Kingdom of Heaven
Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne : 2005
Titre original : –
Réalisation : Ridley Scott
Scénario : William Monahan
Acteurs : Orlando Bloom, Eva Green, Liam Neeson
Éditeur : Pathé
Durée : 3h10
Genre : Guerre, Historique
Date de sortie cinéma : 4 mai 2005
Date de sortie DVD/BR/4K : 26 novembre 2025
France, XIIème siècle. Le jeune Balian se voit confier la périlleuse mission de partir en croisade afin de préserver la paix en Palestine. Jérusalem connaît un équilibre fragile grâce aux efforts de son roi chrétien, Baudouin IV, et à la modération du légendaire chef musulman, Saladin. Mais le fanatisme religieux menace aux portes de la ville et contraint Balian à s’engager dans la guerre…
Le film
[4,5/5]
Il faut croire que Ridley Scott a un kink pour les mecs en jupette qui se battent pour des idées plus grandes qu’eux. Après Gladiator, devenu un grand classique populaire et un des films favoris des cinéphiles à travers le monde (il occupe la 33ème place du Top 100 IMDb), Kingdom of Heaven s’impose comme son autre grand opéra viril, mais cette fois sans les lions ni les pouces levés. Dans Kingdom of Heaven, il est question de foi, de tolérance, de géopolitique moyenâgeuse et de mecs qui transpirent sous des armures en fer blanc. Et dans sa version longue – 3h10 de croisade, de sueur et de silences éloquents – Kingdom of Heaven devient enfin ce qu’il aurait toujours dû être : un film adulte, ample, et foutrement intelligent.
Comme l’avait souligné notre chroniqueur Julien Mathon dans sa critique, la version cinéma de Kingdom of Heaven, amputée de 45 minutes, ressemblait à un kebab sans sauce : sec, confus, et vaguement indigeste. La version longue, elle, remet les morceaux dans le bon ordre, rajoute de la chair autour des os, et surtout, redonne du sens à ce qui n’était qu’un enchaînement de batailles jolies mais creuses. Dans Kingdom of Heaven, version longue, Balian n’est plus juste un forgeron qui devient général parce qu’il a une belle mâchoire ; c’est un homme en quête de rédemption, hanté par ses fautes, et qui tente de construire un royaume de justice dans un monde qui pue la ferraille et le fanatisme.
Ce qui frappe dans Kingdom of Heaven, c’est la manière dont Ridley Scott filme la foi comme une maladie chronique : invisible, douloureuse, et parfois contagieuse. Le film ne prend pas parti, il observe. Les Templiers sont des bourrins, les musulmans sont civilisés, les chrétiens sont divisés, et les femmes, comme souvent chez Scott, sont là pour rappeler que les hommes sont des glands. Eva Green, dans Kingdom of Heaven, incarne Sibylla avec une intensité qui ferait passer une pub pour serviettes hygiéniques pour un film de Fassbinder. Et dans la version longue, son personnage gagne en complexité, en tragédie, et en sourcils.
Formellement, Kingdom of Heaven est un orgasme visuel de tous les instants. Les décors naturels, les costumes, la lumière de John Mathieson : tout respire la reconstitution haut de gamme. Mais ce n’est pas juste joli. Chaque plan du film raconte quelque chose : un rapport de force, une solitude, une tension. La caméra ne survole pas les batailles comme un drone bourré, elle s’y enfonce, elle s’y perd. Et quand elle s’arrête, c’est pour capter un regard, un doute, un soupir. Même les chevaux semblent avoir des états d’âme. L’ensemble est d’autant plus puissant que la version longue de Kingdom of Heaven réintroduit des scènes essentielles : le procès de Balian, la maladie du fils de Sibylla, les tensions politiques internes à Jérusalem.
Ces ajouts ne sont pas des bonus pour fans hardcore, ce sont des fondations narratives. Sans elles, le film vacille. Avec elles, Kingdom of Heaven tient debout, fier comme un croisé sous Viagra. Et surtout, le film gagne en cohérence thématique : la paix n’est pas un état, c’est un effort. Un effort permanent, douloureux, et souvent vain. Il y a dans le film de Ridley Scott une mélancolie typique de son époque de tournage, qui pourra rappeler des films tels que Le Dernier Samouraï ou Troie, sortis à peu près à la même époque. Mais là où ces films se vautrent parfois dans le kitsch ou le narcissisme capillaire, Kingdom of Heaven conserve quant à lui une distance pudique. Pas de discours pompeux, pas de musique qui hurle « émotion ! », juste des hommes et des femmes qui essaient de faire ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. Et parfois, ce qu’ils ont, c’est une armée de 200.000 types qui veulent couper des têtes.
