Critique : Suite française
Pendant l’Occupation, chaque Français était au moins dans l’âme un résistant. Ce mythe patriotique est toujours présent dans la conscience collective, principalement parce qu’il est plus valorisant de se situer parmi les vainqueurs héroïques que de devoir admettre que les collaborateurs ne manquaient pas pour faciliter la tâche de l’occupant. Côté cinéma, cette partie de la représentation historique nous paraît particulièrement dépassée par rapport aux efforts fournis dans d’autres domaines, notamment littéraires. Car parmi les films qui nous viennent immédiatement à l’esprit pour évoquer cette période sombre de l’Histoire française, L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville et Monsieur Batignole de Gérard Jugnot colportent – toutes proportions de qualité cinématographique gardées – à peu de choses près la même image d’Epinal des citoyens courageux, qui s’insurgeaient clandestinement et avec plus ou moins de violence contre l’administration de l’ennemi allemand. Pendant la première heure, cette coproduction européenne dresse un portrait sensiblement moins complaisant de la campagne française par temps de guerre, avant de rentrer in extremis dans le rang de l’épopée idéalisée aux valeurs héroïques tout de suite moins intéressantes.
Critique : La Maison au toit rouge
D’un point de vue européen, les maîtres du cinéma japonais s’appellent Akira Kurosawa, Yasujiro Ozu, Kenji Mizoguchi, Hayao Miyazaki, ainsi que – pourquoi pas – Takeshi Kitano et Nagisa Oshima. Trouver sur de telles listes officielles, établies à travers le prisme d’un regard étranger guère rompu aux particularités de la culture nippone, le nom de Yoji Yamada constituerait une (bonne) surprise. Pourtant, ce réalisateur désormais octogénaire peut s’enorgueillir d’une filmographie extrêmement prolifique et tout aussi exceptionnelle en termes de qualité, à en juger par le nombre très restreint de ses films qui a trouvé son chemin jusque sur les écrans de cinéma français. Car après notre premier coup de cœur en sa faveur, il y a presque dix ans, pour La Servante et le samouraï, voici une autre œuvre d’une finesse incroyable, qui prend un mélodrame romantique comme prétexte pour une très belle réflexion sur les notions de subjectivité et d’objectivité au fil d’une vie.
Critique : Limbo (Créteil 2015)
En compétition parmi les longs métrages fiction du Festival International de Films de Femmes de Créteil 2015, ce premier film réalisé par Anna Sofie Hartmann intrigue pour son côté Cercle des poètes disparus au féminin. La berlinoise d’origine danoise nous plonge ici dans le lieu de son enfance, Nakskov, et dans les affres de l’adolescence.
Critique : Anton Tchekhov 1890
Avec Anton Tchekhov 1890, René Féret s'attelle au portrait de l'un des écrivains russes les plus célèbres, auteur des pièces de théâtre La Mouette, La Cerisaie et Oncle Vania, ainsi que de nombreuses nouvelles. Alors que le sujet aurait pu conduire à un biopic historique à la gloire du grand écrivain, il semble plutôt que tout, dans le film, soit ramené aux dimensions de l'humilité de l'homme qui, avant d'être écrivain, demeura avant tout et toute sa vie un médecin, un fils, un frère. Nicolas Giraud, que l'on a vu récemment dans Loin des hommes, incarne l'écrivain-médecin aux côtés de Lolita Chammah et Robinson Stévenin.
Critique : Main basse sur la ville
Au pied du Vésuve trônent les châteaux de la grande époque, la Galleria Umberto I, les offrandes au dieu Maradona sans oublier les ruines figées de l'antique cité de Pompéi... Une carte postale altérée par la misère, spectaculaire, qui ronge la cité phare du Mezzogiorno. Lion d'Or à la Mostra en 1963, le film de Francesco Rosi est une chronique de cette misère. Il nous en montre les causes, les exposent et les dénoncent. Un long-métrage coup de poing, de seulement 1h30, qui fait figure de monument sur l'Italie démocrate-chrétienne.
