981), Les traqués de l’an 2000 (Brian Trenchard-Smith, 1982) ou encore Razorback (Russell Mulcahy, 1984).

Réalisé par Simon Wincer sur un scénario du très prolifique Everett De Roche (Patrick, Long weekend, Déviation mortelle, Razorback…), Harlequin s’impose dès ses premières minutes comme un film mystérieux et bizarre, ne ressemblant pour ainsi dire à aucun autre. Presque entièrement centré sur le personnage de Gregory Wolfe, incarné par Robert Powell et pensé comme une relecture contemporaine de Raspoutine, le récit met donc en avant un personnage mystique et pour tout dire assez hypnotique, utilisant la magie et l’illusion pour fasciner et, peut-être, tromper son monde. On insistera d’ailleurs sur le « peut-être », car Simon Wincer s’amuse visiblement beaucoup à « perdre » le spectateur au cœur de son film, qui baigne dans une ambiance ouvertement fantastique et fera rapidement perdre au public tous ses repères rationnels, même si le scénario prend également grand soin de garder un pied solidement ancré dans le réel et le monde impitoyable de la politique.

S’il deviendra autant un mentor spirituel qu’un père de substitution pour le jeune Alex, on ignorera tout au long de l’intrigue la véritable nature du personnage de Wolfe qui, à l’image de Raspoutine, semble capable de choses littéralement merveilleuses, tout en conservant une part d’ombre, notamment liée au mystère entourant ses motivations. Il est même difficile de dire s’il s’agit d’un « méchant » au cœur du récit tant il est ambivalent et peut passer, d’une séquence à une autre, de l’ange au démon. Harlequin pose donc beaucoup de questions, mais ne donne pas de réponses, guidant uniquement le spectateur à travers un faisceau d’indices, mais n’offrant jamais d’explications claires.

Néanmoins, ce mystère contribue grandement à l’attraction et au charme générés par le film : plus on avancera dans Harlequin, plus le caractère intense et déconnecté du réel de Wolfe se manifestera, déteignant de plus sur la sous-intrigue politique, dont on ne saisira les tenants et les aboutissants réels que dans la dernière bobine. Harlequin s’impose donc comme un film original et attachant, dont il semble par ailleurs impossible de faire le tour en un seul visionnage.

Une coïncidence amusante pour terminer : le Blu-ray d’Harlequin édité par Rimini Éditions sera disponible chez votre revendeur préféré deux jours avant la sortie en salles de Birds of prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn, suivant la destinée d’un autre « méchant » haut en couleurs inspiré par le personnage de la Commedia dell’arte.

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est donc Rimini Éditions qui nous permet aujourd’hui de revoir Harlequin, dans des conditions techniquement beaucoup plus abouties que sur le DVD sorti il y a une quinzaine d’années en supplément de Mad Movies. Côté Blu-ray, le master n’est certes pas exempt de défauts, et s’avère assez granuleux dans son genre, mais assure un rendu global propre et d’une stabilité exemplaire. Le piqué est précis, le niveau de détail élevé, et les couleurs sont toujours naturelles et convaincantes (sauf bien sûr sur certains plans à effets qui accusent une très nette baisse de définition). Côté son, nous aurons droit à deux mixages en DTS-HD Master Audio 2.0 (VO et VF d’origine), l’immersion sonore se fait de façon ample et dynamique. Du beau boulot technique, qui s’accompagnera d’ailleurs d’un joli travail sur la maquette de l’objet, présenté dans un Combo Blu-ray + DVD dans un beau digipack 3 volets surmonté d’un étui rigide.

Dans la section suppléments, on soulignera d’abord la présence du désormais traditionnel livret de 10 pages signé Marc Toullec – la boucle est bouclée dans le sens où Toullec fut un temps rédacteur en chef de Mad Movies, qui a largement contribué à la redécouverte du film en France. Littéralement amoureux du film, le journaliste reviendra sur le contexte de tournage, sur les liens avec Raspoutine, sur la rentabilité du film en Australie et à l’international… C’est très complet et intéressant, on notera juste que son enthousiasme débordant l’aura poussé à commettre quelques fautes de grammaire ou de syntaxe – ça arrive même aux meilleurs, on l’excuse donc sans problème. Sur le disque à proprement parler, on trouvera tout d’abord un entretien avec Kim Newman (15 minutes), spécialiste britannique du cinéma de genre. Celui-ci replacera Harlequin au cœur de la vague d’Ozploitation des années 70/80, tout en citant plusieurs acteurs que l’on retrouvera souvent dans le genre (Bruce Spence, David Argue, John Meillon…). C’est intéressant, même si on sent que Newman n’est peut-être pas non plus hyper fan du film. On poursuivra avec un entretien avec Robert Powell et David Hemmings (6 minutes), probablement issu des archives de la TV australienne. Les deux acteurs reviendront sur les références à Raspoutine, et sur les particularités d’un tournage de cinéma, notamment en ce qui concerne la chronologie des scènes. Last but not least, on terminera avec un entretien avec le réalisateur Simon Wincer, le producteur Anthony I. Ginnane, le scénariste Everett de Roche et le comédien Gus Mercurio (50 minutes). Il s’agit de rushes d’entretiens issus du tournage du film documentaire Not quite Hollywood (2008) qu’on évoquait en tout début de papier : c’est tout à fait passionnant, d’une précision impressionnante (notamment concernant le mode de production des films australiens). On appréciera tout particulièrement d’entendre le scénariste Everett de Roche, disparu en 2014.

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