Critique : La Planète des singes : l’affrontement

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planete des singes affLa Planète des singes : l’affrontement

Etats-Unis : 2014
Titre original : Dawn of the Planet of the Apes
Réalisateur : Matt Reeves
Scénariste : Rick Jaffa, Amanda Silver, Mark Bomback, d’après l’oeuvre de Pierre Boulle
Acteurs : Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman
Distribution : 20th Century Fox
Durée : 2h11
Genre : Science-fiction, Aventures
Date de sortie : 30 juillet 2014

Note : 4/5

Synopsis : Dix ans après la fuite de Cesar et de ses congénères du laboratoire qui a modifié leur intelligence, la population humaine a été décimée par un virus mortel connu sous le nom de fièvre simiesque. Cesar est devenu le leader pragmatique et bienveillant de ses congénères. Lorsque la poignée d’humains survivants et les singes se rencontrent à nouveau, pourra-t-il veiller à leur cohabitation ou devront-ils s’affronter jusqu’à la mort ?

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La fin de notre civilisation

Ce reboot de la série créée en 1968 d’après un roman de Pierre Boulle (Le Pont de la Rivière Kwaï) avec Charlton Heston en astronaute qui débarquait sur une planète peuplée de singes doués de la parole reprend de grands éléments de la trame originelle mais dans une chronologie inversée. Comme l’on connaît la fin de l’histoire, pas de flash-back mais une évolution pessimiste vers la fin annoncée de notre civilisation. Après La Planète des singes, les origines, Rupert Wyatt cède la place de réalisateur à Matt Reeves (Cloverfield) pour un film de science-fiction intelligent et émotionnellement très fort. Humains et singes se jaugent et se méfient les uns des autres mais l’affrontement du titre n’est pas tant celui des premiers contre les deuxièmes que celui des belliqueux contre les pacifistes dans chacun des camps. Tuer l’autre avant qu’il ne vous tue ou apprendre à lui faire confiance, tel est le principal enjeu du récit.

Le pardon et la compréhension de l’autre sont au cœur de ce récit de guerre aux velléités pacificatrices. La paix exige une confiance réciproque difficile à obtenir. Or, trop de protagonistes refusent de faire un pas vers l’autre. Le pire ne peut donc qu’arriver malgré les efforts de ceux qui tentent d’éviter ce qui ne peut mener qu’à un affrontement définitif avec des vainqueurs et des vaincus.

Les parallèles avec les conflits d’aujourd’hui et d’hier sautent hélas aux yeux. Si la frontière est ténue entre considérations politiques béates et réflexion sociétale plus subtile, le propos reste à un niveau modeste dans son ambition. Le film reste avant tout un divertissement, avec des scènes d’action aussi spectaculaires que dans un film de guerre, même s’il s’élève très nettement au dessus de la moyenne grâce à des réflexions passionnantes sur la transmission du bien et du mal ainsi que sur les rapports filiaux, entre pères et fils plus précisément, et de pouvoir.

Toby Kebbell et Andy Serkis
Toby Kebbell et Andy Serkis

Des singes et des hommes

Plus cohérent et plus subtil que le précédent volet, cette bataille pour l’avenir de deux civilisations est écrit sans trop de manichéisme, malgré le symbolisme un poil (de singe) trop appuyé dans les parallèles entre l’homme et son ascendant le singe.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les interprétations des singes sont bien plus complexes que celles des êtres humains. Pour apprécier la complexité du personnage principal, Cesar, chaînon manquant entre les humains d’hier et les singes de demain, il est d’ailleurs conseillé de voir le film dans sa version originale pour apprécier la performance incroyable de Andy Serkis dans le rôle du leader sapiens sapiens qui passe par les nuances de sa voix et de ses grognements autant que dans les techniques qui ont capté ses mouvements physiques avant de les faire revivre à l’écran avec des effets spéciaux de haut niveau. Le film s’ouvre d’ailleurs sur son regard, il est le héros de cette saga qui devrait connaître encore une ou deux suite(s). Son principal partenaire simiesque est Koba, déjà présent dans le premier volet et là encore joué avec habileté par Toby Kebbell qui transmet toute l’ambiguïté de son personnage. S’il est dévoué à celui qui l’a sauvé et libéré, il ne fut pas élevé avec affection par un être humain (James Franco dont la présence est limitée à un flash-back touchant). Les tortures qu’il a subies l’ont transformé en un être détruit assoiffé de vengeance et qui surtout ne fait pas confiance à une race entière.