Critique : Charlie’s Country (2ème avis)
Un plan fixe sur le visage de David Gulpilil. Des traits sévères de son ami, Rolf de Heer tire un film lent et malicieux, perdu dans l'immensité du Bush. Ce qui aurait pu être un banal conte mi-rédemption mi-tolérance se révèle au contraire bien plus pugnace dans sa description de l'intervention incessante du gouvernement australien dans les affaires aborigènes. Décryptage de ce film systémique.
Critique : Local Hero
Mis en musique par Mark Knopfler, réalisé par l'humaniste Bill Forsyth et avec Burt Lancaster en tête de proue d'un casting atypique, « Local Hero », film de 1983, respire l’Écosse. Contant l'histoire simple d'un américain au patronyme scots (en réalité descendant d'immigrés hongrois) envoyé par une compagnie pétrolière auprès d'une communauté reculée du nord de l'Alba, ce long-métrage distille un discours à la fois écologiste et naïf, d'une honnêteté précieuse.
Critique : Gente de Bien
On aurait aimé n'écrire que du bien sur un film qui traite de façon juste de nombreux thèmes importants. Malheureusement, il y a ces scènes de remplissage qui arrivent trop souvent à le plomber. En fait, Gente de Bien est un peu à l'image de Maria Isabel : les meilleures intentions ne donnent pas toujours les meilleurs résultats.
Critique : Paris of the North
L’Islande, cette île isolée au large de l’Europe, nous a toujours fascinés. D’abord, en tant que lieu de retraite rêvé, loin de tout et pourtant peut-être l’endroit le plus proche de la France qui vit encore au gré des influences naturelles : le froid, la neige et l’obscurité en hiver, ainsi que l’éruption éventuelle d’un volcan à tout moment. Et puis, grâce à son cinéma, modeste en quantité, mais d’une qualité à toute épreuve, qui tire profit des caractéristiques nationales sans jamais tomber dans la caricature folklorique. Paris of the North nous conforte largement dans notre appréciation. C’est un joli film doux-amer, avare en réponses, mais très adroit lorsqu’il s’agit de présenter les différents dilemmes existentiels des personnages sous un jour réaliste. Car contrairement à ce que pourrait laisser croire l’affiche française du film, l’état de flottement du protagoniste n’est pas principalement de l’ordre aquatique. Il relève davantage de cette délicate impasse due à l’indécision, qui accable tôt ou tard les hommes à partir de la trentaine.
Test DVD : Chemin de croix
C'est un film sur le fanatisme religieux que nous propose le réalisateur allemand Dietrich Brüggemann. Alors que le cinéma actuel a tendance à se diriger chez les musulmans et chez les juifs pour montrer les dégâts causés par les religions lorsqu'elles glissent dans l'intégrisme, c'est dans l'univers des catholiques que nous conduit Chemin de croix.
Critique : La Proie nue
Nommé à l'Oscar du scénario original (face à Blow-Up d'Antonioni et La Grande Combine de Billy Wilder tous battus par Un homme et une femme de Claude Lelouch) malgré une histoire apparemment minimaliste de traque sans dialogue ou presque, ce cinquième long-métrage de l'acteur Cornel Wilde est une variation étonnante sur le thème de l'orgueil de l'homme occidental perdu dans un monde qu'il méprise et croit maîtriser.
Critique : Selma
Étrange écho (vu d'ici) à la marche républicaine qui a rassemblé un million et demi de Français en janvier 2015, Selma, le film d'Ava DuVernay sur les marches menées par Martin Luther King en 1965, sort dans les salles françaises le 11 mars 2015. En mars 2015, soit exactement cinquante ans après la marche historique qui conduisit, de Selma à Montgomery, vingt-cinq mille manifestants en faveur de l'application des droits civils, et qui aboutit (non sans effusion de sang) à la signature de la Loi sur le Droit de Vote.