Critique : Freaks (2018)

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Freaks

Canada, États-Unis : 2018
Titre original : –
Réalisateur : Zach Lipovsky, Adam Stein
Scénario : Zach Lipovsky, Adam Stein
Acteurs : Lexy Kolker, Emile Hirsch, Bruce Dern
Éditeur : Lonesome Bear
Durée : 1h46
Genre : Fantastique
Date de sortie DVD/BR : 8 janvier 2020

 

Note : 4/5

Premier film en duo pour Adam B. Stein et Zach Lipovsky (réalisateur en solo de Leprechaun origins et Dead rising : Watchtower), le projet Freaks est le résultat d’années de frustrations pour les deux aspirants-cinéastes. Ils ont donc finalement pris le parti de produire, scénariser et réaliser eux-mêmes « leur » film, et leur acharnement a porté ses fruits : Freaks a en effet sillonné les festivals à travers le monde, et s’est même payé le luxe d’être récompensé par plusieurs prix. En France, le film a remporté le Prix du Jury aux Utopiales (Nantes) et carrément trois prix au PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival) l’an dernier : l’Œil d’or long-métrage, le prix des lecteurs Mad Movies, et le prix Ciné+ Frisson. La découverte du film, qui sortira le 8 janvier en Blu-ray, DVD et VOD sous les couleurs de l’éditeur Lonesome Bear (filiale de The Jokers), nous confirme que cette excellente réputation n’était pas usurpée…

Chloé a 7 ans et n’a jamais vu la lumière du jour. Son père la maintient à l’écart du monde extérieur, ne cessant de lui répéter qu’elle est différente, et que tout ce qui se trouve de l’autre côté de la porte d’entrée représente une menace. C’est en bravant tous les interdits que Chloé va pouvoir découvrir la vérité sur sa condition…

 

 

Attention : pour apprécier Freaks à sa juste valeur, il semble qu’il vaille mieux en savoir le moins possible sur le film avant d’en entamer le visionnage. Le résumé proposé par Lonesome Bear est à ce titre plutôt bien conçu, même si la jaquette de l’édition vidéo en révélera probablement un peu trop. Cette critique contient donc des [SPOILERS] et évoque des moments-clés du récit. On y développe en effet une réflexion sur certains éléments qui ne seront révélés que durant la deuxième moitié du film. Mieux vaut passer votre chemin si vous désirez vous garder intact le plaisir de la découverte…

 

A la croisée des genres

On a évoqué cet état de fait à l’occasion de notre critique de Spider-Man : Far from home il y a quelques semaines : depuis une vingtaine d’années que les films de super-héros trustent les écrans de nos multiplexes, le genre a évolué, et plusieurs sous-catégories existent dorénavant dans l’univers très codifié des personnages dotés de super pouvoirs. Ces sous-genres cohabitent les uns avec les autres, dans le sens où ils s’adressent à des publics légèrement différents. Ainsi, Freaks s’inscrit dans la tradition du film de super-héros « indé », tourné à l’économie, à la façon de films tels que Special (2006), Superheroes (2011), American hero (2016) ou encore du sud-coréen Psychokinesis (2018).

Sauf que le film de Zach Lipovsky et Adam B. Stein dissimule un long moment sa nature de film de super-héros derrière une intrigue de façade utilisant la science-fiction dystopique comme point de départ : la première moitié du film installe le spectateur aux côtés d’une petite fille (Lexy Kolker) confinée à l’intérieur d’une maison aux fenêtres calfeutrées et aux portes sécurisées par de nombreux verrous. Son père (Emile Hirsch), survivaliste et paranoïaque, la protège du monde extérieur en lui inculquant un ensemble de règles à ne pas transgresser. Petit à petit cependant, on découvrira la nature du monde extérieur : Freaks nous emmène dans un monde probablement pas si lointain au cœur duquel les « Freaks », humains dotés de capacités surnaturelles, ont été déclarés hors-la-loi et doivent se signaler aux autorités afin d’être « pris en charge ». Une prise en charge qui semble synonyme d’exécution…

 

 

Science-fiction spartiate

L’univers que les deux cinéastes prennent grand soin d’installer est le signe d’un pragmatisme certain concernant les limites de leur budget, et servira de fait surtout de caution intellectuelle, Freaks se refusant à aborder sa réflexion socio-politique de façon trop frontalement spectaculaire, comme le faisaient par exemple les meilleurs films de la saga X-Men. Le budget restreint permet ainsi de développer bien d’avantage les contours d’un monde futuriste solide, qui n’a finalement rien du « cache-misère » que l’on aurait pu craindre, mais qui s’avère au contraire esquissé de façon certes minimaliste mais vraiment efficace, par bribes, le récit étant amené au spectateur à travers le point de vue de sa petite héroïne, isolée du monde, et découvrant peu à peu la réalité du monde extérieur, et de sa propre condition.

Il n’est point forcément besoin d’afficher de manière ostentatoire des effets spéciaux sophistiqués afin de mettre en scène un récit d’anticipation crédible – on l’a encore constaté il y a quelques mois avec le sublime Prospect – et Zach Lipovsky et Adam B. Stein y parviennent simplement à travers une poignée d’accessoires, un extrait de journal télévisé, une affiche placardée dans la rue… Le décor est planté en l’espace de quelques plans, de quelques « détails », et le reste repose non seulement sur un dernier acte assez époustouflant mais aussi et surtout sur les épaules d’un trio d’acteurs en état de grâce (Lexy Kolker, Emile Hirsch, Bruce Dern), parvenant à amener à leurs personnages l’émotion et l’authenticité qui font basculer Freaks du côté des belles réussites du genre.

 

 

Conclusion

Jolie fable d’anticipation cachant une variation inattendue sur les récits de super-héros, Freaks parviendrait presque à faire oublier au spectateur qu’il partage son titre avec l’un des plus immortels joyaux du cinéma fantastique (Tod Browning, 1932). Portée par un petit noyau dur d’acteurs parfaits, lorgnant sans vergogne du côté des plus grandes réussites de chez Marvel, le film de Zach Lipovsky et Adam B. Stein s’avère une véritable curiosité à découvrir, de la même façon qu’il marque la naissance d’un duo de cinéastes à suivre de près.

Freaks sera disponible en Blu-ray, DVD et VOD dès le 8 janvier 2020. Le DVD et le Blu-ray comprendront un commentaire audio des réalisateurs ainsi qu’un making of d’une durée de 20 minutes. Le Blu-ray est annoncé en 1080p, VF et VO en DTS-HD Master Audio 5.1.

 

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