Critique : 11 minutes

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11 minutes

Pologne, Irlande : 2015
Titre original : 11 minut
Réalisation : Jerzy Skolimowski
Scénario : Jerzy Skolimowski
Acteurs : Richard Dormer, Andrzej Chyra, Agata Buzek
Distribution : Zootrope Films
Durée : 1h21
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 19 avril 2017

3/5

Agé de 78 ans, le réalisateur, acteur et peintre polonais Jerzy Skolimowski a réalisé son premier long métrage il y a 53 ans et il obtint ses plus grands succès internationaux en 1970 avec Deep End et en 1982 avec Travail au noir. En 1991, très déçu par son adaptation du roman Ferdydurke qu’il considère comme son plus mauvais film, il décide de faire une pause de quelques années avant de se lancer dans une nouvelle réalisation. En fait, cette pause va durer 17 ans et il va l’occuper en se consacrant à la peinture et en « faisant » l’acteur dans un certain nombre de films. En 2008, il se lance de nouveau dans la réalisation avec Quatre nuits avec Anna, suivi de Essential Killing en 2010. 11 minutes, présenté à la Mostra de Venise 2015, est donc le 3ème film de cette nouvelle vie de réalisateur. C’est sans doute aussi le plus ambitieux.

Synopsis : Un mari jaloux hors de contrôle, une actrice sexy, un réalisateur carnassier, un vendeur de drogue incontrôlable, une jeune femme désorientée, un ex-taulard devenu vendeur de hot-dog, un laveur de vitres en pause 5 à 7, un peintre âgé, un étudiant qui a une mission secrète, une équipe d’auxiliaires médicaux sous pression et un groupe de nonnes affamées. 11 moments de vie de citadins contemporains qui vont s’entrecroiser et s’entrelacer.

Un véritable tourbillon

Puzzle : c’est le premier mot qui vient à l’esprit lorsqu’on souhaite parler de 11 minutes. En effet, après un prologue particulièrement abscons tourné avec un téléphone portable, une caméra d’ordinateur et une caméra de surveillance et dans lequel les images partent dans tous les sens, Jerzy Skolimowski va entremêler 11 histoires différentes se déroulant à Varsovie sur une période de 11 minutes, de 17 heures à 17 heures et 11 minutes. Essayer de donner ne serait-ce qu’un vague aperçu de ce qui se déroule durant ces 11 minutes apparait totalement vain. Tout juste peut-on dire que, régulièrement, des personnages d’une histoire vont croiser des personnages d’une autre histoire et que le réalisateur s’amuse à distiller des repères temporels lorsque les histoires se croisent. Tout juste peut-on dire que, parmi les personnages, on va trouver un réalisateur de cinéma très intéressé par une actrice très sexy dotée d’un mari jaloux qui aimerait bien savoir ce qui se passe de l’autre côté de la porte de la chambre 1111 d’un hôtel, un ancien enseignant pédophile devenu vendeur de hot-dogs, des nonnes qui se présentent comme clientes de ce vendeur, un coursier porté sur la drogue, des laveurs de carreaux, un couple porté sur la pornographie, … .

Chef-d’œuvre ou film prétentieux ?

Tout au long du film le réalisateur se plait à générer une ambiance de plus en plus anxiogène annonçant l’imminence d’une catastrophe et à parsemer son film d’allégories et de symboles dont il n’est pas toujours évident de faire une interprétation pertinente. L’exemple le plus visible est le choix de nombres formés avec le chiffre 1 : 11 minutes, chambre 1111. S’agit-il d’un goût particulier pour des nombres simples et symétriques, ou bien faut-il y voir un clin d’œil au 11 septembre 2001, hypothèse qu’on peut penser corroborée par le survol de la ville par un avion volant à très basse altitude, très près des immeubles ? A la vue du film, on se trouve confronté à une sorte de contradiction : cette accumulation d’allégories, de symboles, de métaphores apporte de la richesse au film mais elle nuit à la compréhension des histoires et à la perception qu’on peut avoir des personnages, d’autant plus que chaque fragment d’histoire ne dure jamais plus qu’une poignée de minutes. Au final, selon ses goûts cinématographiques, selon son aptitude à se laisser porter sans broncher dans un état d’apesanteur sensorielle, selon son humeur du moment, 11 minutes peut apparaître comme un véritable chef-d’œuvre aussi bien que comme un film d’une grande prétention. Un peu comme Melancholia auquel il fait parfois penser.


Les reconnaitrez vous ?

Ce film sur la précarité de l’existence et sur les chaînes qui relient l’ensemble des humains les uns aux autres , Jerzy Skolimowski l’a construit en partant de la scène finale, qu’on se gardera bien sûr de raconter. 11 histoires, deux douzaines de personnages. Parmi les interprètes de ces personnages, on reconnait Richard Dormer (Beric Dondarrion dans Game of Thrones) dans le rôle du réalisateur de cinéma Richard Martin, Andrzej Chyra  (le père Adam dans Aime et fais ce que tu veux) dans le rôle du vendeur de hot-dogs, ainsi que Agata Buzek (Sœur Maria dans Les innocentes).

Conclusion

Une certitude : 11 minutes est un film qui vous en met plein les mirettes. Cela en fait-il pour autant un film incontournable ? important ? Ou bien prétentieux ? Cela en fait-il un film qui vieillira bien ou, au contraire, un film dont les laudateurs du jour se transformeront en contempteurs avec le temps ? En fait, il est fort probable qu’une seule et même personne peut se retrouver à donner un avis différent selon son humeur du moment, selon son état de forme physique. A vous de voir si vous êtes prêt à vous confronter à cet objet filmé pas très bien identifié !

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