Oscars 2017 : la très belle surprise Moonlight !

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Warren Beatty, Faye Dunaway et la mauvaise enveloppe (Eddy Chen/ABC)

Warren Beatty et Faye Dunaway auraient-ils porté la poisse à Damien Chazelle ? A l’occasion du cinquantième anniversaire de Bonnie & Clyde, ils ont été réunis à nouveau pour annoncer l’Oscar du meilleur film, ils sont en effet complices d’un magnifique hold-up, annonçant par méprise la victoire attendue de La La Land. L’équipe monte sur scène, commence ses remerciements chaleureux mais soudain le producteur Jordan Horowitz annonce la victoire surprise de… Moonlight, ainsi amoindrie par une superbe méprise qui éclipse aux yeux des cinéphiles la boulette de Vanessa Paradis aux César 1991 lorsqu’elle appela Judith Godrèche pour le prix du meilleur espoir féminin avant de bafouiller, de s’excuser et d’appeler Judith Henry (pour La Discrète).

https://youtu.be/grthYBH1cww

Warren Beatty a en fait reçu l’enveloppe contenant le nom de la meilleure actrice (Emma Stone, La La Land donc) et l’a donnée à Faye Dunaway qui ne s’est pas rendu compte de la boulette. La situation a été corrigée par Jordan Horowitz qui s’est rendu compte de la confusion croissante et a lui-même annoncé à la foule médusée l’impensable méprise, dont les détails sont relayés notamment sur le site du Hollywood Reporter. Il a du insister sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une blague et a su gérer l’incident du mieux possible, soulignant son admiration pour l’équipe du film Moonlight qui en coulisses a salué son respect pour la comédie musicale qui a «eu un impact sur beaucoup de gens, d’une façon très différente que Moonlight. Quand ils ont été appelés sur scène, je n’étais pas surpris et j’étais sincèrement heureux pour eux» a ainsi déclaré Mahershala Ali, oscarisé en second rôle pour le film de Barry Jenkins.

Un fiasco, assez unique en son genre, qui a amoindri ce succès inattendu mais qui ne doit pas faire oublier qu’il s’agit de l’un des palmarès les plus satisfaisants artistiquement de ces dernières années, surpassant l’année 2003 car là au moins, pas de désastre artistique digne d’un Chicago de Rob Marshall pour amoindrir le plaisir de voir Roman Polanski gagner l’Oscar du meilleur réalisateur ou Pedro Almodovar celui du scénario.

Ce très beau drame sur trois étapes de la vie d’un jeune gay noir souffle l’Oscar du meilleur film à la comédie dramatico-romantique La La Land. Une très très très belle surprise, une victoire méritée. Retrouvez ici la critique de Tobias.

Moonlight reçoit également les Oscars du meilleur second rôle masculin et de la meilleure adaptation, poursuivant une longue série où le lauréat du trophée suprême ne remporte qu’une poignée de trophées et n’est pas le film le plus primé. Les producteurs Dede Gardner et Jeremy Kleiner reçoivent leur deuxième prix dans cette catégorie après 12 years a slave (partagés alors avec leur partenaire Brad Pitt) et sont donc les premiers à être primés deux fois pour le long-métrage d’un cinéaste noir (lui-même non primé au passage).

La La Land, malgré six trophées, ressemble plus à un perdant qu’à un gagnant en ne recevant que cette demi douzaine de prix (le double de son rival tout de même) sur ses quatorze citations alors qu’il en visait beaucoup plus. Damien Chazelle devient le plus jeune réalisateur récompensé devant Norman Taurog pour Skippy en 1931. La La Land reçoit aussi les prix de la meilleure actrice (hélas devant Isabelle Huppert pour Elle), de la meilleure musique et de la meilleure chanson, des meilleurs décors et de la meilleure photo, Linus Sandgren a, au passage, tournéen pellicule.

Les deux Oscars des seconds rôles sont remis pour la première fois à deux afro-américains, primés d’ailleurs pour des films centrés sur leur communauté. Mahershala Ali et Viola Davis ont en commun d’avoir été révélés dans des séries télé, lui dans Preuves à l’appui et Les 4400, elle dans un épisode de New York Police Judiciaire avant de faire leurs preuves au cinéma et sur scène. Première comédienne noire nommée trois fois aux Oscars, Viola Davis est également la première à être honorée aux Emmys, Tonys et Oscars et la première à faire le doublé Tony-Oscars pour le même rôle.

Mahershala Ali, Emma Stone, Viola Davis et Casey Affleck

En recevant l’Oscar du meilleur acteur pour le drame Manchester by the Sea, Casey Affleck se rapproche de son frère Ben, déjà titulaire de deux Oscars (scénario pour Will Hunting et film pour Argo). Ils rejoignent d’autres «fratries» récompensées dont l’ingénieur du son Douglas Shearer et sa sœur l’actrice Norma Shearer, les compositeurs Alfred et Lionel Newman, les frères Coen et Sherman Brothers (toujours en duo), les sœurs actrices (et rivales) Olivia de Havilland et Joan Fontaine, Warren Beatty et Shirley Mac Laine (tous deux présents sur scène cette année), les acteurs Ethel et Lionel Barrymore ou les frères jumeaux Julius et Philip G. Epstein (scénaristes) et Richard et Paul Sylbert (décorateurs), parmi quelques autres encore.