Parallèlement à Balian, interprété par Orlando Bloom, il y a également le personnage de Saladin, qui s’avère un modèle de classe et de retenue. Ghassan Massoud le joue comme un moine zen qui aurait lu Machiavel. Et la scène finale, où il remet la croix tombée au sol, résume tout le film : la foi, oui, mais sans fanatisme. La guerre, peut-être, mais avec dignité. Et l’humour, toujours, même dans les pires moments. Comme dans cette scène qui nous montre ce chevalier croisé qui, avant de mourir, demande s’il peut au moins garder son slip. Bon, d’accord, cette scène n’existe pas. Mais avouons que ça aurait été marrant tout de même. Alors oui, Kingdom of Heaven version longue, c’est long. Mais c’est long comme une bonne nuit d’amour : on en sort vidé, ému, et un peu plus humain. Et si ça, ce n’est pas du cinéma, alors autant tous se reconvertir dans le tricot. Ou dans la critique de séries Netflix, ce qui revient un peu au même.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4/5]
Le Blu-ray 4K Ultra HD de Kingdom of Heaven, édité par Pathé, se présente dans un élégant boîtier métal SteelBook limité, qui séduira immédiatement les collectionneurs. L’édition contient le Blu-ray 4K Ultra HD du film (Dolby Vision + HDR10), un Blu-ray du film, ainsi qu’un Blu-ray entièrement consacré aux bonus. Pathé n’a pas fait les choses à moitié avec cette édition : steelbook limité, visuel classieux, sérigraphie sobre comme un moine cistercien sous Lexomil, et surtout, la version Director’s Cut de 3h10, celle que Ridley Scott a toujours défendue comme la seule valable. On est loin du montage cinéma de 2005, charcuté comme un cochon de lait un soir de banquet.
Côté image, le Blu-ray 4K Ultra HD de Kingdom of Heaven envoie du très, très lourd. Le master 4K, supervisé par Scott et restauré à partir du négatif original, est un modèle du genre. Le grain pellicule est respecté, fin, jamais envahissant. Le Dolby Vision sublime les contrastes, notamment dans les scènes nocturnes ou les intérieurs tamisés de Jérusalem, où chaque bougie semble avoir été allumée par un chef op’ en transe. Les ciels crus, les visages burinés, les armures qui brillent comme des sextoys bénédictins : tout respire la noblesse visuelle. Même les scènes de bataille, souvent sujettes à du banding ou du flou numérique sur les anciennes éditions, retrouvent ici une lisibilité exemplaire. On distingue chaque coup d’épée, chaque gerbe de poussière, chaque regard perdu dans le chaos. La richesse visuelle du film est mise à l’honneur, avec des détails superbes sur les visages, les costumes et les décors. Les paysages désertiques, filmés en Espagne et au Maroc, apparaissent majestueux, baignés d’une lumière dorée qui accentue la dimension mystique du récit.
Côté son, la VO en Dolby Atmos offre une spatialisation immersive, avec des dialogues clairs et des effets spectaculaires lors des assauts. Les musiques de Harry Gregson-Williams bénéficient d’une ampleur nouvelle, enveloppant le spectateur dans une atmosphère quasi liturgique. La VF, en DTS-HD Master Audio 5.1, reste correcte, mais manque parfois de dynamique dans les séquences les plus intenses. Le canal LFE est bien exploité, notamment lors des charges militaires et des séquences de foule. Le choix d’inclure plusieurs pistes permet de satisfaire aussi bien les puristes que ceux qui privilégient le confort d’écoute. Le Blu-ray 4K Ultra HD de Kingdom of Heaven n’est pas une simple mise à jour technique : c’est une véritable redécouverte, qui met en valeur la puissance visuelle et sonore du film.
Les suppléments proposés par Pathé sont d’une richesse impressionnante. On commencera bien sûr avec le documentaire fleuve « Le Chemin de la Rédemption », qui bénéficie d’un Blu-ray à lui tout seul et constitue le cœur de cette édition. D’une durée de presque 7 heures, ce long making of est divisé en six parties thématiques, et retrace l’intégralité du processus créatif, du développement initial à la préproduction en passant par le tournage en Espagne et au Maroc, jusqu’à la postproduction, la sortie du film et son accueil public. Alors on ne va pas vous la faire à l’envers : on n’a pas visionné l’intégralité de ce making of monumental : sa longueur et le rythme soutenu de nos publications dans la section Blu-ray / DVD (un test par jour, tous les jours) ne nous le permettent tout simplement pas. Pour autant, pour en avoir visionné les premières heures, on peut vous assurer que l’on tient là une véritable plongée dans l’univers de Ridley Scott, qui nous permet de comprendre les choix artistiques opérés par le cinéaste et son équipe, ainsi que les difficultés rencontrées durant le tournage.
À cet imposant morceau s’ajouteront encore quelques bonus, regroupés sur le Blu-ray du film. Le documentaire « L’Histoire face à Hollywood » (43 minutes) interroge la manière dont le cinéma adapte et transforme les faits historiques, offrant une réflexion passionnante sur la représentation des croisades. Un autre making of (44 minutes) reviendra de façon résumée sur la production, avec des témoignages de l’équipe et des images de plateau, le tout mis en perspective avec la réalité historique. Enfin, une poignée de featurettes plus courtes complétera l’ensemble : « Ridley Scott : Créer des univers » (3 minutes), « Orlando Bloom : L’aventure d’une vie » (2 minutes), « Les décors : Résurrection d’une cité antique » (2 minutes), et « Les costumes : Créer des personnages » (2 minutes). Ces modules, bien que brefs, apportent un éclairage supplémentaire sur la conception visuelle et artistique du film.



