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Si Jason Clarke, principal contact de Cesar livre une prestation mesurée, celle de Gary Oldman en chef hostile des survivants est hélas un peu plus convenue malgré une tentative de le présenter plus comme un homme soucieux de préserver ses concitoyens de ceux qu’il considère comme une menace. Il est quand même plus mesuré que les quelques vilains sans épaisseur qu’il a parfois interprétés, dans Air Force One de Wolfgang Petersen ou Le 5ème élément de Luc Besson.

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Les autres humains n’existent que trop peu et leur psychologie est moins finement esquissée, autant le trop méchant Kirk Acevedo, celui qui verse le premier sang dans la forêt que Keri Russell (déjà dirigée par Matt Reeves) en compagne de Jason Clarke et mère de substitution pour Kodi Smit McPhee même si elle rappelle, comme dans la série d’espionnage The Americans, qu’elle a une présence sous utilisée par le cinéma. Le jeune interprète de La Route et de la version américaine de Morse a lui aussi une présence discrète mais n’est pas transparent grâce à quelques jolies scènes de transmission avec son père mais aussi avec l’orang-outang Maurice déjà présent dans Les Origines. Parmi les seconds rôles, on remarque encore la présence d’Enrique Murciano qui accompagne les héros lors de la réouverture du barrage et à qui l’on doit une séquence de nostalgie en musique, un moment de calme avant la tempête, un répit avant le conflit inévitable, la marque du côté désespéré de l’intrigue.

Kirk Acevedo, Keri Russell, Jason Clarke, Kodi Smit McPhee et Enrique Murciano
Kirk Acevedo, Keri Russell, Jason Clarke, Kodi Smit McPhee et Enrique Murciano

 

Les décors post-apocalyptiques signés James Chinlund restent à un niveau modeste et dans une périphérie d’action réduite à quelques kilomètres carrés autour du Golden Gate Bridge, où se situait déjà le climax du premier film mais aussi ses séquences plus intimes. D’un côté du pont, la forêt pour les singes dont l’habitation est faite de brics et de brocs comme s’ils avaient effectivement modifié l’habitat naturel et de l’autre côté, la ville revenue à l’état sauvage pour les humains.

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Techniquement, le film est d’une grande maîtrise, de la photo sombre de Michael Seresin (rien de moins que les films de Alan Parker : Bugsy Malone, Midnight Express, Fame, Birdy, Angel Heart… ainsi que Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban) en passant par la création des singes, entre les effets numériques de la Weta Digital supervisés par Joe Letteri (King Kong de Peter Jackson déjà et les films de la saga du Seigneur des Anneaux) et les quelques effets créés sur le plateau. Leur texture souple et crédible ne ferait pas rougir l’expert indépassable du genre Rick Baker. La musique de Michael Giacchino est en retenue, loin des accents guerriers à la Hans Zimmer pour ses collaborations avec Ridley Scott.

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Voir notre critique de La Planète des singes : les origines signée Julien Mathon en cliquant sur ce lien

Résumé

César et ses congénères reviennent dans ce nouveau volet de la saga de la Planète des Singes, un film d’action à taille humaine où l’aspect dramatique n’est pas sacrifié au détriment de l’action et inversement. Nous ne sommes qu’à l’aube de la planète des singes (pour reprendre le titre original) et l’on attend avec un a priori très positif le prochain volet qui sera encore signé a priori Matt Reeves, avec toujours Andy Serkis dans le rôle principal devenu l’expert incontesté de la motion capture, autant en tant qu’acteur que dans la maîtrise de la technique, comme en témoignait sa présentation de quelques séquences du film en avril dernier.

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