Alors que Toni Erdmann de Maren Ade fut longtemps le favori, Le Client, porté par la polémique sur l’interdiction de territoire aux ressortissants de sept pays où l’Islam est la religion dominante par Donald Trump, permet à Asghar Farhadi de recevoir un deuxième Oscar du meilleur film en langue étrangère. L’exploit est très rare, surtout ces dernières années, le dernier à avoir réussi cet exploit étant Akira Kurosawa en 1976 pour Dersou Ouzala, la précédente étant en 1952 pour Rashomon. Vittorio de Sica l’a eu quatre fois pour Sciuscià (1948), Le Voleur de bicyclette (1950), Hier, aujourd’hui et demain (1965) et Le Jardin des Finzi-Contini (1972) tout comme Federico Fellini pour La Strada (1957), Les Nuits de Cabiria (1958), Huit et demi (1964) et Amarcord (1975). Ingmar Bergman l’a gagné trois fois pour La Source (1961), À travers le miroir (1962) et Fanny et Alexandre (1984) et René Clément deux, pour Au-delà des grilles (1951) et Jeux interdits (1953).

Après vingt nominations non transformées – un record – l’ingénieur du son Kevin O’Connell reçoit son premier prix du son pour le film de guerre Tu ne tueras point de Mel Gibson qui reçoit aussi celui du montage. Deux jours plus tôt, son ex assistant, Greg P. Russell – nommé en binôme une douzaine de fois – était lui éliminé de la course pour 13 heures de Michael Bay car il avait violé un règlement des oscars en contactant par téléphone des membres de l’Académie pour les inciter à voter pour lui. Tu ne tueras point «chipe» d’ailleurs deux des oscars les plus attendus de La La Land.

La créatrice de costumes Colleen Atwood reçoit son quatrième trophée après ceux pour Chicago, Mémoires d’une geisha et Alice au pays des merveilles. Il s’agit du premier trophée pour un film de l’univers Harry Potter, jamais primé pour sa première série de longs-métrages malgré des citations régulières.

Enfin, l’atroce Suicide Squad est récompensé pour ses non moins atroces maquillages et coiffures, l’un de ses lauréats d’origine italienne dédiant son prix à tous les émigrés. Les piques contre Donald Trump furent évidemment nombreuses, on ne les citera pas toutes. La «sur-côtée» Meryl Streep (selon l’un de ses multiples tweets), nommée pour la vingtième fois, a été d’ailleurs saluée par l’animateur de la soirée, Jimmy Kimmel.

John Cho et Leslie Mann ont annoncé, dans l’un des discours les plus amusants et moqueurs de la soirée, les noms des lauréats des Oscars techniques et scientifiques honorant les techniciens qui inventent les nouvelles technologies ou améliorent les procédés existants, reconnaissant que ni la presse ni les invités prestigieux de la soirée ne sont vraiment intéressés par cette cérémonie annexe qui a le mérite d’exister.

Une 89ème riche en surprises, ce qui n’est pas si courant !

Le Palmarès complet

Meilleur film : Moonlight de Barry Jenkins, produit par Adele Romanski, Dede Gardner et Jeremy Kleiner

Meilleur réalisateur : Damien Chazelle pour La La Land

Meilleure actrice : Emma Stone dans La La Land

Meilleur acteur : Casey Affleck dans Manchester by the Sea

Meilleur second-rôle féminin : Viola Davis dans Fences

Meilleur second-rôle masculin : Mahershala Ali dans Moonlight

Meilleur scénario : Kenneth Lonergan pour son film Manchester by the Sea

Meilleure adaptation : Barry Jenkins et Tarell Alvin McCraney pour Moonlight

Meilleur film en langue étrangère: Le Client d’Asghar Farhadi (Iran)

Meilleure musique : La La Land – Justin Hurwitz

Meilleure chanson : «City of stars» – La La Land

Meilleure photo : La La Land – Linus Sandgren

Meilleur montage : Tu ne tueras point – John Gilbert

Meilleurs décors : La La Land – David Wasco, Sandy Reynolds-Wasco

Meilleurs costumes : Les Animaux Fantastiques – Colleen Atwood

Meilleur son (mixage) : Tu ne tueras point – Kevin O’Connell, Andy Wright, Robert Mackenzie et Peter Grace

Meilleur montage son : Premier contact – Sylvain Bellemare

Meilleurs effets visuels : Le Livre de la Jungle – Robert Legato, Adam Valdez, Andrew R. Jones et Dan Lemmon

Meilleurs maquillages et coiffures : Suicide Squad – Alessandro Bertolazzi, Giorgio Gregorini et Christopher Allen Nelson

Meilleur long-métrage documentaire : O.J.: Made in America de Ezra Edelman et Caroline Waterlow

Meilleur court-métrage documentaire : The White Helmets de Orlando von Einsiedel et Joanna Natasegara

Meilleur long-métrage d’animation : Zootopie de Byron Howard, Rich Moore et Clark Spencer

Meilleur court-métrage d’animation : Piper d’Alan Barillaro et Marc Sondheimer

Meilleur court-métrage de fiction : Sing de Kristof Deak et Anna Udvardy

La séquence IN MEMORIAM a notamment salué les mémoires de Bill Paxton disparu hier, Prince, Carrie Fisher, Debbie Reynolds, Arthur Hiller, Ken Adam, Bill Nunn, George Kennedy, Gene Wilder, Paul Sylbert, Michael Cimino, Andrzej Wajda, Patty Duke, Garry Marshall, Emmanuelle Riva, Janet Patterson (costumière de Jane Campion, illustrée par la photo d’une autre personne), Anton Yelchin, Mary Tyler Moore, Kenny Baker, Robert Vaughn, John Hurt, Jim Clark et Antony Gibbs (monteurs), Kit West (effets spéciaux), Lupita Tovar, Nancy Reagan, Abbas Kiarostami, William Peter Blattty, Ken Howard, Hector Babenco, Curtis Hanson, Raoul Coutard, Zsa Zsa Gabor, Om Puri ou les ingénieurs du son Richard Portman et George ‘Ray’ West , la disparition de la plupart d’entre eux ayant été évoquée sur ce site ces derniers mois.

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