Critique : La Nonne (Corin Hardy)

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La Nonne

États-Unis, 2018
Titre original : The Nun
Réalisateur : Corin Hardy
Scénario : Gary Dauberman, d’après une histoire de Gary Dauberman & James Wan
Acteurs : Demian Bichir, Taissa Farmiga, Jonas Bloquet, Bonnie Aarons
Distribution : Warner Bros France
Durée : 1h37
Genre : Horreur / Interdit aux moins de 12 ans
Date de sortie : 19 septembre 2018

Note : 2,5/5

Le cinéma d’horreur actuel a-t-il encore le potentiel de se renouveler ou bien se complaît-il simplement dans une boucle sans fin des mêmes recettes éprouvées ? Pareille interrogation doit être permise face à un film tel que La Nonne, certes efficace dans la création de sursauts, qui produisent à leur tour une chair de poule de façon passagère, mais en même temps horriblement conventionnel et prévisible. Le retour en arrière nostalgique aux origines du mythe Conjuring, imaginé par James Wan et désormais à l’œuvre dans cinq contes de malédiction, y est tout juste bon pour sortir en quelques sortes les vieux cadavres de leurs catacombes, afin de leur faire faire un tour supplémentaire, avant que des esprits et des personnages légèrement plus contemporains ne prennent la relève. Le décor d’une vieille abbaye hantée nous y renvoie aux classiques du film d’épouvante, pendant que la mise en scène de Corin Hardy s’évertue à ne surtout pas rater une occasion pour faire apparaître soudainement et sans la moindre logique scénaristique les créatures de la nuit, vêtues d’habits religieux. Mais au lieu d’enrichir en profondeur l’univers si inquiétant dans les films situés dans les années ’70, cette préquelle se contente de faire appel à l’opposition caricaturale et au moins aussi vieille que L’Exorciste de William Friedkin entre les croyants sans reproche et l’armée des ténèbres contre laquelle un peu de prière fervente et d’eau bénite ne suffira pas pour rétablir l’ordre.

Synopsis : En 1952, une nonne est retrouvée morte, pendue devant le porche de son monastère en Roumanie, dans ce qui a tout l’air d’être un suicide. Le Vatican prend cette affaire très au sérieux et dépêche le père Burke sur place, un exorciste avisé qui avait déjà travaillé pour l’église pendant la guerre. Il aura pour assistante la jeune Anglaise Irene, qui s’apprête à entrer dans les ordres. Ensemble, ils prennent contact avec Frenchie, l’homme qui a retrouvé le corps et le seul habitant du village à oser approcher de la vieille bâtisse maudite. Leur mission s’avère rapidement plus dangereuse que prévu.

Nuit et brouillard

Les effets spéciaux et autres excès de maquillage ne sont heureusement pas la seule et unique source d’effroi dans La Nonne. Chaque moment de stress spectatoriel a beau y être amené avec une emphase qui en amoindrit forcément l’impact, il n’en demeure pas moins que le cadre de l’intrigue – un château médiéval, transformé en lieu de prière ou plutôt en carrefour involontaire du Bien et du Mal, entouré de cimetières archaïques – s’inscrit parfaitement dans la plus pure tradition de l’épouvante à l’écran. Les portes qui grincent, les lampes et autres bougies qui s’éteignent comme si elles étaient soufflées par la magie noire incarnée, ainsi que les visages des bonnes sœurs soigneusement couverts par leur habit jusqu’à ce qu’on découvre in extremis leurs grimaces grotesques … ou pas : les éléments ne manquent pas pour nous mijoter une alternance percutante entre l’enchantement mêlé d’appréhension et l’avènement de nos pires cauchemars. Or, le maniement des attentes s’opère avec assez peu de finesse formelle, la surenchère primant constamment sur une orchestration plus sournoise de l’horreur. Faute de savoir manipuler le spectateur avec quelques dispositifs pointus, le réalisateur sort alors les grands moyens, quitte à noyer une quelconque ambition de distinction par rapport aux nombreux films du même genre dans une grandiloquence permanente.

Cracher contre les démons

Grâce au trait forcé, le divertissement est donc sauf. Mais à quel prix ? Sans doute à celui du spectacle sans âme, un enchaînement incessant de chocs perturbateurs au sein duquel il serait inutile de rechercher une conviction religieuse sous quelque forme que ce soit. Il appartient par conséquent aux acteurs de conférer un minimum de sérieux à cette montagne russe superficielle, une tâche dont Demian Bichir et Taissa Farmiga s’acquittent malgré tout convenablement. Leurs personnages respectifs, le prêtre exemplaire qui craint d’avoir fait preuve de trop de zèle dans le passé et cherche à se racheter par cette nouvelle mission perdue d’avance et la novice encore passablement idéaliste au début mais dont les grands yeux s’emplissent progressivement de terreur au fur et à mesure qu’elle devient l’enjeu à la fois principal et bancal de l’histoire, ne se distinguent certes pas par leur originalité. Ils servent par contre de repère à peu près solide dans le contexte du marasme abracadabrant dans lequel le récit a une fâcheuse tendance à s’engager. Leur sobriété toute relative ne se prolonge ainsi pas jusqu’au troisième adversaire coriace du démon, le jeune acteur belge Jonas Bloquet dans un rôle d’appui roturier qui sert au mieux de fournisseur de parenthèses comiques, avec tout ce que cet emploi peu enviable implique en termes de ruptures de ton boiteuses.

Conclusion

Depuis 2013, pratiquement chaque année le public mondial a droit à une nouvelle incursion dans l’univers Conjuring. Un tel rythme soutenu, avant tout pour des raisons commerciales, doit tôt ou tard produire des signes de fatigue, ce qui est plutôt le cas avec La Nonne. La lassitude indiscutable s’y laisse encore esquiver un temps par une sollicitation continue d’effets grand-guignolesques, qui ont fait leurs preuves depuis des décennies. Mais l’heure viendra où plus aucun fan de cinéma d’horreur ne sera dupe de la fin d’un cycle, en quête de plus en plus poussive de bouées de sauvetage artificielles.

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